La guerre malheureuse de 1870 va susciter la naissance inopinée de la Croix-Rouge à Valenciennes alors qu'elle vient à peine d'être officiellement reconnue par les futurs belligérants. [1863]
C'est le 18 juillet 1870, que l'annonce de la déclaration de la guerre entre la France et l'Allemagne parvient à Valenciennes. Le Maire, M. Bracq, fait immédiatement placarder un avis pour annoncer que les portes de notre ville, alors ceinturée de remparts, seront fermées de 10 heures du soir à 4 heures du matin.
Spontanément, un Comité de Dames de la Croix-Rouge est constitué. Il sollicite par voie de presse des dons de linges et de charpie. Les communes de l'arrondissement collectent également des ballots de linge et des caisses de pansements qui bientôt s'accumulent à la Sous-préfecture car personne ne doute de la victoire de nos troupes. Le Maréchal Leboeuf n'a-t-il pas annoncé qu'elles étaient prêtes... jusqu'au dernier bouton de guêtre !
L'illusion est de courte durée le 13 août, le Sous-préfet Dufour fait placarder dans toutes les communes un appel aux armes dont voici l'essentiel :
« Les armées prussiennes souillent d'un pied sacrilège le sol de notre belle patrie,
de notre France sur la frontière de l'Est.
Il faut qu'elles en soient chassées ou qu'elles y meurent.
Un grand effort est nécessaire; il faut que la Nation entière se lève.
La France appelle à elle tous ses enfants.
L'arrondissement de Valenciennes a des souvenirs, des titres auxquels il ne faillira pas.
Aux armes donc et sus à l'ennemi ».
Le Comité Valenciennois de secours aux blessés militaires est constitué sous le signe de l'union sacrée et, jusqu'à ce jour, il aura à cœur de maintenir cette tradition qui fait d'ailleurs la force de la Croix-Rouge Française :
Président fondateur, Ernest Boulan, administrateur de l'Echo de la Frontière. On verra que ce choix était excellent.
Vice-président, Abbé Lasnes, doyen de St-Géry.
Trésorier, Jules Lussigny, négociant.
Secrétaires : Charles Thellier de Poncheville et Louis Legrand, (tous deux avocats et futurs députés).
Membres: Théodore Deromby, Henri Lemaire, Abbé Joleaud, supérieur du Collège Notre-Dame, Edouard Denoyelle, Léon Dumont, Gonnet, Henri Dubois, Lionne-Wagret, Dombret, Eugène Delcourt, Desenfants, Maizières, Jacob, Persignat pharmacien et Paul Delannoy qui mourra en octobre 1870 à 35 ans d'une maladie contractée auprès des contagieux [probablement la variole].
Madame Bracq-Dabencourt, femme du Maire est appelée provisoirement à la présidence du Comité des Dames, Madame Albert Mabille de Poncheville est chargée du vestiaire. Après la chute de l'Empire, elles sont remplacées par Mmes Charles Serrez et Raymond Didiez.
Le Lycée Rue Ferrand est mis avec 100 lits à la disposition de l'Intendance Militaire. Il en est de même du Collège Notre-Dame, avec 40 lits réservés aux officiers.
Par suite des besoins imprévus, quelques maisons particulières seront aménagées en ambulances auxiliaires telle que la demeure d’Auguste Lefebvre Pirard, notaire, qui entre bientôt au Comité avec M. Flamen, juge au Tribunal civil et Moïse Fribourg, opticien. Enfin, MM. Meynard et Fortier offrent gratuitement des chevaux et des voitures pour le transport des blessés.
Dans la nuit du 20 août, un premier train débarque 540 soldats dans un état lamentable. Ils meurent littéralement de faim et de soif; leurs pansements n'ont pas été changés depuis plusieurs jours. Des voitures particulières et les omnibus des hôtels les acheminent, soit vers l'Hôpital Militaire, soit vers les ambulances qui viennent à peine d'être organisées.
Le Comité confie à M. Deromby la direction de deux nouvelles ambulances : l'une aux Académies, l'autre à l'Institution St-Joseph à Valenciennes.
Les jours suivants, les convois continuent à déverser les blessés incapables d'être transportés plus loin. Les autres sont accueillis à Lille, Cambrai, Douai, Le Quesnoy et Bouchain.
Le Comité valenciennois se dévoue au maximum pour remplir sa mission. Il sollicite, de porte en porte ou par des appels en chaire, des dons en nature, tabac, cigares, eau-de-vie. Des communiqués dans les journaux comportent une recommandation qui mérite d'être relevée : « Les vins de Bordeaux seront reçus avec reconnaissance. Les vieux surtout »>.
Le 5 septembre 1870, des soldats de toutes armes arrivent par bandes plus ou moins encadrées, spectacle lamentable d'une débâcle qui a débuté à Sedan.
Le Comité de la Croix-Rouge risque de se trouver débordé. Il invite les Valenciennois à offrir à boire et à manger aux malades et aux blessés qu'on ne peut hospitaliser. Le 6 septembre, Louis Legrand, qui était l'un des secrétaires du Comité de la Croix-Rouge est nommé Sous-préfet de Valenciennes par le nouveau Préfet du Nord désigné après la chute de l'Empire.
Notre concitoyen n'exerce ses fonctions qu'une semaine. Il s'engage dans la Mobile et finira la guerre avec le grade de commandant.
Le 13 septembre, un nouveau convoi de 450 blessés arrive en gare. La générosité de nos concitoyens ne se lasse pas : M. Meyer offre à la Croix-Rouge 85 mètres de cretonne, Paul Lelièvre et Mme Ewbank des piles de chemises, M. Deldique des oranges et des citrons. Les donateurs de vins de Bordeaux ont soin de préciser l'année de cuvée. Les Mines d'Anzin offrent du charbon qui sera particulièrement apprécié au plus fort de l'hiver.
Le 30 septembre, trois membres de la Croix-Rouge anglaise viennent prendre contact avec leurs collègues de Valenciennes. Le chef de la délégation est le général Sir Vincent Eyre : huit jours après, 15 colis de plus d'une tonne arrivent de Londres. Ils contiennent des instruments de chirurgie, médicaments, pansements et une grande quantité de linge, chemises, couvertures, draps et flanelles. La ville de Glasgow envoie également des effets et du matériel sanitaire.
En dépit des soins apportés aux blessés, les plus gravement atteints succombent et bientôt il en sera de même pour ceux atteints par des maladies contagieuses.
Chaque fois, une délégation de la Croix-Rouge accompagne leur dépouille jusqu'au cimetière St-Roch. A la fin des hostilités, un monument sera élevé à leur mémoire. En dessous de l'emblème de la Croix-Rouge figure le nombre des victimes: 185 dont 89 soldats décédés dans les ambulances gérées par le Comité de Valenciennes.
En octobre, celui-ci est officiellement reconnu par la Croix-Rouge internationale.
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