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Les civils du Valenciennois dans la Grande Guerre 1914-1918
1 février 2019

ALBARET Camille : un Amandinois derrière les lignes.

 

     Né à Guise (Aisne) le 14 juillet 1883 de Jean Louis et LAURENT Virginie Louise, Guillaume ALBARET habite à Rousies (Nord) lors du recrutement de sa classe en 1903. Matricule 1343 à Avesnes, il est incorporé au 145e RI le 16/11/1904, où en vertu de l'article 21, il obtient une dispense pour ne faire qu'un an. Il épouse à Rousies le 28/03/1908 CORNUEZ Maria Adelaïde née à Maubeuge le 07/01/1891 Désiré et BOMBLET Elise.

     Installé à St-Amand-les Eaux en 1914 comme chauffeur d'auto, réserviste au 84e RI, resté dans ses foyers à la mobilisation (il est réformé pour "perte de l'oeil droit" en 1910), il voit arriver l'occupant le 24/08/1914. A plusieurs reprises il ira porter lettre et colis aux prisonniers de Maubeuge. Il se rend ensuite en Hollande transmettre au consulat à Flessingue des renseignements recueillis en pays occupé.
Passant en France libre, il est finalement classé "service auxiliaire pour diminution de l'acuité visuelle" au bureau de recrutement d'Avesnes à Brive et "renvoyé dans ses foyers" en fait à Amiens où il réside rue Denfert-Rochereau, devant son insistance, il est finalement affecté au service de renseignements de la 2e armée. Il est alors envoyé en mission dans les lignes ennemies : deux premières mission le conduisent à être déposé en avion près de Bohain ou il recueille des renseignements utiles à nos armées, et repart comme il était venu : en avion.

Albaret C

     La décision est prise de l'envoyer une troisième fois à Saint-Amand cette fois ; le 10 septembre 1915, vers 6h30, Mme Palmyre DUFRESNES, cultivatrice à Nivelle voit un avion français, piloté par l'adjudant Lesort, atterrir près de sa ferme sur la route de St-Amand. Alors que les soldats allemands accourent, un homme saute de la carlingue et court se cacher dans un fossé, dans lequel il rampe jusqu'à la maison de Mme Dufresnes. S'étant présenté, elle décide de le cacher au grenier alors que les Allemands sont à la porte ; il lui a laissé sa sacoche contenant des pigeons qu'elle demande à sa fille d'emmener au dehors tandis qu'ils fouillent la maison. C'est au moment où ils allaient découvrir la cachette de l'espion comme ils le nommaient déjà, que l'un des soldats trouve un cheval caché par la fermière, qu'il s'empressent d'emmener, abandonnant la perquisition.

Mme DUFRESNES

Albaret put alors se présenter, donnant à la fermière des journaux français et des lettres de soldats pour les habitants de St-Amand. C'est avec l'aide du commissaire de police NONON et de M. Paul MANCHE marchand de bicyclettes à St-Amand, qu'il remplit sa périlleuse mission, recueillant des renseignements à Valenciennes, Lille, Tournai, Douai. Les informations sont transmises grâce aux précieux pigeons-voyageurs.

     Puis, au jour dit, un avion doit venir le reprendre, mais un épais brouillard empêche tout atterrissage, il attendra six jours de suite. Ne pouvant plus compter que sur lui-même, il se cache en foret de Raismes, M. Paul Manche insiste pour qu'il se réfugie chez lui, où durant trois mois et demi il se cache dans une citerne qu'il avait vidée à cet effet. Durant ce temps, les Allemands qui le cherchent interrogent et malmènent son épouse ; malgré son évacuation vers la France libre via la Belgique, l'Allemagne et la Suisse, elle décède le 14 Août 1917 à la villa Bellevue, hôpital auxiliaire d'Evian-les-Bains, première ville française libre à l'accueillir.

     En janvier 1916, dans le but de rejoindre la France libre, il tente par trois fois de passer la frontière hollandaise, sans succès. Il revient à Rousies où demeurent ses beaux-parents : dénoncé, arrêté, il saute de l'automobile qui l'emmène à Maubeuge et reprend sa vie errante.

     Le 1er mai 1916, il est de nouveau arrêté, à Jeumont, alors qu'il repartait vers la frontière hollandaise. Les Allemands n'ont que peu de renseignements à son sujet, ce qui n'empêche pas le conseil de guerre siégeant à Maubeuge de le condamner à mort pour espionnage. Le 1er juin, alors que le peloton s'apprête à l'exécuter, arrive l'ordre de surseoir : une nouvelle dénonciation confirme l'arrivée d'un espion le 10/09/1915 à St Amand, mais ses amis lui ont forgé un alibi, et c'est un soldat allemand qui déclare qu'à cette date le suspect se trouvait à Rousies.

     Innocenté, il est cependant envoyé dans une colonne de travailleurs (ZAB) s'efforçant encore selon certains de renseigner les alliés. Une nouvelle fois son activité a été relatée en détail aux Allemands et le 10/10/1918 il est arrêté, emprisonné à Valenciennes, puis dirigé vers la prison de Mons pour l'instruction de son procès. Le 3 novembre 1918 il s'évade de sa cellule. Mons est libéré par les Canadiens le 11/11/1918, jour de l'Armistice, il est définitivement libre.

     Il est cité à l'ordre du Grand Quartier Général en date du 01/01/1919. Sa citation lui vaut la médaille militaire et la croix de guerre avec palme.

citation
JORF du 03/05/1919

 

EvadésLa médaille des évadés, créée le 20/08/1926 lui sera accordée au titre de la guerre 1914-1918 par décret du 7/05/1929, avec citation à l'ordre de la division :

"Surpris par l'invasion, a réussi à s'évader pour se mettre à la disposition de l'autorité militaire".
(JO du 07/06/1929)

 

En décembre 1932 son État des Services mentionne une maladie grave, il décède à St-Amand le 11/03/1933.

 

Dans l'immédiat après-guerre, les tribunaux ont jugé les traîtres et dénonciateurs, ce dont la presse s'est fait l'écho. Camille Albaret a témoigné dans les procès de deux d'entre eux :

En mars 1919, à la suite d'une enquête faite par M. Nonon (cité plus haut) commissaire de police, la femme T..., de la Zinguerie est arrêtée et transférée à Lille sous l'inculpation de dénonciation de Camille Albaret.

GEdN1

En mai 1920 se tint devant la cour d'assise de Mons (B) le procès du sieur Félix-Aimé Bréda, né à Liège le 26 mars 1879, ex-marchand d'articles de pêche à Maubeuge. De nombreux faits lui étaient reprochés, dont celui de l'arrestation de Camille Albaret :

GEdN2

Bréda fut, pour l'ensemble des charges, condamné à mort, et la sentence commuée en détention.

 

Sources : "L'Egalité" de Roubaix Tourcoing, Le Grand Écho du Nord.

 

 

 

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