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Les civils du Valenciennois dans la Grande Guerre 1914-1918
6 décembre 2012

Otages en Lithuanie (I)

 

IIe partie >>

 

DEPART DES OTAGES POUR LA LITHUANIE

 Extraits du livre de René Delame : "Valenciennes Occupation allemande 1914-1918. Faits de guerre et souvenirs" Hollande & Fils ed. 1933

       Dès le samedi 29 décembre 1917, la Municipalité [de Valenciennes] était avisée à dix heures du matin, que cinquante-six otages de la 11e armée, devaient être logés chez l'habitant, et l'on nous demandait de préparer à manger pour soixante-trois personnes, ce qui nous fit croire qu'il y aurait sept otages pour Valenciennes.

       La Municipalité décida de remettre à chacun un colis contenant 1 kg. de chocolat, 2 boîtes de lait, 0,500 gr. de cacao, 1 kg. de riz, 1 kg. de sucre, 1 kg. de café, et 28 biscuits.
De plus, la Municipalité fit remettre aux personnes qui recevaient des évacués, un pain, 0,250 gr. de beurre, une boîte de lait, 500 gr. de riz et dix biscuits.

       Mais au lieu de cinquante-six otages, il en arriva quatre-vingt, soixante logements seulement ayant été préparées, il fallut donc loger les vingt autres dans des auberges quelconques.
Dès que j'appris cette triste nouvelle, je courus chez mon ami, J. Ewbank pour l'avertir que les Allemands allaient prendre des otages. J'y rencontrai le Baron de la Grange de Sebourg venu pour déjeuner. Nous causions de la situation bien triste où nous nous trouvions, quand un gendarme en grande tenue, accompagné d'un soldat, se présenta, tenant en main la liste des otages, et dit à M. Ewbank ;

«Je suis chargé de vous aviser que vous devez être prêt à six heures du soir pour partir en Allemagne. Vous avez droit à 50 kg. de bagages» .
Le gendarme nous montra la liste des sept otages valenciennois qui étaient MM. :

Lest, de l'Administration des douanes;
Georges Ewbank, propriétaire;
Fernand de Saint-Ouen, propriétaire;
Lequenne, pharmacien;
Gaillard, juge au Tribunal civil;
Gravis, notaire.

M. de Saint-Ouen était au nombre des invités de M. Ewbank. c'est ainsi qu'il apprit qu'il était sur la liste des otages.
Je rencontrai chez moi M. Gravis, et je lui dit de rentrer directement chez lui, qu'une mauvaise nouvelle l'attendait, car il partait le soir même comme otage pour une destination inconnue. Quant à M. Gaillard, étant gravement malade, il fut remplacé par M. Tromont, conseiller municipal.

       Je recevais chaque samedi quelques amis. Ce jour-là, notre déjeuner fut naturellement très triste, car je désirais aller faire mes adieux aux voyageurs forcés. A dix heures du soir, je fus appelé au poste de police, pour recevoir de nouveaux otages venant de Bavai, Denain, Le Quesnoy, Bouchain, etc...

       Cependant, à une heure et demie du matin, tous étaient logés, les habitants leur ayant fait un fraternel accueil. C'est ainsi que Mgr Jansoone, doyen de Saint-Géry avait donné son lit et celui de sa bonne à deux ecclésiastiques. Les premiers otages que je vis, venaient du Quesnoy. L'un d'eux, un instituteur avait été prévenu en pleine classe et avait dû sur le champ quitter ses élèves. Il avait mis ses bagages dans une malle que le commandant trouva trop grande, et les lui fit mettre dans deux vieux sacs troués. Un autre, vieillard, avait dû quitter sa femme mourante, alors qu'une voisine lui apportait une boisson chaude avant son départ ; le commandant lui-même l'empêcha de la prendre, et le brutalisa.

       Il nous semblait que cette fois, les otages étaient menés très durement. Nous ne nous étions hélas pas trompés, car ces malheureux devaient subir d'autres tourments. La Commandature, toujours sans pitié, leur fit dire qu'ils partaient dans l'Est de l'Allemagne, où il faisait très froid, et de prendre des vivres pour cinq jours.

       La journée du 2 janvier 1918, fut une journée d'émotion pour les otages, qui avaient été appelés le matin à la commandature, puis renvoyés chez eux. Mais le commandant les avait avertis de s'assurer toutes les heures si une convocation ne les appelait pas pour un départ immédiat ; raffinement de cruauté bien allemand!
Le 5 janvier, ils attendaient toujours, se demandant ce qu'on allait faire d'eux. Certains d'entre eux se trouvaient dehors, les officiers allemands ayant pris leurs logements.
Je rencontrai enfin, le lieutenant Toreksdorff qui me dit que l'appel aurait lieu l'après-midi à quatre heures, et que le départ se ferait le lendemain à trois heures. Le rendez-vous fixé était la place de la Gare.
Toutefois, cette réunion eut lieu dans les magasins Billiet, rue Saint-Géry. Les otages étaient au nombre de cent trois. Il leur fut recommandé d'être exacts au rendez-vous, et de prendre du ravitaillement pour cinq jours, la soupe devant leur être servie en route.
M. Billiet leur fit des adieux touchants, leur souhaitant beaucoup de courage, et surtout un prompt retour.

Comme il regrettait de ne pouvoir obtenir leur renvoi dans leurs familles, le lieutenant Toreksdorff lui répondit :

«  Vous n'avez qu'à vous en prendre à la France!»


              J'interromps ici le récit, car même si en temps de guerre, il n'y a pas vraiment besoin de raison, l'occupant prétendait bel et bien en avoir une, qu'il avait exposé fin 1916 dans "La Gazette des Ardennes" et qui servit de prétexte aux déportations :

     A leur arrivée en Alsace en 1914, les troupes françaises ont emmené les fonctionnaires impériaux en poste dans les villes sous contrôle de l’armée française ainsi que leur famille. Ceux-ci ont été internés dans des camps en France et en Algérie. De longues tractations ont commencé entre la France et l’Allemagne pour régler leur sort. Afin de faire céder le gouvernement français, les Allemands décident en novembre 1916 de déporter 300 civils du Nord. Ces otages – hommes et femmes – sont choisis dans les mêmes catégories socioprofessionnelles que les Allemands emprisonnés. Parmi eux se trouvent de grands industriels (Prouvost, Pollet, Motte, Masurel, Tiberghien…), des élus, des juristes, des avocats, des médecins… Un début d’accord ayant été signé entre les gouvernements français et allemand, ces premiers otages sont rapatriés en avril 1917.
    Comme les négociations franco-allemandes piétinent, les Allemands procèdent à une deuxième déportation massive (600 personnes) en janvier 1918. Cette fois, seules les femmes sont internées à Holzminden. Les hommes sont déportés en Lituanie dans les camps de Jewie, Milejgany et Roon, dans des conditions bien plus dures : vingt-six d'entre eux y trouvent la mort.
(source : l'histoire par l'image

Je rassemblerai plus loin les articles de la Gazette, et je me contente d'exposer la situation, bien que l'on puisse déjà faire remarquer que le Dr Albert Schweiter lui-même, placé en résidence surveillée dès 1914 en tant que citoyen allemand sera interné (à Garaison dans les Hautes-Pyrénées) en 1917.

Bien évidemment, ce n'est pas la première prise d'otages à Valenciennes, les faits s(er)ont rapportés ici.


 

       Les otages remercièrent M. Billiet de l'accueil qu'ils avaient reçu à Valenciennes. Ils surent supporter avec courage et résignation cette terrible épreuve, cachant leur juste émotion à leurs ennemis.
Le lendemain, par un froid de dix degrés au-dessous de zéro, tous furent exacts au rendez-vous. Nous nous étions occupés du transport des bagages et des cent caisses de victuailles, ainsi que de trois cents pains qui les accompagnaient.
Parents et amis avaient suivi les otages, de sorte que la place de la Gare présentait un aspect pittoresque, mais bien triste. Le lieutenant Toreksdorff et son secrétaire, à l'heure indiquée, firent entrer les otages un par un et firent le pointage.
A quatre heures, le train entra en gare, venant de Lille, Roubaix, Tourcoing, Douai, dans lequel étaient deux cent cinquante autres otages. Ceux de Valenciennes montèrent dans le même compartiment de 3e classe. Ce train n'arrêtant que quelques minutes en gare, nous eûmes à peine le temps de distribuer les denrées aux cent trois otages.


        Nous ressentîmes une poignante émotion quand, à quatre heures trente, le train s'ébranla, emportant ces trois cent cinquante otages. Ceux de Roubaix étaient partis à six heures et demie et ceux de Lille à dix heures ; on leur avait dit que le trajet serait de cinq jours, mais il fallait compter sur les imprévus.


       Un entrefilet de la Gazette de l'Allemagne du Nord nous révéla quelques jours après leur départ, qu'ils avaient été dirigés vers une localité située entre Vilna et Kowno, et que le lieu de leur internement était actuellement la forteresse de Milejgany et Zosle.
Le Conseil décida d'envoyer aux otages de Valenciennes, un colis par quinzaine, mais cette résolution ne fut jamais exécutée.
Enfin, le 18 janvier 1918, nous reçûmes des nouvelles de ces malheureux qui nous apprirent que le voyage de Valenciennes à la gare de Zosle, près Kowali, avait duré six jours, et que pour les remettre de cette grande fatigue, les Allemands les obligèrent à se rendre à pied, dans la neige, au château de Milejgany, qui se trouvait à 10 kilomètres de la gare ; aussi un otage de Sedan, âgé de 70 ans, mourut-il en arrivant.
Connaissant le lieu de leur internement, Mme G. Ewbank vint me prier de faire parvenir un peu de ravitaillement à son mari, mais la Commandature fut sans pitié, ayant reçu des ordres très sévères pour que rien ne fut envoyé aux otages. Je me retournai alors vers le capitaine Neuerbourg qui me promit d'en parler au Grand Quartier Général pour que la C.R.B. [Commission for Relief in Belgium] obtint la permission d'envoyer régulièrement des colis.


De Valenciennes au terminus, il leur aura fallu parcourir quelques 2100km pour atteindre Milejgany, actuellement Mijaugonis, toujours en Lituanie, qui se situait alors au-delà de la frontière de la Prusse Orientale, en territoire conquis sur le front de l'Est.

L'itinéraire depuis Roubaix et Lille passe par Douai, Valenciennes, (Charleville-)Mézières, Sedan, Luxembourg, Trèves, Mayence, Erfurt, Leipzig, Berlin, Posen (Poznan), Hohensalsa (Inowrocław), Thorn (Torun), Kovno (Kaunas).

 


En bleu le trajet est représenté sur route, peu différent de celui par rail qui n'existe pas avec MyMaps.
En rouge le trajet par rail depuis la frontière germano-russe, tracé à la main en suivant les voies.

 

 Croquis de Charles MARIAGE illustrant le livre d'Emile FERRÉ
"Nos étapes de représailles en Lithuanie."

otages1
L'arrivée des otages à Zosle le 12 janvier 1918

otages2
Étable servant d'annexe à la grange de Milejgany

otages3
Vue intérieure de la grange de Milejgany où furent parqués plus de 450 otages

 

Situation des localités à l'ouest de Vilnius (Wilno) en actuelle Lituanie :

campsKoschedary, Zosle, Milejgany, Jewjie, puis Ponary et Biała-Waka
qui apparaissent dans la suite du récit.

Avant de reprendre le sujet de la déportation des hommes, l'auteur raconte celle des femmes vers le camp de Holminden.


               Nous pensions la série des otages terminée, quand le 11 janvier 1918, la Commandature informait la Municipalité de préparer le logement pour quarante-sept otages dames qui devaient passer une nuit à Valenciennes; trois Valenciennoises, Mesdames Gravis, Regard, Meurisse, désignées pour partir à Holzminden devaient les rejoindre.
Une amie, Mlle Dubois, en apprenant cette triste nouvelle vint me demander de l'accompagner à la Commandature, afin d'obtenir la permission de remplacer Mme Gravis, dont le mari était parti le dimanche précédent comme otage en Russie.
Le capitaine Krauss, qui logeait chez moi, nous reçut très aimablement, mais nous renvoya au capitaine Toreksdorff. Celui-ci nous dit qu'il référerait à l'inspection, mais il nous laissa peu d'espoir, car il ajouta ; « Moins pour elle que pour toute autre, ses deux fils ayant regagné la France par la Hollande» .
Le vendredi 11 janvier, arrivaient, vers cinq heures les premiers otages venant des Commandatures d'Artres et de Bavay. Une pauvre dame de Bavay me pria en pleurant, de bien vouloir l'accompagner à la Commandature, ne pouvant se résigner à abandonner ses quatre petits enfants ; une autre de Cambrai, dont le mari était très souffrant, en laissait sept dont l'aînée avait onze ans.
M. Billiet m'ayant demandé d'assurer le logement en ville de ces otages, je passai une partie de la nuit au bureau de police. Ces dames arrivèrent par petits groupes, encadrées de soldats armés. Ceux-ci remettaient les otages entre les mains de la Commandature, puis elles se rendaient au bureau de police pour recevoir leur billet de logement.
Le dernier groupe arriva à minuit et demi, venant de Cambrai.
Parmi elles se trouvait Mme Risbourg, dont le père était déjà parti le dimanche pour la Russie. Voici d'ailleurs la liste de ces otages ;

Mmes
Devred
, Aniche;

d’Haussay, Artres;
Lecompte, Vendegies;
Merlem, Aniche;
Picques, Somain-sur-Ecaillon;
d'Haussay, Monchaux;
Malet, Thiant;
Terifocq, Le Quesnoy;
Henion, Le Quesnoy;
Willot, Bavay;
Darche, Bavay;
Brasseur, Taisnières;
Vilain, Louvignies;
Cabaret, Le Quesnoy;
Moisy, Escarmain;
Hautecœur, Haussy;
Caudron, Haussy;
Filippi, Le Cateau;
Richard, Le Cateau;
Pegin, Le Cateau;
Delporte, Lewarde;
Duflos, Ecourt-Saint-Quentin;
Brogna, Remancourt;
Moriaux, Ecourt-Saint-Quentin;
Osaneaux, Caudry;
Richez, Caudry;
Qivy, Caudry;
Clouet, Denain;
Langaine (Wurth), Denain;
Sacclier, Denain;
Bricourt, Clary;
Boutin, Bertry;
Monsecourd, Oisy-le-Verger;
Conseile, Mastaing;
Boulet, Etrain;
Navet, Preux-au-Bois;
Didier, Pont-sur-Sambre;
Vinoy, Fontaine-au-Preux;
Risbourg-Chassart, Bouchain;
Wiart, Cambrai;
Tribout, Cambrai;
Parent, Cambrai;
Bricourt, Cambrai;
Charlet, Cambrai.
Mlle Noblecourt, Bousy;


Le samedi 12 janvier le départ des otages nous causa une grande impression.
Malgré toutes ces tristesses, aucune d'elles ne versa une larme, et comme le faisait remarquer l'Officier allemand de service, sur le quai de la gare ;
«Ce sont de vraies Françaises, toutes ont le sourire sur les lèvres» . Mais s'il avait pu voir le fond de leur cœur, rempli de tristesse!
Le rassemblement avait lieu à midi, sur la place de la gare. Comme les messieurs, les dames entrèrent une à une, pour le pointage par la grille de la Grande Vitesse. Il faisait un vent du nord glacial ; elles durent cependant attendre le train en plein air. Il ne se fit heureusement pas attendre.
MM. J. Billiet, Gabet, Debeukelaere et moi avions seuls l'autorisation de pénétrer dans la gare pour distribuer le ravitaillement. Les otages de Valenciennes montèrent dans la première voiture du train, qui cette fois était chauffé, et nous pûmes en passant adresser quelques paroles aux dames venant de Lille, et de Douai.
Ces pauvres femmes avaient été enfermées la veille au soir dans une caserne, n'ayant qu'une paillasse pour se coucher et rien pour se laver. La femme de M. Davaine, sénateur, Maire de Saint-Amand, faisait peine à voir.
Celles de Lille, élégamment habillées faisaient contraste ; je reconnus
Mmes Wallaert et Le Blanc, de Douai.
Il y avait également sept jeunes filles :
Mlles Maroniez, Moreau, M. Dupont, Toison, A. Lavoix, de Baillencourt, Sirot,
Mmes Legrand, Jossez, Defontaine, Baude.

Je ne pourrai dire l'impression que je ressentis en apercevant Mme Legrand de Lecelles, dont le mari, qu'elle n'avait pas vu depuis un an, se trouvait par hasard à Valenciennes, car en qualité de Maire de Lecelles, M. Legrand n'avait pas voulu quitter son poste. Je sortais justement de la gare, quand je le rencontrai, il me demanda si je connaissais le nom des otages de Douai, qui se trouvaient dans le train, je ne pus lui cacher celui de sa femme.
Inutile de dépeindre son émotion. L'officier de service à qui je signalai le fait, me donna la permission de le laisser pénétrer dans la gare, mais déjà le train s'ébranlait. Il se précipita au passage à niveau, mais le dernier wagon venait de passer.
Une dame du Cateau ayant été reconnue malade par le médecin allemand, eut l'autorisation de ne pas partir, mais le commandant téléphona pour la remplacer. Or, sa remplaçante, Mme Chambel, arriva à Valenciennes au moment où le train des otages allait se mettre en route. Elle se disposait à rejoindre ses compagnes d'infortune, quand le soldat qui l'accompagnait lui fit remarquer qu'il devait la remettre entre les mains de la Commandature. Ils s'y rendirent donc mais quand ils revinrent, le train était parti. Elle coucha le soir chez M. E. Baron, toujours très hospitalier, et le lendemain, l'autorité allemande la renvoya dans ses foyers, ne pouvant la conduire seule à Holzminden.


 Le rédacteur continue avec les tentatives pour venir en aide aux otages partis en Lithuanie. Totalement dépendants du vouloir de l'occupant, comme les otages eux-mêmes, ils ne peuvent espérer d'aide que d'organisations internationales issues de pays neutres ( Hollande, Espagne) reconnues par l'occupant.


            Le Comité Hispano-Hollandais avait fait une demande pour envoyer des colis aux otages, mais à la réunion du 19 février, le délégué hollandais, M. Gorter nous avisa que l'autorité allemande refusait d'envoyer des colis aux mille otages qui étaient dans le fort de Milejgany.
Le Comité tenta cependant une nouvelle démarche pour faire partir à Hautmont, un wagon de biscuits. Pendant ce temps, les parents des otages étaient attristés de ne pouvoir leur venir en aide. Aussi, fit-on prévenir le gouvernement français, par des évacués de cette triste situation, avec l'espoir qu'il leur viendrait en aide.
M. Giraud, otage en Russie, avait pu faire parvenir une lettre disant qu'ils avaient très faim, mais que le moral de tous les Valenciennois était excellent, malgré cette rude épreuve.
Ils étaient logés dans une église orthodoxe, mais avec une installation très rudimentaire, n'ayant qu'une seule cuvette pour se laver tous.
Nous eûmes enfin la satisfaction d'apprendre que nos démarches pour venir en aide aux otages n'avaient pas été vaines, car le Comité d'alimentation du Nord de la France nous faisait bientôt parvenir la lettre suivante ;

«Valenciennes, le 28 mars 1918.
«Comité de District de et à Valenciennes
«Ravitaillement des otages français.

Nous avons l'honneur de vous informer qu'à la suite de démarches qui ont été faites par le Comité Hispano-Néerlandais, avec le bienveillant intermédiaire de M. le Hauptman, comte Wentgersky et de MM. les Verpflegungs-Offiziers [officiers de ravitaillement] attachés aux districts, le Ministère de la Guerre à Berlin, a bien voulu autoriser l'envoi d'approvisionnements pour les otages français déportés il y a environ deux mois.»

«Nous conformant aux instructions qui nous ont été données à cet effet par les autorités allemandes, et dans le but de donner le plus de sécurité possible aux expéditions, nous avons décidé de faire l'envoi de ces approvisionnements en wagons complets.
«Un premier wagon est parti le 1er mars de Bruxelles pour le camp de Holzminden, où sont internés quatre-cents otages.
«Un second wagon, emportant le nécessaire pour cinq cents otages a été expédié également de Bruxelles le 20 courant à destination de Hautmont, d'où il sera réexpédié vers le camp de l'Est, où ces otages ont été placés en résidence. (Cet envoi a été fait dès que nous avons été renseignés sur le lieu de l'expédition.)
«Les expéditions comportent de 12 à 15 kg. de biscuits et de 1,200 à 1,500 de chocolat par otage, soit une quantité pour les besoins d'environ un mois. Nous espérons renouveler cet envoi tous les mois.
«Les dépenses résultant des fournitures et du transport seront mises à charge de la réserve de notre comité.
«Nous pensons que ces renseignements intéresseront votre Comité qui pourra ainsi, si la chose est possible, rassurer les familles des déportés sur ce point.
«Agréez, Messieurs, l'assurance de notre considération distinguée.
«Signé ; VAN BREE -LE BLANC



     Réponse du comité de district de Valenciennes au comité d'alimentation du Nord de la France, Bruxelles :

 «Valenciennes, le 29 mars 1918.
«Messieurs,
«Nous avons le plaisir de recevoir la lettre du 22 mars courant, par laquelle, vous avez bien voulu nous instruire de l'heureux résultat de vos efforts, tendant à l'envoi d'approvisionnements alimentaires aux otages français à Holzminden et en Livonie.
«Nous vous sommes tout particulièrement reconnaissants, laissez-nous vous le dire, de l'empressement avec lequel vous avez étendu les soins du C. F. à soulager l'épreuve de ces otages et du zèle appliqué à provoquer et à poursuivre les démarches nécessaires pour y arriver. Tous les auxiliaires qui vous ont, en cette circonstance, prêté leur bon concours, ont part naturellement à nos remerciements. Et nous sommes assurés de parler ici, non seulement en notre nom personnel, mais au nom des familles, et de tous les concitoyens des absents, auxquels s'attache d'une façon bien compréhensible le plus sympathique intérêt.
«En prenant en outre à sa charge et la peine matérielle et les frais des envois annoncés, la C. F. a encore accru ses titres à l'affectueuse gratitude des populations des territoires occupés; nous avons à cœur d'en rendre témoignage.
«Veuillez agréer, Messieurs, l'expression de nos sentiments dévoués, et les plus distingués.
«Le directeur commercial, Le délégué central,
«Signé ; E. BRANQUART. Signé ; J TURBOT.



6 avril 1918  Comme raffinement de cruauté, la Commandanture retourna aux familles les cartes qu'elles avaient écrites aux otages de Russie. Par contre, il était arrivé quelques lettres réclamant à cor et à cri de la nourriture, tous se plaignant d'être traités très durement, et de manquer du strict nécessaire. Aussi, cette lettre du comité d'alimentation vint-elle juste à temps pour calmer l'inquiétude des parents.

 

 

IIe partie >>

 

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