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Les civils du Valenciennois dans la Grande Guerre 1914-1918
14 janvier 2011

Abbé DELBECQUE

L'EXÉCUTION DE L'ABBÉ DELBECQUE

CURÉ DE MAING

(17 Septembre 1914)

 

La terreur a succédé à la tranquillité de ces derniers jours, les ordres se sont succédés de plus en plus sévères et abb_D nombre de personnes sont molestées sans aucune cause. Mais nous eûmes ce matin du 17 septembre un triste réveil. L'abbé Delbecque, curé de Maing, ardent patriote, était allé à Dunkerque pour y chercher des renseignements relatifs aux hommes mobilisables, restés en pays occupés. Mais, à son retour le 16 au soir, à Saint-Amand, ses amis voulurent le dissuader de continuer sa route. L'abbé ne tint pas compte de ces avertissements, et ceux qui l'ont connu ne s'en étonneront pas, car le danger ne l'effraya jamais.

Il franchissait le dernier poste difficile du passage à niveau du Poirier vers 9 heures du soir, quand il eut la malheureuse idée de revenir sur ses pas pour parler à la sentinelle qui venait de le laisser passer ? Il fut malheureusement arrêté et conduit à la gare, où on le fouilla, et l'on trouva, dans ses bottines, un document sur le rappel des classes.

Le tribunal, composé de cinq officiers se réunit immédiatement, et le prêtre allemand fut présent à l'interrogatoire.

L'abbé Delbecque fut condamné à mort, on lui laissa deux heures pour écrire à sa mère et à ses paroissiens, ce qu'il fit avec courage et un patriotisme remarquable.

Le commandant lui refusa de voir Mgr Capliez, Doyen de Saint-Nicolas, mais l'aumônier allemand le confessa et lui apporta la Sainte-Communion. Puis, à 6 heures du matin, on le conduisit contre le mur d'une maison en construction du faubourg de Paris, près de la colonne Dampierre.

Des femmes qui assistaient à l'exécution, pleuraient et criaient.
Courageusement, il se mit à genoux, leva les bras au ciel, et les six soldats tirèrent. 

ex_cutionabb_D
(Coll. pers.)

Il fut aussi brave devant la mort que devant le danger, et tomba la face contre terre, mourant en héros pour la France.

Très sommairement, il fut mis sur place en terre, et pendant toute la journée, ce ne fut qu'un défilé d'amis qui voulaient l'exhumer. Une démarche fut faite pour qu'il fût permis de procéder à une inhumation décente.

Cette exécution sommaire, à peine terminée, le commandant Kintzel faisait afficher sur les murs de la ville, l'avis suivant:

1° J'ai infligé hier à une commune de l'arrondissement de Valenciennes, une contribution de guerre de 20.000 fr. parce que les patrouilles allemandes ont trouvé sur la voie du chemin de fer et en haut des fils télégraphiques, sur un parcours de quelques kilomètres, un fil gris en soie, presque invisible (1).

2° Cette nuit, un conseil de guerre, composé de cinq officiers supérieurs, appartenant à l'armée allemande, s'est réuni selon mes ordres pour juger un prêtre français, curé d'une paroisse des environs de Valenciennes.

Ce curé a été pris vers minuit, filant en vélo et sans permission le long du chemin de fer, revenant de la côte du Nord. Il était porteur des ordres du gouvernement français, que l'on a trouvés sur son corps, cachés un peu partout (2).

Le Conseil l'a condamné unanimement à la peine capitale.

J'ai affirmé ce jugement et la mise à mort a été exécutée ce jeudi à l'aube.

 

Delbecque

 

Le lieutenant Kintzel fut premier commandant de place de Valenciennes , il s'installa le 25 août 1914. Lorsqu'il prit possession de la Mairie, il se dit, lors d'une première réunion, l'ami de la France, ce qui ne l'empêcha pas d'être très sévère, de condamner à mort l'abbé Delbecque, et d'imposer à la Ville une amende de 1.500.000 francs pour un pamphlet sur le kaiser, antérieur à la guerre.
D'une grande activité, il circulait jour et nuit pour installer les différents services. Toujours la badine à la main dans ses promenades, il ne savait se contenir, et toujours sa colère le dominait : type accompli du " soudard " allemand.

Vendredi 18 septembre. -Ayant obtenu de la Commandature, l'autorisation d'exhumer le corps de l'abbé Delbecque, à 3 heures de l'après-midi, le doyen de Saint-Nicolas, Mgr Capliez et le supérieur du collège Notre-Dame, procédèrent à la mise en bière.

Personne n'avait été prévenu, et cependant trois à quatre cents personnes étaient présentes. Quelques-unes seulement furent autorisées à accompagner le corps jusqu'à Maing, la population sans convocation aucune, s'était réunie dans l'église où l'absoute fut donnée. La mère de l'abbé Delbecque, malgré ses 80 ans, reçut courageusement le corps de son fils, dont elle embrassa le cercueil. Cette cérémonie fut très impressionnante, le curé de Maing étant très aimé, et estimé de ses paroissiens. Mgr Cappliez prononça quelques mots, et le cercueil fut inhumé dans le caveau provisoire de la commune.

Après l'armistice, le Gouvernement de la République honora sa mémoire, en lui décernant le titre de la Croix de Commandeur de la Légion d'honneur, avec la citation suivante:

" S'étant rendu à Dunkerque, au péril de sa vie, pour prendre des renseignements relatifs aux hommes mobilisables, restés en pays occupés, a été fusillé par les Allemands. A ainsi donné un bel exemple de courage et de dévouement. A été cité. "

 

(1) L'amende s'appliquait à Onnaing où M. le curé, MM. Clerquin et Leroux avalent déjà été pris comme otages et conduits à Valenciennes.
M. Edmond Brabant réussit à trouver cette somme et ils furent libérés.

 

(2) Voir la lettre qu'il écrivit avant son exécution dans la brochure que publia l'abbé Génie, sur la vie et la mort de l'abbé Delbecque.


 

 Le 12 novembre 1914, selon son état des services militaires, il eut été totalement dégagé des obligations militaires, bien que dispensé du service en tant que séminariste, il avait été versé dans la réserve en 1892.

 

En novembre 1923, un comité se forma afin d'élever un monument à ce héros mort pour la France. La souscription fut ouverte, et le 17 septembre 1924, jour de l'anniversaire de sa mort, un obit solennel fut célébré à l'église Saint-Géry, par les chanoines Lefebvre, archiprêtre, et Ch. Thellier de Poncheville. Le monument œuvre émouvante du sculpteur Terroir, érigé sur le terre-plein de l'église du Sacré-Cœur, avenue Dampierre, fut inauguré le dimanche 7 décembre 1924, par M. le Vicaire général Jansoone, remplaçant Mgr Chollet, archevêque de Cambrai.

M. Paul Dupont, en qualité de Président, rappela dans son discours la mort héroïque de cette victime de la guerre, puis

M. Jean Saint-Quentin, au nom de la ville de Valenciennes, Marcel Barlès, au nom de la Jeunesse catholique, Lebacqz, au nom des démobilisés, déposèrent des fleurs au pied du monument.

La cérémonie officielle terminée, la foule entra dans l'église du Sacré-Cœur, où eut lieu la cérémonie religieuse. L'abbé Lengrand, supérieur du collège Notre-Dame, fit un magnifique discours montrant à son auditoire ému à quel point l'abbé Delbecque a droit à notre souvenir, à notre respect et à nos prières.

 

Cette première partie est extraite du livre de René Delame : "Valenciennes Occupation allemande 1914-1918. Faits de guerre et souvenirs" Hollande & Fils ed. 1933


 

  • Il est à noter que l'acte de décès de l'abbé Delbecque a seulement été dressé le 3 novembre 1914 dans le registre d'état-civil des décès de l'année. Il est visible page 193 sur le site des Archives Départementales du Nord, et porte la mention "fusillé par les troupes allemandes"


Le texte qui suit est tiré d'une brochure éditée par le Collège Notre-Dame à Valenciennes, intitulée " Nos Héros", Livre d'Or des professeurs et anciens élèves éditée en 1921, qui nous éclaire un peu plus sur les circonstances et la personnalité de l'abbé.

 

L'abbé DELBECQUE Augustin,
né à Lillers en 1868, an­cien professeur,
curé de Maing depuis 1910,
fusillé par les Allemands le 17 septembre 1914.

 

     L'abbé Delbecque avait le souci d'être en même temps qu'un bon prêtre, un citoyen actif et dévoué. Dans la paroisse, il propageait les bonnes brochures, s'occupait d'œuvres sociales. Il discutait volontiers de politique, avec ardeur, mais aveccure_delbecque_b courtoisie, loyauté et compétence. On ne peut servir deux maîtres, dit l'Evangile, mais servir la France et l'Eglise, estimait l'abbé Delbecque, ce n'est pas servir deux maîtres : c'est servir sous ses deux formes la même autorité divine. On juge de sa douleur quand il voit l'invasion prussienne s'étendre sur le pays comme une lèpre. Volontiers, il saisirait un fusil pour faire le coup de feu, mais il a déjà donné sa vie à une cause plus grande! Exempt d'obligations militaires, gardien d'une paroisse, il lui est interdit de chercher à s'engager: il doit rester près de ses ouailles à son poste périlleux. L'abbé Delbecque reste, et il lui coûte de rester comme à d'autres de partir... Comme il souffre Cependant! Au début de l'occupation ennemie, on le voit, plus d'une fois, accourir à Valenciennes, avide de renseignements, tout frémissant d'indignation et d'impatience. Il peut, du moins, rendre à sa patrie, les services compatibles avec son ministère de prêtre. A leur premier passage, 1es troupes allemandes ayant saisi l'uniforme d'un soldat français, s'en servent comme d'un jouet et le pendent à un arbre sur la route. L'abbé Delbecque, intrépide, s'en va, sans hésiter, trouver un officier et, par ses protestations, obtient qu'on cesse ces insultes. 

Quelques jours se passent. On est au milieu de septembre: depuis trois semaines l'ennemi, est entré chez nous; le passage, pourtant, reste ouvert vers la France libre. Un certain nombre d'hommes de la région envahie sont partis vers Lille, pour se mettre à la disposition des autorités militaires, mais beaucoup, mal renseignés, sont revenus aussitôt. Dès lors, tous les timides, tous les hésitants, tous ceux qui, trop confiant, espèrent voir l'ennemi refoulé aussitôt, en profitent pour ne plus rien tenter. L'opinion publique est complètement dérou1ée: ceux qui sont partis, le peuple, avec une nuance de dédain, les appelle des fuyards.

L'abbé Delbecque n'y tient plus: il ne comprend pas cette inertie. Comment se fait-il qu'un ordre confidentiel, mais bien net, ne vienne pas indiquer à tous ces hommes leur devoir? La France n'a donc plus besoin de soldats ? Il prévoit œ qui va bientôt arriver: l'établissement d'une ligne infranchissable. On peut faire maintenant aisément ce que plus tard les braves ne feront qu'en risquant leur vie: on peut rejoindre, et on ne bouge pas! 

Le curé de Maing exhorte ses jeunes gens à partir: on lui répond évasivement et on reste. Ce n'est pas au curé, c'est aux militaires de parler! ... L'abbé Delbecque décide alors d'aller lui-même chercher l'ordre qui ne vient pas: il ne reviendra, qu'avec une réponse nette. 

Le 15 septembre, à bicyclette, il se met en route pour Dunkerque, où se trouve le commandement le plus rapproché. Il n'a pas perdu de temps : il a fallu, sans doute, faire antichambre dans les bureaux, et l'étape est longue! Pourtant, le 16 au soir, le vaillant abbé est déjà de retour. A Saint-Amand, un ami veut le retenir jusqu'au lendemain, craignant que la rentrée du curé de Maing, à cette heure tardive, n'éveille les soupçons; mais l'abbé Delbecque, qui n'a peur de rien, a peur d'inquiéter sa mère qui l'attend en tremblant. Il repart à bonne allure. 

 Vers 9 heures, à sa sortie de Valenciennes, au pont du Poirier, il est arrêté par une sentinelle qui le questionne, le fouille sommairement et le laisse aller. L'abbé fait quelques mètres, puis, se ravisant, il retourne réclamer sa carte qu'on lui avait retenue... On a prononcé le mot d'imprudence... [à Roncevaux] Roland a été imprudent, mais il a été héroïque! Nisus a été imprudent, mais il a été héroïque! Une telle imprudence n'est pas à la portée de tous !... 

Le geste de l'abbé Delbecque, en tout cas, ne manquait pas de crânerie. Il devait lui être fatal. Le soldat, pris de soupçons, l’arrête et le mène au commandant de place, à la gare de Valenciennes. On fouille l'abbé Delbecque et on trouve sur lui un papier, que lui avait remis le gouverneur de Dunkerque. Un conseil de guerre fut convoqué d'urgence, sous la présidence du commandant Kintzel, et bientôt le curé de Maing connut la sentence: c'était la mort.. On lui refusa toute communication avec le dehors, même avec son doyen, Monseigneur Cappliez. L'abbé Delbecque dut recourir au ministère d'un allemand, Georges Arnkens, vicaire à Hambourg.

Le jugement prononcé dans la nuit devait être exécuté à l'aurore. L'abbé Delbecque passa ses dernières heures à la gare en compagnie de l'aumônier allemand. Devant la mort si inattendue et si certaine, à heure fixe, il garda un courage héroïque. 11 eut la force d'écrire une longue lettre testamentaire, où les adieux les plus émus se mêlent aux recommandations les plus précises. Rien n'est plus impressionnant que ces pages, écrites sous la menace de la mort, d'une écriture ferme, énergique, avec une élévation de sentiments admirable, avec une lucidité, qui règle en détail, les affaires de la famille et de la paroisse. L'abbé Delbecque n'oublie rien, ni personne

 

Valenciennes, jeudi 17 septembre, 2 h 10 du matin. 

Ma bien chère maman, mon bien cher frère et ma bien chère Blanche, et mes chers Marguerite, Edouard et Maurice, chère Hermance aussi. 

 Une aventure terrible m'arrive. Ayant pris de simples renseignements pour Maing, au point de vue militaire et ces renseignements m'ayant été mis sur papier par un chef militaire de la place de Dunkerque, j'ai été arrêté par une sentinelle à mon retour, au pont avant le Poirier, vers 9 heures, et l'on m'a conduit à la place de Valenciennes, où l'on m'a fouillé et où on m'a pris ce papier. Aussitôt on m'a menacé de mort et un jugement militaire a été constitué dans la salle du grand buffet. 

J'ai expliqué que cela n'avait pas l'allure d'un ordre à faire passer à tous. Mais on a considéré cela comme un acte d 'hostilité contre l'autorité allemande. On m'a dit qu'on pouvait m'infliger ou 10 ans de prison ou la mort, et l'on m'a infligé la mort. 

Mes bien chers parents, chère maman, et cher Henri, je vous demande bien pardon pour toute la peine que j'ai pu vous faire en ma vie, comme je demande pardon à tous ceux que j'aurais pu offenser... 

Que ma chère paroisse de Maing veuille bien prier pour son pasteur, qui tombe à son service et qui regrette de n'avoir pu faire davantage pour elle. Qu'elle revienne davantage au Bon Dieu. Il est tout, et ce qui importe, ce n'est pas une longue vie, mais une bonne vie chrétienne par-dessus tout. Je meurs à {16 ans: c'est court, mais puisque la Providence le veut, c'est Elle qui conduit tout, c'est assez. 

Nous sommes ici-bas pour aller au Ciel: le Ciel, la possession du Bon Dieu et l'union avec la Très-Sainte Vierge Marie, tous ces saints si bons, si beaux, c'est bien le tout de 1'homme, tout ce qu'il faut ambitionner. C'est le vrai bonheur... 

J'ai grande douleur, certes, de vous quitter tous, grande douleur, car je voulais 'me dévouer pour vous davantage. Le Bon Dieu ne le veut pas... Que je vais bien prier pour vous! Que je vais bien prier aussi pour la chère paroisse de Maing, pour la chère paroisse d'Esquermes, aussi, où les paroissiens se sont toujours montrés si bons pour moi. 

Chers paroissiens de Maing, n'insultez plus jamais les prêtres; aimez-les, au contraire; écoutez-les: ils sont de bons serviteurs. 

Les chefs allemands qui m'ont jugé ont estimé que la note que je rapportais, et dont le commandant de la place de Dunkerque pourra reconstituer les termes, était de nature à rendre à la chère France, en tout le pays investi, un grand service (je crois bien que cela est exagéré), que cela desservait leur cause. Eh bien! puisque le juge­ment est tel et que je meurs pour cela, je suis heureux de mourir pour ma chère patrie. Beaucoup d'autres paient de leur vie, sur le champ de bataille, leur amour pour la chère France. N'ayant pas été militaire à cause de l'ancienne loi, je n'avais pas à courir de danger... Mais on juge que j'ai servi la patrie, et je tombe pour elle: ce sera le sang d'un nouveau prêtre versé! Que Dieu daigne l'agréer pour l'expiation des fautes nationales, et par suite son succès final... 

 

Parlant de sa sépulture, l'abbé Delbecque montre un désintéressement admirable. Il pose lucidement la question, comme s'il s'agissait d'un autre, comme si ce n'était pas lui que les brutes meurtrières attendent : 

Ensevelissez mon corps où vous voulez. J'aimerais bien, Guiscard, pour être avec les chers miens, mais, vu mon genre de mort, ne vaudrait-il pas mieux l'une de mes deux paroisses, Maing ou Esquermes ? Les habitants d'Esquermes y trouveraient un réconfort. Je suis aussi convaincu que Maing honorerait son pasteur. Voyez, ma chère maman, mes chers parents...

 Il demande des messes pour son âme. Il règle l'honoraire du prêtre. Il recommande quelques bonnes œuvres. Et puis, au milieu de ces précisions, l'émotion le ressaisit: 

 Que dirai-je encore ? Vous comprenez: j'en ai plein le cœur! Ma bonne, ma bien-aimée maman, à votre âge, recevoir un tel coup! Allons, je dois cesser: j'écrirais jusqu'à demain.

 Il s'épancherait volontiers plus longtemps, mais il faut un dernier sacrifice: le temps passe; il faut interrompre ces effusions et régler en détail les affaires paroissiales : 

 Enfin, il faudra faire pour le mieux... sans moi. 

La sentence est irrévocable! Elle est vraiment disproportionnée! Mais je n'ai pu arriver à la changer, je ne comptais jamais qu'elle eût pu être telle. 

Rien n'arrivant sans la permission de la Providence, inclinons-­nous tous devant elle, regardant le ciel, offrant notre sacrifice pour nos chères âmes, mes chères paroisses de Maing, d'Esquermes, pour le cher Guiscard, aussi, et pour la France, notre bien-aimée patrie. 

Adieu, ma chère France! Adieu, mes bien chers confrères du doyenné et mon cher doyen de Saint-Nicolas. Adieu, ma chère paroisse d'Esquermes, où les paroissiens furent si encourageants et si bons pour moi. 

Adieu, mes vieux collèges de Notre-Dame à Valenciennes, de Notre­-Dame des Dunes à Dunkerque, de Saint-Joseph à Lille; faites-moi aussi chers collègues, l'aumône de quelques bonnes prières, et redites bien, chers Supérieurs, à vos enfants que ce qui importe, Ce n'est pas de vivre longuement, mais de bien vivre... 

Adieu, à tous mes bons amis. Je vous bénis comme prêtre du fond de mon âme. Je bénis ma chère patrie, que je vous demande de bien aimer, et je vous donne rendez-vous au Ciel, auprès du Bon Dieu et de la Très-Sainte Vierge Marie. 

Mon Dieu, ayez pitié de moi. Sainte Mère du Ciel, priez pour moi. 

Laudetur Jesus Christus ! 

 A l'aurore du même jour, 17 septembre, un feu de peloton mit en émoi les habitants de Valenciennes. Obscurément, l'abbé Delbecque accomplissait pour la France son dernier sacrifice. 

Le bruit courut bientôt qu'un prêtre avait été fusillé à quelque distance de la gare. On ne connut toute la vérité que lorsque le commandant Kintzel se présenta au Collège pour charger M. le chanoine Petitprez, supérieur, d'avertir la famille du curé de Maing. Un peu confus, le commandant expliqua, pour justifier la sentence, que l'accusé s'était montré insolent. Ce mot, comme on put le savoir par l'aumônier allemand qui avait assisté au jugement, signifiait simplement l'attitude fière et crâne que l'abbé Delbecque avait conservée, jusqu'au bout en face de l'ennemi, alors qu'on aurait voulu le voir humilié et suppliant. 

Le 18 septembre, l'autorisation fut accordée d'exhumer en secret le corps de l'abbé Delbecque et de le transférer à Maing. C'est là qu'il repose aujourd'hui, victime de son dévouement pour la Patrie. 

La Croix de la Légion d'honneur vient d'être attribuée, à titre posthume, à M. l'abbé Augustin Delbecque, curé de Maing.

 

  • Voici la copie du décret lui attribuant la Légion d'Honneur (source: base Léonore)

leonore_01

 

 

  • Le monument œuvre émouvante du sculpteur Terroir, érigé sur le terre-plein de l'église du Sacré-Cœur, avenue Dampierre à Valenciennes :

monument_02

monument_03(
photos ADC)

 Le gisant de bronze est percé de plusieurs trous, souvenirs de Valenciennes sous les bombes en Mai 1940.

  • Lors de la seconde occupation, la statue sera déplacée :

6 Juillet 1940
Le Commandant [Allemand] vient me prendre à la Mairie.
De là nous allons droit à l'église du Sacré-Cœur, avenue Dampierre.
Après l'examen du lieu fortement touché par la mitraille, le Commandant veut savoir pourquoi on a placé la statue de l'abbé Delbecque - représenté dans la position où il était tombé sous les balles allemandes - devant l'église, en bordure de route . "Des soldats peuvent passer, Ce monument est bon à entretenir la haine dans les cœurs. Il faudra l'enlever aujourd'hui même ". Ne m'étant pas empressé d'obéir , je reçois le soir même un rappel à l'ordre énergique.
La statue enlevée
est conduite dans le sous-sol du Musée. Le Commandant la réclame quelques jours plus tard et la fait placer dans la cour de la Commandanture *.

* installée à l'angle du Boulevard Watteau et de la rue David-Desvachez

in : Abel Posière " Heures Vécues du 18 Mai 1940 au 18 Novembre 1941".

 

  • Une des rues de Valenciennes, non loin du monument, porte le nom de l'abbé Delbecque.
  • Les plaques sur sa tombe au Cimetière de Maing, tombe commune aux curés de Maing.

    plaque_maing

    P1360467

  •  Le 15 Septembre 2014, lors du passage du Tour St-Cordon et de l'entrée de la statue de Notre-Dame à l'église du Sacré-Coeur, un hommage lui a été rendu et une gerbe déposée. La messe du 17/09/2014 y sera célébrée à son intention, et l'office du tourisme lui consacrera une mini-visite de 30 minutes ( payante ... !)
    (Mais pourquoi faut-il attendre 100 ans ? !)

    P1030617 P1030620 P1030626

  • En 2015, la municipalité a fait poser devant l'église, au dessus de la statue, une plaque en remplacement de celle posée en 1924 et qui avait disparu, reprenant les noms des soldats de la paroisse morts durant la guerre :

    plaque 2015

  •  Ébauche de la statue de Terroir exposé à l'Hôtel de Ville de Valenciennes, lors des journées du patrimoine 2014 :

    Ebauche

 


 

     La fin tragique de l'abbé Delbecque est évoqué dans un livre de l'abbé Eugène GRISELLE, paru en 1915 : "Le martyre du clergé français" et disponible sur Gallica. La raison du voyage de l'abbé à Dunkerque, et la nature des documents qu'il transportait diffèrent un peu dans cette version qui relève probablement plus de la propagande :

 


cliquer pour accéder au site

     De même, le "Journal de la Meurthe", paru le 26 septembre, retrace succinctement les faits, les rendant au passage moins acceptables encore, mais montrant que la nouvelle avait atteint la France libre.

19140926 Le Journal de la Meurthe

 

    Il en est de même pour l'article paru dans "Le Grand Hebdomadaire Illustré du Nord de la France" du 27/09/1914 :

GHIRN 19140927

    C'est le seul article (à ce jour) à évoquer un déplacement vers Dunkerque pour raison personnelle (et non de questionnement de l'autorité militaire). (Peut-être un (pieux) mensonge pour éviter de dire qu'il transportait des informations.

    Dans son édition du 25/09/1914, "La Croix de Roubaix-Tourcoing" relate la célébration d'un obit solennel le jeudi 24. Si la région de Lille a su que l'envahisseur passait non loin à l'est en direction de Paris, elle ne sait pas encore qu'il reflue et que la ville sera encerclée le 6 octobre, et proprement assiégée les 11 et 12, date à laquelle la ville capitulera.

La Croix de Roubaix-T 19140925 p2


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