Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les civils du Valenciennois dans la Grande Guerre 1914-1918
26 janvier 2011

ORCHIES (Nord)

 

LA DESTRUCTION D'ORCHIES
(Septembre 1914)

 

Valenciennes ayant été occupée par les Allemands le 25 août 1914, et n'ayant plus aucune communication avec le reste du pays, nous ignorions complètement les événements tragiques qui se déroulaient autour de nous. Ce sont les Allemands qui se chargèrent de nous annoncer leurs tristes exploits.
Le dimanche 20 septembre, les troupes françaises ayant quitté Orchies, deux autos allemandes y entrèrent pour reconnaître les cinquante-cinq blessés qui se trouvaient à l'hôpital, et prendre les mesures nécessaires pour les emmener en captivité.
Mais le mardi 22 septembre, les troupes françaises vinrent de nouveau occuper la ville. Le lendemain, le détachement Sontag se trouva aux prises avec l'ennemi et les coups de feu éclatent sur les lignes des avant-postes à la lisière sud d'Orchies.
J'avais été surpris de voir partir du lycée de Jeunes Filles de Valenciennes, converti en hôpital, des infirmiers en tenue, avec revolver au côté.
A 10 heures 1/2, un convoi venant chercher à Orchies les blessés, se composant de sept autos allemandes, accompagnées d'une auto mitrailleuse, fut aperçu par le poste fourni par la première compagnie du 6° chasseurs. La route a été barrée, et la sentinelle est placée assez loin en avant. Ajoutons qu'aucune de ces voitures allemandes n'arbore le drapeau de la Croix-Rouge, seules les insignes étaient peintes sur le côté.
Le major qui se trouvait dans la première voiture, apercevant la sentinelle française descend précipitamment, revolver en main, et la tue à bout portant.
Le poste riposte, mettant hors d'usage trois automobiles, tuant six de leurs occupants, pendant que les autres rebroussaient chemin vers Saint-Amand, racontant naturellement que des Français francs-tireurs ont tiré sur les infirmiers.
Le major est découvert, caché dans un fossé par un peloton du 6° chasseurs accouru au premier coup de feu. Le capitaine de Chérisey vérifie le revolver de son prisonnier, et constate que plusieurs cartouches ont été tirées.
Quoique armés, il est à supposer que les Allemands ignoraient la présence des troupes françaises à Orchies, et croyaient en prendre possession comme de Saint-Amand et de Valenciennes, sans coup férir.

Le détachement qui arrivait tranquillement en automobile, avait probablement pour ordre d'occuper la Mairie, d'arrêter la municipalité, de lui imposer une contribution, et de préparer le cantonnement. Mais la réception qui leur fut faite par les avant-postes, leur fit au contraire se rendre compte que la ville était occupée par des troupes de toutes armes.
Comme il fallait s'y attendre, les Allemands revinrent en force, le lendemain, à sept heures du matin, au milieu d'un épais brouillard, ce qui leur permit de s'approcher des avant-postes, dont ils avaient reconnu l'emplacement. Une mitrailleuse allemande ouvrit tout à coup le feu, à une courte distance, dans la direction des faubourgs d'Orchies, qui, vraisemblablement devaient être occupés par les nôtres.
Ce tir au hasard n'eut produit nul effet si le chef du premier bataillon, commandant Gardechaux qui s'était porté sur la ligne des avant-postes pour essayer, malgré le brouillard de reconnaître lui-même les positions de l'ennemi, n'en était revenu bientôt atteint d'une balle et hors de combat.
Le commandement du bataillon passa aussitôt au capitaine Duchennoy de la 4° compagnie, qui donna l'ordre de se porter en avant, et de s'y maintenir à tout prix.
Le brouillard se dissipa vers 9 heures, et l'on put se rendre compte que de gros détachements ennemis suivaient l'un la route de Saint-Amand, l'autre la voie ferrée de Somain à Orchies.
Le lieutenant-colonel Boucheseiche, commandant le 6° chasseurs, accouru en automobile, vint se rendre compte de la situation.
Il fit alors canonner vers 10 heures les positions ennemies, par la 4° batterie Dansac, qui avait été placée près de la garé d'Orchies, ayant en soutien un peloton du 6° chasseurs.
Un excellent repérage fait par le lieutenant Caullery, permit à la batterie d'atteindre à 3.000 mètres un important détachement ennemi à proximité de la forêt de Marchiennes, cinquante-six tués restent sur le terrain.
Mais l'infanterie ennemie supérieure en nombre, ayant reçu l'ordre de prendre Orchies, obligea les compagnies françaises qui occupaient les faubourgs à se replier découvrant ainsi l'artillerie Dansac qui, se trouvant elle-même dans une position critique, se vit dans l'obligation de se reporter en arrière d'Orchies, sur la route de Pont-à-Marcq.
Le général Plantey, qui, à Douai est tenu au courant de la marche du combat envoie par un cycliste l'ordre de reprendre Orchies, annonçant l'arrivée de renforts.
En effet, vers 14 heures, arrivent, par la route de Coutiches, plusieurs autos mitrailleuses anglaises, et la 41° batterie, qui, moins rapide se montra sur la route d'Orchies.
Le général Plantey fait partir de Raches, deux compagnies du 3° bataillon du 6°, lesquelles seront deux heures plus tard rendues à Orchies.

Les renforts encouragent le 1er bataillon, et les mitrailleuses anglaises qui prennent l'ennemi de flanc, balayent la route de Saint-Amand. Le 1er bataillon contre-attaque alors Orchies, dont la lisière est toujours tenue par la brave compagnie de Marguerie. Et avant que les deux compagnies et la batterie de renfort soient arrivées, la ville est reprise.
A 6 heures du soir, l'ennemi l'a entièrement évacuée, et se retire sur Saint-Amand.
Mais le lieutenant-colonel Boucheseiche veut poursuivre ce succès et couper la retraite de l'ennemi vers Saint-Amand en le rejoignant vers l'est.
La 3e compagnie placée dans le faubourg ouest qui est maintenant dégagé reçoit l'ordre de déborder la gauche allemande, et le peloton du 6e chasseur devra se rabattre sur ces derrières.
Malheureusement la nuit tombe, les troupes sont fatiguées par ce combat d'une journée, le mouvement est effectué avec lenteur et l'ennemi peut échapper à ce mouvement enveloppant, après avoir incendié cinq maisons à la sortie de la ville.
Le combat est terminé, les renforts qui arrivent n'ont plus qu'à retourner à Douai et à Raches. L'ennemi laisse quarante tués, trois blessés, onze prisonniers. Du côté français, il y eut également quelques tués, trente blessés, qui sont évacués sur Pont-à-Marcq et sur Lille.
Hélas! nous n'avons pas joui longtemps des suites de cette victoire. Le soir-même, alors que les Allemands se retirent sur Saint-Amand, les Français se replient sur Douai où ils sont rappelés d'urgence : Orchies est donc évacué en même temps par les vainqueurs et les vaincus.
La journée du 24 s'est donc terminée par deux succès, puisque les Allemands ont été rejetés d'Orchies et arrêtés devant Douai.
Le départ des troupes françaises après une journée d'angoisse, cause parmi la population d'Orchies une panique épouvantable. Le Maire réunissant tous les habitants leur conseille de prendre immédiatement la fuite ce que beaucoup firent sans même rentrer chez eux. Les Pères jésuites Lavigne et Cardon qui se trouvaient en ce moment dans la ville et qui avaient suivi le mouvement, reviennent sur leurs pas en auto pour enterrer les morts ; déjà le Père Ignace était à l'œuvre quand un cycliste arriva leur disant de fuir car les Allemands arrivaient.

Le 25 septembre, fut pour Orchies une journée mémorable, rappelant celles tragiquement célèbres de Louvain et de Dinant.
Je me trouvais ce matin à l'Hôtel de Commerce pour le service de la ville, quand un officier me dit : " Nous allons incendier Orchies."
En effet, la compagnie des pionniers, sous les ordres du major Dittel partit de Valenciennes en tramway pour Saint-Amand et de là à Orchies, avec le matériel incendiaire. Dans chaque maison ils brisaient les fenêtres, projetaient de l'essence dans les chambres, et jetaient ensuite des pastilles noires qui s'enflammaient ainsi que des grenades et communiquaient le feu à la maison entière.

Bientôt, Orchies ne fut plus qu'un immense brasier, et quand le lendemain le Père Lavigne revint, la ville était encore en flammes.
Le soir même, je revis, par hasard, l'officier qui avait assisté à ces terribles représailles ; il me dit cyniquement : " Orchies est rayée sur la carte de France, la ville est complètement détruite."
Malheureusement, pendant la nuit des cadavres étaient mutilés, on ne sut jamais par qui. Aussi, les Allemands purent-ils dire que leurs blessés avaient été achevés sans pitié,
Nous dûmes nous rendre à l'évidence quand le commandant de place, major von Mehring fit afficher en gros caractères, sur papier rouge, l'avis suivant sur les murs de notre ville:

affiche01

AVIS

        J'ai été malheureusement forcé d'appliquer les mesures les plus sévères édictées par les lois de la guerre contre la ville d'Orchies, En celle localité furent attaqués et tués des médecins, des membres du personnel médical et assassinés une vingtaine de soldats allemands. Les pires atrocités furent commises d'une manière incroyable (oreilles coupées, yeux arrachés et autres bestialités du même genre).
        J'ai en conséquence fait détruire complètement la ville. Orchies, autrefois ville de 5000 habitants, n'existe plus : Maisons, Hôtel de Ville, Eglise, ont disparu, et il n'y a plus d'habitants,

Le Commandant de la Place
MAJOR VON MEHRING

Valenciennes le 27 Septembre 1914,

 

Au moment où la colonne Sonntag avait quitté Orchies, le canon tonnait sans interruption dans la direction de Cambrai, indiquant d'importants engagements et l'approche imminente de l'ennemi.
L'occupation d'Orchies s'imposa donc à l'attention du général Plantey, car il était de toute nécessité de garder ce point important, où se maintenait la liaison entre les troupes opérant à Douai, et celles qui venaient d'arriver à Tournai.
La colonne Sonntag quitta donc Douai le matin du 27 septembre en direction d'Orchies. Elle comprenait les 2° et 3° bataillons du 8°, la 42° batterie, et deux escadrons de spahis. Cavalerie et artillerie s'y rendirent par voie de terre, l'infanterie par voie ferrée. Le train qui les transportait dut aborder Orchies, en faisant un large détour par Seclin et Templeuve, probablement pour faire croire à l'ennemi que les troupes arrivaient en nombre.
La colonne Sonntag se trouva donc pour la troisième fois devant Orchies. Comme on avait signalé à tort la présence de l'ennemi dans cette ville, la marche fut prudente.

La vue qui s'offrait dès qu'on y pénétra, ne saurait être oubliée. Il n'existait plus que des murs noircis, disparaissant au milieu d'une épaisse fumée bleuâtre ; l'âcre odeur de l'incendie prenait à la gorge ; silencieux les soldats regardaient ce triste spectacle. C'est ainsi que le commandant Maufait, qui faisait partie de la colonne put adresser cette phrase à l'un de ses sous-officiers, M. Verschaeve :
" Vous voyez, Monsieur le professeur de droit, voilà comme on respecte le droit des gens." Celui-ci qui séjourna près d'Orchies du 27 au 30 septembre, put ainsi recueillir des témoignages intéressants sur cette tragique exécution. Bientôt cependant, la colonne Sonntag dut battre en retraite, les Allemands marchant en force considérable sur Lille. Quelques heures plus tard, comme quelques maisons avaient été épargnées près de la gare, les habitants revinrent peu à peu, et le Père Lavigne qui était demeuré, se multipliait pour leur venir en aide.
Cette fois, les Allemands étaient bien les maîtres de la ville, et le 24 octobre, le commandant de la place, colonel Priess pouvait afficher la proclamation suivante :

affiche02

PROCLAMATION

"A partir d'aujourd'hui, le citoyen Joseph Carpentier est nommé Maire de la ville d'Orchies.
"Le Maire est tenu de rétablir et maintenir l'ordre dans la commune.
"Trois habitants assureront le service de la police dans la, commune, ils seront porteurs d'un brassard et les habitants devront strictement suivre leurs ordres.
"Tout individu, rôdant ou fouillant parmi les débris des maisons abandonnées sera arrêté, et remis aux autorités militaires.
"Le commandant compte que la population aidera le Maire à rétablir l'ordre le plus vite possible."

Le Commandant de Valenciennes
PRIESS             
Lieutenant-Colonel      

Valenciennes, le 24 Octobre 1914

 

 

 

Comme nous manquions de pommes de terre pour nourrir notre population, j'obtins de la Commandature l'autorisation de me rendre à Orchies afin d'en faire d'importants achats.
Il n'y a pas d'expression assez forte pour exprimer la sensation que j'éprouvais en voyant cette ville morte avec ses murs calcinés. Le spectacle était terrifiant.
Ce qu'il y a de plus curieux, c'est que le commandant de Valenciennes avait prié M. Tauchon de désigner un Maire à Orchies ; l'autorité allemande avait donc désigné M. Carpentier, mais on apprit dans une visite que fit l'un de nous à M. Trépont, Préfet du Nord, que celui-ci avait déjà désigné de son côté un autre habitant d'Orchies, M. Leroux. C'est naturellement M.Carpentier, nommé par les Allemands qui exerça les fonctions pendant la durée de la guerre.

Le jeudi 5 novembre, le commandant Priess m'envoya à Orchies accompagné cette fois d'un gendarme pour y rechercher un prisonnier civil qui était blessé.
Tristement impressionné cette fois encore par ce lugubre spectacle, je ne pus m'empêcher de présenter au Maire toutes mes condoléances. Cependant, la Supérieure de la Croix-Rouge, à qui je fus présenté, m'encouragea de son mieux sous l'œil défiant du gendarme qui surveillait chacun de nos gestes.
M'étant ensuite entretenu avec le Maire au sujet des pommes de terre, qui étaient abandonnées dans les champs, je pus jeter cette fois les bases d'un marché avantageux pour notre ville.
Aussi dus-je retourner à Orchies le 5 décembre suivant pour ratifier un marché de 21.000 kilogs.
Je m'efforçai ensuite d'encourager le Maire, alors fort embarrassé, car la Commandanture de Douai lui réclamait la totalité de ses impositions, bien que la ville fut complètement détruite.
Je lui donnai donc le conseil d'expliquer la triste situation dans laquelle il se trouvait, et d'attendre tranquillement les événements.
Mais les événements les plus graves s'étaient succédés sans trêve, et le drame d'Orchies nous paraissait déjà bien lointain, quand le vendredi, 17 septembre 1915, à la sortie du Conseil, je reçus la visite du Père Lavigne. S'occupant avec le plus grand zèle de la triste situation des 3.600 habitants d'Orchies qui étaient revenus peu à peu, il venait me supplier de lui
venir en aide, car il ne pouvait plus se rendre à Douai, qui était dans la ligne de feu, ni à Tournai, qui aussi lui était interdit. Il me demanda donc de faire rattacher la ville d'Orchies à la C. R. B. de Lille, ou plutôt de Valenciennes, les communications devant être plus faciles. Je me rendis donc avec lui à la Chambre de Commerce, où le directeur, M. Branquart, me répondit qu'il ne pouvait sans ordres, rien changer à la répartition des denrées.
De là, j'allais chez le lieutenant Neuerbourg au bureau américain, où je fis chercher le délégué Richardson, fort dévoué à notre cause. Le pauvre Père lui dépeignit la situation critique dans laquelle se trouvaient les habitants. Mais le nom d'Orchies était un véritable épouvantail pour les Allemands, aussi le lieutenant Neuerbourg lui répondit-il, qu'il ne pouvait lui donner satisfaction.
Mais M. Richardson intervenant alors rassura le Père Lavigne lui disant que les habitants d'Orchies ne mourraient pas de faim, proposant même de s'y rendre afin de calmer l'angoisse de la population, mais le lieutenant Neuerbourg l'arrêta lui disant qu'il n'en avait pas le droit.
Cette demande ne fut cependant pas inutile, car à la suite de cette entrevue, il fut décidé que Douai veillerait sur les habitants d'Orchies, et qu'une démarche serait faite auprès du Comité central à Bruxelles, pour obtenir un don spécial pour cette ville si éprouvée.
En attendant, je promis de lui envoyer, si je trouvais des chevaux, 1.000 kilogs de riz.
Déjeunant ce jour-là chez M. le Doyen Jansoone. Je priai le Père Lavigne de m'y accompagner. Ce déjeuner fut vraiment plein d'intérêt, car le Père Lavigne ayant fait le récit émouvant du drame d'Orchies dont il avait été le témoin oculaire.

Aujourd'hui, [1933] sur ces ruines, une ville nouvelle est rebâtie, et M. le président du Conseil, Poincaré, tint à venir lui-même, [le 24/07/1927] féliciter la population de son énergie et remettre à la ville la Croix de Guerre, récompense bien méritée.

 

 Orchies1  Orchies2  Orchies3   

Extrait du livre de René Delame : "Valenciennes Occupation allemande 1914-1918. Faits de guerre et souvenirs" Hollande & Fils ed. 1933
 

  • Extrait de la liste des personnalités réclamées après guerre (  Liste des personnes désignées par les Puissances alliées pour être livrées par l'Allemagne en exécution des articles 228 à 230 du traité de Versailles et du protocole du 28 juin 1919 )

MehringDittel

 

  • Dans cette liste apparaissent les noms de victimes :
    • PICQUET Germaine,
    • M. et Mme BAILLEUL.
  •   L'Historique du 6° Régiment d'Infanterie Territoriale pour cette période permet de suivre les principaux mouvements :
    Historique  (Merci à H.T. et lien vers son blog 73RI -273 RI et 6RIT)
  • Le monument aux morts d'Orchies comporte deux plaques rappelant les combats et l'incendie, ainsi que des noms de victimes de celui-ci :
      • BAILLEUL Charles
      • DECAMACE Pauline
      • LECUTIER Augustine 78 ans
      • ROSSIGNOL Stephanie 81 ans
      • PICQUET Germaine 21 ans

     

    OrchiesMaM 

    Orchies plaque2

    orchies plaque1

     

  • En 2004 parait dans le revue PEVELE de la Fondation de Pévèle (leur site) un article de M. Alain PAYELLE qui apporte des précisions sur le déclencheur de la répression allemande :

          Début septembre 1914, une colonne allemande quitta Valenciennes en direction de la mer afin de couper l'accès des ports du Nord aux Britanniques, manœuvre que réitérera Hitler 26 ans plus tard, mais avec succès cette fois. Cette armée traversa St-Amand et prit la route de Lille via Orchies. Comme toute armée, celle-ci a ses informateurs, qui l'attendent à hauteur de l'"Alène d'Or", à Millonfosse pour l'avertir qu'ils ont vu des tireurs isolés embusqués à l'entrée d'Orchies, au lieu-dit "Le Lapin". Le commandant de cette colonne arrêta aussitôt ses hommes et envoya une escouade de Uhlans (cavaliers armés d'une lance à l'origine). D'après nos sources, leur nombre varie de 6 à 10. Ils auraient effectivement essuyé quelques coups de feu à hauteur des moulins se trouvant au Lapin, mais sans dommage. Ils continuèrent leur route jusqu'à la Grand-Place; ils restèrent un moment en observation, tout en étant calmes et repérèrent un café, plus exactement un hôtel à l'enseigne du "Lion d'Or" Ils attachèrent leurs chevaux aux anneaux destinés à cet usage et entrèrent demander de l'eau pour ceux-ci. Là, d'après nos sources, se trouvaient des évacués, fuyant l'avance teutonne. Ils furent surpris et décontenancés par cette subite apparition. Pris de colère, ils sortirent aussitôt, décidés à poursuivre leur fuite en avant. Une fois dehors, ils virent les chevaux attachés. Animés par la fureur d'être rattrapés dans leur retraite par leurs poursuivants et pour les ralentir, ils tranchèrent les licols des équidés et les firent partir au galop. Voyant cela, nos Uhlans sortirent du bistrot et menacèrent ces insurgés qui, se voyant pris, jugèrent immédiatement que l'attaque serait pour eux la meilleure défense.
Armés des couteaux qui venaient de sectionner les licols des chevaux, ils se jetèrent sur les envahisseurs et les égorgèrent, les laissant sur place devant quelques témoins alertés par les cris des Germains et venus aux renseignements.
Les auteurs de ce guet-apens prirent la fuite avec armes et bagages, sans demander leur reste. On ne sut jamais qui ils étaient ni d'où ils venaient ...

On a dit, ou plutôt les Allemands ont dit, qu'ils auraient défiguré ces soldats, qu'ils les auraient même émasculés. Saura­-t-on jamais la vérité? Cet épisode certainement le plus douloureux de l'histoire de la ville m'a été conté, à peu de choses près, dans les mêmes termes par sept anciens d'Orchies, aujourd'hui disparus, me faisant promettre de n'en parler qu'après leur dis­parition et sans dévoiler leur identité. Peut-être se jugeaient-ils coupables, quelque part, d'avoir assisté (pour trois d'entre eux) au massacre, sans être intervenus. Mais le pouvait-il? Certainement pas! La suite, tout le monde la connaît : représailles terribles et incendie de la ville. Cet acte odieux s'abattit sur Orchies et sa population, qui n'étaient en rien responsables de ce regrettable incident.




 

Comme de coutume, un tel fait ne reste pas dans l'ombre, et les organes de propagande s'en sont emparés.
 

  • On trouve dans la publication en 1915 de la monographie publié par Hachette : "Les Allemands destructeurs de cathédrales et de trésors du passé", en annotation au paragraphe concernant Senlis : "ces incendies partout allumés dans une ville qui n'a, en tout cas, pas fait elle-même un geste d'agression" cette remarque :

 

      En bien des endroits, les Allemands ont agi de même.
Le journal de Bâle, Basler Nachrichten, du 17 novembre publie la proclamation suivante :

    "Malheureusement j'ai été forcé d'employer les mesures les plus rigoureuses des lois martiales contre la Ville d'Orchies. Dans cette localité furent commises les plus terribles atrocités. En en tirant les conséquences j'ai détruit toute la ville.
L'ancienne ville d'Orchies, ville de 5.000 habitants, n'existe plus. Les maisons, l'Hôtel de Ville et l'église sont anéantis.
Valenciennes, septembre 1914.
Le commandant de la place, Major von Mehring. "

Pour expliquer cet acte de vandalisme, la feuille bâloise cite un épisode des guerres napoléoniennes, d'après l'almanach «Rheinlandischer Hausfreund» (l'Ami de la maison du pays rhénan). En février 1807, lorsque l'armée française et une grande partie des troupes fédérales étaient en Pologne et en Prusse, un détachement des chasseurs badois se trouvait dans la ville de Hersfeld, en Hesse.

Un officier français vint à être tué par la population. L'empereur ordonna de piller la ville et la réduire en cendres. Cependant sur l'intervention des commandants Français à Cassel et Hersfeld, la punition fut adoucie. Quatre maisons seulement devaient être incendiées, mais l'ordre de pillage subsistait. Les habitants en furent désolés, cela se comprend. Le commandant de la place les exhorta, au lieu de perdre leur temps en plaintes inutiles, à rassembler leurs biens les plus précieux. Enfin vint le moment terrible, annoncé par le tambour.

Le commandant exposa alors aux troupes la situation malheureuse de la population et ajouta : « Soldats, la permission du pillage commence : qui en a l'envie, qu'il sorte des rangs. »

Pas un homme ne sortit.
Entre le procédé français et le procédé allemand, il y a une certaine différence.

 

  •  En 1915, les éditions Berger-Levrault publièrent "Les violations des lois de la guerre par l'Allemagne" par le Ministère des Affaires Étrangères


    On y trouve sous le n°44 un extrait du carnet du soldat Bissinger Heinrich, du régiment de pionniers bavarois, relatant les crimes des troupes allemandes à Orchies et à Valenciennes, accompagné d'un fac simile de la page du carnet.


    « 25. August. Um 10 Uhr Abmarsch nach Orchies, angekommen um 4 Uhr. Durchsuchen der Häuser. Sämtliche Civilpersonen  werden verhaftet. Eine Frau wurde erschossen, weil sie auf « Halt »
    Rufen nicht hielt, sondèrn ausreissen wollte. Hierauf Verbrennen der ganzen Ortsschaft. Um 7h Abmarsch 1 von der brennenden Ortschaft Orchies nach Valentiennes...
    « 26 August. Morgends Abmarsch 9 Uhr nach dem Osteingang von Valentiennes, zur Besetzung der Stadt um Flüchtlinge einzuhalten. Aile mânnlichen Personen von 18-48 Jahren werden verhaftet und nach Deutschland befördert. »


    « 25 août. A dix heures, départ pour Orchies ; arrivée à quatre heures. On fouille les maisons. Tous les civils sont arrêtés. Une femme fut passée par les armes parce qu'elle ne s'arrêta pas au commandement de "halte !", mais voulut fuir. Sur quoi, incendie de toute la localité. A sept heures, départ d'Orchies en flammes pour Valenciennes.

    « 26 août. Départ à neuf heures du matin vers l'entrée est de Valenciennes pour occuper la ville et retenir les fugitifs. Tous les habitants mâles de 18 à 48 ans sont arrêtés et expédiés en Allemagne.

  •  En 1927 la Revue d'histoire de la guerre mondiale  (disponible sur Gallica) tente de démêler les fils de l'Histoire.

    410
    411
    412
    413
    414
    415

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité