PAGNIEN Alfred Emile César (1878-1918)
Entre le 14 avril 1915 et le 8 octobre 1918, les allemands fusillent pour espionnage 52 civils âgés de 20 à 61 ans. Les exécutions ont lieu au Tir Communal de Gand, devenu maintenant l'Enclos des Fusillés :
Dans la liste ci-dessous figurent :
- 2 Français : PAGNIEN Alfred et BERNARD Alphonse
- 1 Néerlandais : BEEK Jan,
- les autres sont Belges parmi lesquels
- 3 femmes : RAMMELOO Léonie Pauline , SCHATTEMAN Emilie et DE SMET Marie, qui a été fusillée sur une chaise.
Date d'Exécution |
Nom |
Prénom |
Age |
14/04/1915 |
LENOIR |
Ferdinand |
53 |
07/04/1916 |
MATTHYS |
Alphonse Camille |
27 |
07/04/1916 |
VAN DE WOESTYNE |
Edgard Joseph |
26 |
07/04/1916 |
VAN KEIRSBILCK |
Aloïs Joseph |
33 |
07/04/1916 |
VERMEERSCH |
Alphonse |
35 |
11/08/1916 |
ALGOET |
Alfred |
25 |
11/08/1916 |
BRAET |
Joseph Aloïs Léo Marie |
34 |
11/08/1916 |
DECLERCQ |
Octaaf |
43 |
11/08/1916 |
MUS |
Gustaaf |
25 |
11/08/1916 |
VAN GHELUWE |
Aloïs Emile |
59 |
11/08/1916 |
WINDELS |
Aloïs |
27 |
31/10/1916 |
OTTEVAERE |
Ivo Camil |
61 |
14/02/1917 |
BEEK |
Jan Leo Augustin |
25 |
10/04/1917 |
DE BELVA |
Jan Baptiste |
48 |
10/04/1917 |
DEMUER |
Théodore |
51 |
13/08/1917 |
COIGNÉ |
Achille Léon |
24 |
13/08/1917 |
HOFMAN |
Maurice Achille |
40 |
10/09/1917 |
BRAECKMAN |
Gustaaf |
46 |
10/09/1917 |
BYN |
Alphonse |
50 |
10/09/1917 |
BYN |
Macharius |
51 |
10/09/1917 |
HOSTE |
Camiel "Hostjen" |
25 |
10/09/1917 |
WAEGENAER |
Karel Louis |
34 |
12/09/1917 |
DOBBELAERE |
Jérôme |
20 |
12/09/1917 |
RAMMELOO |
Léonie Pauline |
27 |
12/09/1917 |
SCHATTEMAN |
Emilie |
27 |
12/09/1917 |
STEVENS |
Pieter |
44 |
12/09/1917 |
VAN VLAANDEREN |
Isidoor |
44 |
14/09/1917 |
DE CABOOTER |
Maurice |
32 |
14/09/1917 |
D'HONDT |
Alfred Yvon |
29 |
14/09/1917 |
KEPPENS |
Louis |
47 |
14/09/1917 |
VAN DE VELDE |
Cyrille Jospeh |
38 |
14/09/1917 |
VERSCHUERE |
Oscar Achilles |
40 |
15/09/1917 |
DE SMET |
Marie |
44 |
15/09/1917 |
PEIRS |
Kamiel Gustaaf |
34 |
15/09/1917 |
VAN QUICKELBORNE |
Pierre François Bruno |
|
15/09/1917 |
VERSCHUEREN |
Alphonse François |
46 |
11/10/1917 |
MARQUENIE |
Gustaaf |
33 |
19/03/1918 |
DE BACKER |
Achille |
38 |
19/03/1918 |
GOEDHUYS |
Théophile Arthur |
38 |
19/03/1918 |
VAN CAENEGHEM |
Alphonse Francois |
42 |
23/03/1918 |
BERNARD |
Alphonse Désiré |
33 |
23/03/1918 |
PAGNIEN |
Alfred Emile César |
39 |
23/03/1918 |
VAN DER COILDEN |
Alphonse |
36 |
06/04/1918 |
THUYN |
August |
37 |
06/04/1918 |
VAN BORM |
Arthur Emile |
|
06/04/1918 |
WAEGENAERE |
Karel Léopold |
45 |
18/05/1918 |
HANSELAER |
Achille |
43 |
18/05/1918 |
VERSCHRAEGEN |
Edmond |
29 |
18/05/1918 |
VERSCHRAEGEN |
Karel |
26 |
12/08/1918 |
DAVID |
Honoré |
36 |
12/08/1918 |
VERMOERE |
Albert Julien |
27 |
08/10/1918 |
VAN DE WOESTYNE |
Edmond |
38 |
Réseau PAGNIEN-GOEDHUYS : 41 membres
Fondée par PAGNIEN, un ingénieur qui travaillait pour les Français.
Transmet des informations sur les aérodromes, les installations militaires, les mouvements de troupes, etc dans le Nord de la France et en Flandres.
Lorsque PAGNIEN a été arrêté; Théophile GOEDHUYS prit le relais.
6 de ses membres sont exécutés à Gand. (Achille de Backer, Alfons Van Caeneghem, Theophile Goedhuys, Alfred Pagnien, Alfons van der Coilden, et Alphonse Bernard)
Réseau ALGOET
Travaillait pour le compte de l'armée belge.
6 membres, destinés à l'observation du trafic ferroviaire en Flandres.
Tous exécutés à Gand.
Reseau De PAUW
Il travaillait pour les Britanniques, en donnant notamment des informations sur les mouvements des troupes allemandes et leur composition. La plupart des membres sont de Waregem.
Arrêté par les Allemands en février 1917
13 membres ont été exécutés.
Alfred PAGNIEN est né à Valenciennes le 28 Juin 1878 ; étudiant au Lycée St. Louis à Paris, recensé à Lille-centre il rejoint malgré la dispense le 43° RI en novembre 1899 et renonce à celle-ci en 1900 pour 2 ans de services restants, puis réengage pour 3 ans. Passé du 43° RI au 33°RI, il est au 145°RI lorsqu'il est réformé en avril 1905 pour une maladie de coeur.
Ingénieur civil à la mobilisation génèrale du 2 Août 1914, il est porteur de dépêches motocycliste durant quelques mois, avant d'être maintenu réformé pour la même maladie en Novembre 1918.
Ne pouvant accepter l'occupation de Lille il passe en Hollande neutre et s'engage dans la mise sur pied d'un réseau d'espionnage qui connut son essor en 1915. En 1916 le GQG Britannique installé à Folkestone s'intéresse de plus près aux informations de celui qu'il connaissait sous le nom de Stéphane, aidé de celle qui allait devenir son épouse peu avant son exécution. Celle-ci faisait en 1915 et 16 le courrier de Lille à Selzaete (Zelzate), ayant emporté une fois de Terneuzen (NL) à Gand 2 boites de panclastites en vue de faire sauter un train.
La ligne électrifiée séparant la Belgique occupée et la Hollande neutre.
Les allemands y découvrent le corps d'un homme électrocuté lors d'une tentative.
Le Petit Journal du 5 sept 1915
Autre moyen de passage, moins encombrant.
Il est arrêté une première fois à DIEST en avril 1916 et condamné le 30 avril à 9 mois de prison à la forteresse d'Elberfeld pour tentative de passer la frontière et usage de faux papiers sans que son organisation ne soit démantelée.
Ce service d'espionnage fonctionna jusqu'à l'arrestation de PAGNIEN le 8 mars 1917, de sa future épouse en juin et de plusieurs collaborateurs ; il est condamné à mort le 5 décembre de la même année. Incarcéré à la prison St Gilles à Bruxelles, puis à la prison de Gand, proche du lieu de son exécution.
Il fut exécuté dans le champ de tir communal de Gand le 23 mars 1918 à 6 heures du matin en même temps qu'Alphonse BERNARD, membre du même réseau.
Il est Membre de l'ordre de l'Empire Britannique (MBE) et Chevalier de la Légion d'honneur.
- Les archives Royales de Belgique ont mis en ligne de courtes biographies de fusillés pour espionnage, rédigées par la baronne Paulo de Moffarts, dont celle d'Alfred Pagnien. Ecrite en 1923, elle est empreinte de ferveur patriotique dans le style d'alors :
Les pages se tournent en faisant glisser le coin :
- Au sujet de VANDERNOTTE (Charles Anthime Joseph Paul, né le 19/06/1886 à Anzin - Nord) , cité pages 3 et suivantes du document ci-dessus, voir sa page dans ce blog
- Voici ses dernière lettres :
- L'une adressée au Président Français :
Prison Militaire de Gand, cellule 184.
Le 23 mars 1918
Alfred, Emile, César, Pagnien, Français, prisonnier politique, condamné à mort par le conseil de guerre, siégeant à Gand le 5 décembre 1917,
à Monsieur le Président de la République Française.
Monsieur le Président,
A la veille de mourir pour la bonne cause, j'ai l'honneur de vous adresser ces lignes que je donnerai tantôt en cachette à ma femme au parloir, en trompant la surveillance du fonctionnaire allemand et qu'elle vous remettra un jour. C'est le dernier cri qu'un Français avant de tomber adresse à notre chère France, il renferme un adieu et une prière :
Je meurs avec la satisfaction d'avoir bien rempli mon devoir et d'avoir été utile, mais aussi avec la douleur de laisser sans ressources ma femme et mon enfant.
Monsieur le Président, en vous j'ai l'honneur de faire appel à la France en la priant de venir en aide à la veuve et à l'orphelin. Je pars avec la confiante espérance que ma prière sera écoutée. Cet espoir me fait du bien, il m'aide à tout supporter.
Adieu, mon beau et cher pays, tant meurtri, adieu braves camarades qui allez combattre et mourir pour libérer notre sol, vengez les disparus et délivrez nos compagnes et nos enfants d'une intolérable servitude.
Merci, Monsieur le Président de la République, pour ce que vous voudrez bien faire pour les miens et Vive la France...
signé : Alfred Pagnien
-
- L'autre adressée à son épouse, - le mariage eut lieu en prison, le 22 Janvier 1918, deux mois avant l'exécution- et qui retrace une partie de sa captivité et les tentatives pour le faire parler.
Ma chère femme,
Quel supplice pour un mari, lorsque la crainte, l'affreuse crainte de perdre son bonheur lui vient à son esprit. On base des espoirs sur des faits insignifiants, mais parfois aussi le doute,entre sournoisement dans le cerveau, et pour bien l'en chasser vite, il faut un effort de volonté. Ah, cette pauvre volonté, on lui a déjà tant demandé depuis un an. Et d'autres ont tant fait pour la réduire, pour en lasser l'énergie afin de me faire tomber à leur merci ... Rien n'a fait ... on a tenu bon jusqu'au bout, mais maintenant que la lutte est terminée, qui pourrait m'en vouloir d'éprouver un peu de désir de repos. J'en ai tant été privé à St Gilles....[Bruxelles] Tu vas penser que je suis hanté par le souvenir de ce bagne. Non pas, je n'y penserais plus si j'étais sauvé, mais que veux-tu, c'est mon cauchemar... Tu as souffert tant toi aussi, ma pauvrette et tu me comprends. Lorsque je fus arrêté après le voyange en chemin de fer, une auto m'attendait à la gare et je suis arrivé dans la nuit seulement à la prison, où je subis un long interrogatoire. Puis trois jours de repos et alors le régime d'espion commença. J'eus la déplorable compagnie de trois de ces bandits, les deux premiers furent vite convaincus de mon innocence. N'ayant rien tiré de moi on m'enferma avec le chef mouton, un certain individu se disant comte ambassadeur de Russie à Bruxelles avant la guerre et condamné à dix ans de travaux forcés pour espionnage. Le pseudo comte me fit un accueil aimable mais hautain, comme il convient à une personnalité de ce genre (j'ai appris que c'est un criminel, incarcéré pour des affaires louches d'avortement avant-guerre). Il était extrêmement habile et bon comédien, mais infiniment trop novice, pour un parisien, de la lutte, et au bout de deux jours, il avait sacrifié sans résultat quelques douceurs destinées à m'amadouer, chocolat, pain d'épice, et mis à contribution en pure perte toute les ficelles de son art sinistre et toutes les ressources de son imagination.
Je faisais l'imbécile. Le troisième jour au réveil, changement d'attitude complet...: " Assez de comédie, Stéphane, me dit-il, je vous connais, il faut avouer, ou je vous fait mettre au cachot pour quinze jours." - Je lisais dans ses yeux une haine féroce. Je me mordis les lèvres et ne répondis pas, j'avais résolu de ne pas lui parler. Te dire tout ce que ce monstre me jette à la figure pendant cette matinée est impossible : menaces, injures, succédant à des flatteries, rien n'y fit, je n'ouvrie pas la bouche une seule fois, mais à quelle épreuve était mise ma patience. Ai-je honte de le dire ? J'ai souffert là mille fois plus qu'on ne peut souffrir devant un feu de peloton. Être enfermé dans une étroite cellule, en tête à tête avec une canaille, qui marche de long en large, vociférant des horreurs, et cherchant tout ce qui peut vous briser le coeur de chagrin... : " C'est fini, me disait-il, la vie, le soleil, la joie de la famille, vous pouvez faire une croix dessus, votre fiancée et vous serez fusillés, comme des chiens. Ah, il y a longtemps que je vous cherchais, mais votre compte est bon. Vous ne voulez pas répondre, vous allez aller aux cellules de correction, sans matelas, sans lumière, au pain et à l'eau et quand votre sale viande sera verte et que vous crierez grâce, alors, vous ferez vos dépositions."- Puis , par d'autres moments : " Allons Stéphane, soyons amis, avouez mon cher, c'est le seul moyen de sauver votre peau, et si vous êtes franc et sincère, vous aurez en moi un protecteur et un ami ;je ferai tout, pour améliorer votre cas" etc...
Ma chérie je te raconte tout celà, parcequ'il faut que tu le saches afin de n'oublier jamais.
Tu devines mon état d'esprit, pendant ces heures maudites ... je revoyais tout ... Je pensais à toi et à mon enfant !!! Je m'étais promis d'être fort sur moi-même, pour ne rien commettre d'irréparable, mais j'étais là assis sur mon matelas par terre, ma tête entre ces deux poings et je luttais de toutes mes forces, contre l'instinct grandissant qui me poussait à bondir à la gorge de ce tortionnaire et à l'étrangler sur-le-champ. Je ne puis pas comprendre, comment j'ai eu tant d'empire pour moi-même, les oreilles me tintaient et je voyais rouge, j'entendais mon coeur battre trop fort et cela me faisait mal. A midi, je ne mangeai pas et me mis à marcher aussi dans ma cellule, lui, avala son repas debout, le dos au mur, afin de ne pas me perdre de vue, il sentait que je ne pouvais plus me contenir et que sa position devenait périlleuse, c'était vrai, je tremblais de rage et j'avais peur de moi-même, car je me connaissais bien, et je savais que si je commençais à le toucher ou si lui-même me frôlait, je lui aurais crevé les yeux et fendu la tête à coups de talon. Pour être libre de mes gestes, j'avais quitté pardessus, cache-nez et veston malgré le froid qu'il faisait, j'étais en bras de chemise. A ce moment il eut peur, il sonna précipitamment avec violence, et demanda qu'on m'emmène. le gardien était là, je remis mes vêtements et partis, au moment où je passais devant lui, remis en audace par la présence du soldat, il me traita de "sale espion, en me souhaitant de crever au plus vite". Là, je ne vis plus clair et me livrai sur lui aux violences que la femme Irma et le Liégeois, ses amis, t'ont raconté.
(J'étais moi, enfermée à ce moment là avec l'espionne qui se faisait appeler Irma [MUS dont le mari avait été fusillé, et qui agissait peut-être sous la contrainte, NDR], plus tard on essaya autre tactique, on me fit parler avec un Liégeois. Je reprends le récit de mon mari. [note de Mme Pagnien])
Grâce à l'intervention de deux gardiens, on put m'arracher à lui et me conduire à la cellule 58, où demeuré seul, je me mis à pleurer de rage comme une vraie bête et à briser tout ce qui se trouvait sous ma main. Je n'ai eu un bol que quinze jours plus tard et pendant tout ce temps je recevais mon manger dans mon mouchoir. Ah, ma brave chérie, quel soulagement de te dire tout. Sache aussi que GOEDHUYS a été enfermé aussi avec cet ignoble individu quatre jours. Ce n'est pas tout. Le Liégois, ami de cette chienne d'Irma, est mis dans un préau voisin du mien, il me parle, il me dit qu'il y a au-dessous de sa cellule une Française qui est partie se promener à Anvers avec les policiers, ils me donne ton signalement pour que je sois en rage et pour que je te charge à l'instruction pour te perdre, etc... Heureusement que je te connais. Mais que de malheureux marchent avec de tel moyens,et quelle boue morale abritent les murs maudits de St Gilles. Que de désespoirs, que de souffrances...Te rappelles-tu le bruit sourd que fit le corps de ce malheureux qui se jeta du haut de notre galerie sur les dalles et se brisa les jambes? Tu étais en prison alors... Pourquoi cet acte de désespoir? Qui le saura jamais ? ... et le pauvre de la cellule 102, retrouvé pendu à la fenêtre avec son essuie-mains. N'oublie pas nos souffrances ma chérie...
(.....)
(....)
Le 22 mars 1918
Ne pleure pas ma Lucie, je ne souffre plus, c'est fini, je dors en paix... Que cette pensée te console. Ah, je pressentais bien que cette longue visite anticipée était un adieu et je t'ai quittée le coeur déchiré, mais je n'ai pas voulu troubler tes espoirs possibles en faiblissant dans ce rapide et dernier baiser.
Courage femme chérie, encore une fois laisse moi te redire que tuas été bonne, tout ce que peut dicter à un coeur délicat une amitié vraie, une tendresse toujours en éveil, tu l'as fait pour ton prisonnier jusqu'au bout, sois-en bénie Lucie et quel'on te rende un jour en bonheur tout le bien que tu m'as fait. Chacun de nous a fait son devoir, nous n'avons rien à nous reprocher.
Je veille ma dernière nuit, dans une salle éclairée, il est neuf heures et demi, j'ai encore jusqu'à si heures 1/2 du matin à vivre. Il y a quelques heures, Ma chérie, tu étais là, je prenais tes mains, savais-tu que nous nous quittions pour toujours ? pas d'une façon certaine, mais je t'ai sentie inquiète et je t'ai vu pâlir en me disant : "à Lundi".- Quant à moi, je n'ai nullement été surpris lorsque à 7 heures, l'aumonier est venu nous aviser de la délivrance, depuis samedi, j'étais fixé, mais je me suis efforcé de te le cacher...
(.....)
Adieu ma jolie, adieu à mon petit, pendant que vous dormirez encore mes chéris, je vais mourir pour notre belle France, pour vous ses enfants, et je vous embrasse ici une dernière fois.
Minuit 15 - Je garderai votre portait dans la main pour mourir en vous regardant et j'ai demandé qu'il te soit rendu après.
3 heures - BERNARD et moi avons dormi ou plutôt sommeillé de 1 heure à 3 . Adieu aux amis à ceux quite parleront de moi.
4 heures - Ma pensée ne te quitte pas avec André.
5 heures 10 - Nous buvons ton délicieux vin, merci. Moral excellent.
5.h.45 - Nous partons .. adieu et courage .... Courage amie, nous en aurons .......
Mon mari est entré au champ de tir de Gand, en entonnant la Marseillaise, il refusa le bandeau et mourut en héros, en criant "Vive la France, Vive la Belgique"
Pour copie conforme
(s) Mme Vve Pagnien.
Celle-ci poursuit:
Le 11 mars 1918
Ma chérie, tu as bien compris à la pression de mes mains, lors de ta dernière visite, ce que je ne voulais pas dire lorsque l'interprète allemand Monsieur Bouma, faisait entrevoir la possibilité d'une rupture de notre front, suivie d'une défaite de notre armée. Je ne puis engager une discussion aussi vive avec celui qui nous ménage des entrevues qui me sont si chères, mais à toi, chère petite soeur de France, je puis affirmer ma foi inébranlable de Français dans l'issue de la lutte. Certes, l'heure est grave, cette année sera sans doute la décisive, l'année terrible qui verra les convulsions gigantesques dont sortira la paix, de grandes tueries vont avoir lieu, mais notre ligne ne sera pas brisée. Non, ils ne passeront pas. Les armées allemandes vont se heurter à ces baïonnettes glorieuses qui n'ont pas permis de franchir la Marne à un ennemi bien supérieur en nombre. Elles vont avoir affaire à ces troupes héroïques qui ont brisé sur l'Yser l'effort colossal porté sur Calais. Certes la Russie immense, colosse aux pieds d'argile n'a pas su faire ce que nos grands pères à nous Français, ont su réaliser, géants de 89, sans pain, sans soutien, qui ont fait plier les genoux de l'Europe entière coalisée pendant que derrière eux s'accomplissait notre grande révolution. Les petits-fils de ces gens ne laisseront jamais passer l'ennemi, n'en doutons pas. L'Italie a subi un désastre, mais qui a empêché qu'il ne devienne irréparable ? Les troupes de l'Ouest....A l'ouest pas un revers : qui a arraché Lens, St Quentin, le Chemin des Dames : les troupes de l'Ouest ; les vaillants régiments belges, la puissante armée anglaise, tout ma France armée, les contingents d'Amérique, sont là, pressés coude à coude de la Mer du nord aux Vosges, prêts à subir le choc ou à le donner... Ah ma chérie, quelle tristesse, s'il faut tomber ici, obscurément au pied d'un mur au lieu de se battre la-bas gaiement en terre de France .....
Rivalités des services d'espionnage alliés après la guerre ? "Oubli" des actions menées en résistance à l'envahisseur mais non programmées par le gouvernement français ? Il semble en tout cas que la veuve d'Alfred Pagnien, née Lucie Robbé, qui habitait Tourcoing en 1920, ait eu toutes les peines du monde à obtenir la reconnaissance que son mari avait légitimement souhaitée.
Lorsqu'elle fit la demande d'un emploi revenant aux veuves de guerre, elle se vit opposer la réponse toute administrative que son mari était réformé. Elle possédait pourtant la copie du jugement -en allemand- de son mari, délivrée à titre exceptionnel par le procureur du roi à Gand : "pour faire valoir ce que de droit " .....
Et surtout, elle avait été membre du réseau :
- Sa tombe à Gand au cimetière de l'Ouest (Westerbegraafplaats) :
- Le monument actuel :
- Le journal officiel de la république française le cite à l'ordre de l'armée le 21/12/1919, en même temps qu'Alphonse BERNARD :
Les "Medal cards" d'Albert et Lucie, (source : London National Archives)
- Il s'agit pour chacun de la British War Medal décernée jusqu'en 1920 pour services rendus lors de la première guerre. (voir par exemple Ce site)
- La London Gazette a publié dans son supplément du 1er Août 1919 une liste de volontaires détachés auprès de l'Armée Britannique en France contenant les noms du couple PAGNIEN-ROBBE :
"for distinguished and gallant services and devotion to duty"
- Figurent également dans cette liste BERNARD Alphonse de Wattrelos, fusillé le même jour,
ainsi que bien d'autres noms connus, parmi lesquels on reconnaitra :
- André DELAME et l'abbé PETITPREZ supérieur du collège Notre-Dame, tous deux de Valenciennes,
- Louise de BETTIGNIES née à St-Amand les Eaux (Nord), morte à Cologne le 27 septembre 1918,
- Marie-Léonie VAN HOUTTE (Mme Antoine Rédier),
- Angèle LECAT, fusillée à St Amand les Eaux (Nord) le 25 Mars 1918.
- Le lieu actuel, inauguré en 1932 sur Offerlaan, rue du sacrifice, abrite 52 aubépines, une pour chacun des exécutés, avec une plaque nominative pour chacun d'eux ; 5 poteaux sont érigés à l'emplacement des exécutions
Localisation Google Map (51.0454,3.7095)
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- Son nom sur le Monument aux Morts de Valenciennes.
- La reconnaissance par les Alliés de leurs agents, bien qu'intégrés officiellement aux réseaux dépendant de Folkestone n'a pas été des plus facile, voire même parfois inexistant coté français.
Cette reconnaissance difficile a fait l'objet de délibérations à la Chambre des Représentants de Belgique le 20 avril 1920.
Le document ci-joint
- INTERPELLATIONS ADRESSEES A M. LE MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE ET A M. LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR :
1° PAR M. COLLEAUX « SUR LE REFUS DE MILITARISER LES BELGES EN ÉTAT DE PORTER LES ARMES QUI ONT COLLABORÉ ACTIVEMENT AUX SERVICES DE RENSEIGNEMENTS DES ARMÉES ALLIÉES » ;
2° PAR M. TSCHOFFEN « SUR LA MANIÈRE DONT ONT ÉTÉ RECONNUS LES SERVICES RENDUS PAR LE CORPS D'OBSERVATION ALLIÉ ATTACHÉ A L'ARMÉE ANGLAlSE ».
en est la retranscription intégrale.
- Image souvenir du service funèbre célébré le 19 mars 1919 à L'église St Nicolas de Gand.
- Merci à Jan Van der Fraenen , auteur de Voor den kop geschoten ("Abattus d'une balle dans la tête") pour son aide.
- Informations glanées ça et là
- LENOIR, FERDINAND
Résistant. Employé de chemin de fer. Il récoltait des informations sur les chemins de fer allemands pendant la guerre. Il fut arrêté sur dénonciation et fusillé en 1915.