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Les civils du Valenciennois dans la Grande Guerre 1914-1918
24 février 2017

Fusillés des Territoires Occupés

 

    J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer les fusillés du valenciennois, mais ils n'ont hélas pas été les seuls. Il s'agit des personnes qui ont fait l'objet d'un jugement ou d'un conseil de guerre même des plus rapides, et non des (nombreuses) exactions commises lors de l'invasion.

 

    Voici des listes qui rassemblent les fusillés connus (au moins de moi), à commencer par les 10 femmes qui ont été fusillées durant le premier conflit mondial.
En survolant l'icone apparaît leur fiche (ou l'extrait de liste) conservé aux Archives Royales de Belgique. Un lien sur leur nom permet parfois d'en savoir plus.
La nationalité reste "inc", tant qu'elle n'est pas déterminée avec certitude.

 

     Les 10 femmes du tableau ci-dessous ont été fusillées ; Louise de BETTIGNIES initialement condamnée à mort avec Léonie VANHOUTTE (peines commuées en détention à perpétuité) est décédée en prison, de même que les 3 suivantes pour lesquelles on a très peu d'information : elles figurent -sans fiche- dans les listes établies après-guerre par la Commission Belge des Archives des Services Patriotiques établis en Territoire occupé au Front de l'Ouest qui collectait l'information auprès des membres des différents services.

 

     Gand est la ville de Belgique où l'ocupant a le plus exécuté : 52 noms d'avril 1915 à octobre 1918, dont 3 femmes (citées ci-dessus). S'y ajoutent 2 noms pour lesquels on a juste une date de décès, peut-être en prison, et 3 noms figurant sur les listes des archives belges sans grande information. Je les ai classés ci-dessous par date de décès.

     Selon les fiches des archives belges, les 5 exécutions du 11/08/1916 ont eu lieu à Mont-Saint-Amand-lez-Gand (Sint-Amandsberg) et non comme les suivantes au tir communal de Gand, avenue du Sacrifice (Offerlaan)

     2 Français figurent dans cette liste : le Valenciennois Alfred PAGNIEN et BERNARD Alphonse, traités ICI, ainsi qu'un Néerlandais : BEEK Jan.

    Viennent ensuite par nombre de fusillés, ceux de Liège (48 de mai 1915 à juillet 1918), exécutés au fort de la Chartreuse.
On retrouve dans la liste deux femmes : GRANDPREZ Elise et DERACHE Louise, citées plus haut.
Une femme devait être fusillée en même temps que GAROT, HERCK, HESSE, PAQUAY et SIMON : BENAZET Anne, tailleuse à Verviers, sa peine semble avoir été commuée. (voir l'affiche : lien sous les noms.)
      A signaler : Joseph ZILLIOX, Alsacien enrôlé dans l'armée allemande, condamné deux fois à mort, pour désertion et trahison.


     Puis c'est à Bruxelles que 32 Belges (dont une femme - Gabrielle PETIT), 3 Français (Jules MOHR de Valenciennes, Émile GRESSIER de St-Amand-les-Eaux et Paul DENIS de Rimogne-Ardennes) ainsi qu'une Britannique (Edith CAVELL) ont été fusillés au "Tir National" de septembre 1914 à décembre 1917. S'y ajoute un condamné à mort, décédé en prison avant la date : WANTY Jérôme soit un total de 37.

    A noter : François Van AERDE, dessinateur industriel à Anvers avait été condamné à mort en même temps que MOHR, GRESSIER et ERNALSTEENS, mais sa peine fut commuée en détention à perpétuité.


     19 Belges et 1 Français : DUVAL Sylvain Jules, sergent au 5e Btn Douaniers à Vivier-au-Court, Ardennes, né à Gercy, Aisne, le 31/12/1875, ont été fusillés à Hasselt d'octobre 1915 à avril 1917. La raison est toujours la même : appartenance à un service d'espionnage dépendant de l'un des 3 GQG, français, belge, anglais, ou du War Office.

Les dix fusillés du 16 décembre 1916 l'ont été dans l'actuelle caserne du colonel Dusart, Charles (1860-1914).


   Un Britannique : SZÈK Alexandre Gérard Henri, 5 Français : DAUNE Auguste de Mouzon (Ardennes), GARBET René de Lihus (Oise), SAMAIN Gaston de Maubeuge-Sous-le-Bois (Nord), VAUTIER Louis François de Maubeuge (Nord) et COOL Casimir d'Anzin (Nord), ainsi que 12 Belges et d'un homme à la nationalité non confirmée ont été fusillés à Charleroi entre le 10 décembre 1915 et le 27 septembre 1917.


    17 exécutions ont eu lieu à Anvers, 16 au fort V Edeghem du 8 décembre 1915 au 16 mars 1918, une dans la rue Kronenbourg : LAVA Gustave Emile, 18 ans, employé de l'imprimerie Buerbaum, qui distribuait des journaux prohibés (Droogstoppel & De Vrije Stem)


     11 belges, un Français : SUCAUD Auguste né le 13/06/1876 à Paris, et un Britannique : FRYATT Charles né le 02/12/1872 à Southampton ont été fusillés à Bruges de décembre 1914 à août 1916. Le cas de Charles Fryat est particulier, puisque commandant du Brussels, rencontre en mer le 28/03/1915 le sous-marin allemand U-Boot 33. Plutôt que de laisser couler son navire, il tente d'éperonner le submersible qui évite l'éperonnage grâce à d'une plongée d'urgence. Traité en héros, son navire est arraisonné le 23/06/1916, le capitaine est arrêté, "jugé" et malgré sa qualité de civil, fusillé.


     Ce sont 17 noms de Français que l'on trouve aux Archives du Royaume concernant St-Quentin entre octobre 1914 et décembre 1916. Parmi ceux-ci celui de Joséphine MARIÉ, citée dans la première table qui rassemblait les femmes, et Célestin BUSIN, dont on sait seulement qu'il résidait à Villers-Pol (Nord) ce que confirme le recensement de 1906, et qu'il avait 6 enfants (5 à la date du même recensement). Le nom figure sur les monuments aux morts de Villers-Pol et de Saint-Vaast-en-Cambrésis où il était né en 1878, mais peut-être s'agit-il de son père du même prénom sur le second monument ; dans les deux cas ils sont cités comme victimes civiles. Une demande d'acte est en attente auprès des archives de St-Quentin.
    Les 5 premiers ont été fusillés "à la caserne d'infanterie" pour possession d'arme ou de munitions, découverts lors des nombreuses perquisitions opérées par l'occupant, ou encore pour avoir détenu un uniforme militaire (allié) ce qui laissait supposer avoir aidé un soldat à se cacher, voire même à s'enfuir via les Pays-Bas.
    Les fusillés du 27/12/1916 (service MARIÉ du GQG anglais) l'ont été au terrain de manoeuvres, Louis DELACROIX, condamné à la même peine est décédé en prison faute de soin le jour de Noël.

Marie Joséphine MARIÉ, veuve de Paul Henri Adonis MARIÉ mort pour la France le 30 septembre 1914 à La Chalade s'est donné la mort dans sa cellule le 18 septembre 1918. Dans son témoignage Victor MARIÉ, chef du "service MARIÉ", ne confirme pas les circonstances. L'acte de décès enregistré à St-Quentin de donne aucune précision. Elle laissait deux enfants dont Joséphine Louise née en 1903 recueillis par Victor (son témoignage) et qui seront adoptés par la nation.

StQ19151004

StQ19161227

    Voir le récit de cette journée par Elie FEURY dans "Sous la botte : histoire de la ville de Saint-Quentin pendant l'occupation allemande; août 1914-février 1917"  sur Gallica. 

    JOLY Zéphyrin, cité dans la liste, entre dans les cas d'aide aux soldats alliés, rattrapés puis dépassés par l'avance allemande en septembre 1914, et prisonniers de fait en territoire occupé. L'ennemi a multiplié il est vrai les exhortations à se rendre et à ne pas aider ces soldats essentiellement français et britanniques. Une fois passé le délai fixé par l'occupant, ceux qui étaient découverts - et ceux qui les aidaient - étaient passés par les armes.

Ainsi :

  • Les soldats ABDELKADER et BEN TUALI ont été fusillés le 16/02/1916 à Laon, ce qui a entraîné un mois plus tard l'exécution de MM. FRICOTTEAUX maire, EVRARD adjoint et DERBOIS garde-champêtre d'Anguilcourt-le-Sart (Aisne) pour assistance. (Tous trois décorés de la Légion d'honneur à titre posthume : JO du 26/09/1922)

  • Dans l'Affaire de Flaignes, il s'agit de l'exécution à Laon par les Allemands, les 2 et 3 août 1916, de quatre habitants de Flaignes-les-Oliviers et de la vallée d'Aouste (Ardennes). Tous avaient été reconnus coupables d'avoir ravitaillé des soldats français.

  • Les 11 soldats britanniques ont été fusillés à Guise en même temps que la personne qui les a hébergés à Iron (Aisne). Voir à leur sujet le site The Iron 12 ainsi que l'affiche allemande publiée à Guise en 1915 et visible aux archives de l'Aisne (tous ne sont pas nommés : voir  LOYER Griselain pour la médaille de la reconnaissance française)

  • 4 des fusillés de Lille qui figurent dans la table plus bas l'ont été pour le même motif : aide et passage de soldats alliés.

  • La table qui suit regroupe tous les fusillés de Laon dont je dispose.


     La liste suivante regroupe les fusillés à Valenciennes, Condé et St-Amand. Les archives belges font état d'un décès à Valenciennes d'un agent du service Marié : LAURENT Clément ; rien ne permet de penser qu'il a été fusillé. Tous les autres ont fait l'objet d'une page sur ce blog (lien sous le nom).

A noter que l'abbé DELBECQUE est le premier fusillé pour fait qualifié d'espionnage de l'ensemble des territoires occupés.

    8 civils français (dont deux femmes déjà citées : DANEL épouse BOSSUYT Georgina et LACROIX épouse LAFRANCE Flore) ainsi qu'un Belge décédé en détention (DEBAVAY Henri) figurent dans la liste de Tournai. Le plus jeune, MARLOT Léon François Florimond, avait 17 ans, ce qui en fait le plus jeune fusillé : sa fiche "Mort pour la France".

Tournai 19171031


    Le 2 mars 1916, 7 personnes seront fusillés au camp de Casteau à Mons pour "trahison commise pendant l'état de guerre, en transmettant des renseignements relatifs aux transports de troupes ou pour n'avoir pas prévenu l'autorité allemande". 9 noms figurent sur l'affiche émise à Bruxelles par Von Bissing. Adolphe LAMPERT et Herminie VANEUKEM ne seront pas exécutés.
Toutes peines confondues 46 noms figurent sur cette affiche.

peinedemort
cliquer sur l'image pour l'affiche complète, puis clic-droit : afficher.

Une 8e personne sera fusillée à Mons le 18/10/1916 au tir communal


2 Belges et 3 Français seront fusillés à Lille :


5 civils français ont été fusillés à Maubeuge, dont 3 plus précisément en 1918 à Colleret (leur histoire en lien sous leurs noms) :

 

 

     La dernière liste regroupe 57 noms dans les quels on retrouve BAR, BEUTOM & THERY, déjà traités dans une page du blog, comme Louise de BETTIGNIES, ainsi que 2 autres femmes (RAES Mathilde et RADAR Anna) qui apparaissent également dans la première liste.
Les informations concernant les autres sont parfois plus que parcellaires et dans la majorité des cas, je n'ai pu en savoir davantage.
Certains, comme DUERLOO et VALLEYE ont été électrocutés en tentant de passer la frontière belgo-néerlandaise.

     Le cas d'Emile DESPRES est particulier puisqu'il s'agit d'un pseudonyme utilisé par la presse de l'époque pour ne pas dévoiler le véritable nom Victor DUJARDIN, fusillé en même temps que 9 autres hommes le 25 Août 1914. Voir le lien sous le nom, ou me demander s'il est inopérant. Il s'agit là de l'une des nombreuses exactions commises par l'armée allemande lors de son entrée en Belgique et en France.

.

 

Enclos des Fusillés, Bruxelles. Cliché de l'auteur.

EdF

     Certains cas particuliers sont plus difficiles à trouver, il faut alors examiner les citations à l'ordre du pays ou pour des médailles à titre posthume, comme ces deux fusillés qui figurent au JO du 14 juillet 1919 sous le titre "Le gouvernement porte à la connaissance du pays la belle conduite de" :

M. Féron, gardien à la maison centrale de Loos ; M. Thirion, surveillant à la colonie de Saint-Bernard (Nord) : enlevés par l'occupant, en février 1918, contraints par les menaces et les violences d'accomplir des travaux d'ordre militaire, se sont évadés du camp où ils étaient retenus et ont tenté de passer dans les lignes anglaises. Grièvement blessés par des grenades allemandes, alors qu'ils franchissaient les fils de fer barbelés, et arrêtés, ces fonctionnaires comparurent devant une cour martiale.
Condamnés à mort, le 19 février 1918, et fusillés le même jour, malgré leurs blessures, ont fait preuve avant de mourir d'une grande fermeté d'âme et de courage.
Voir également ce site

Comme toujours, n'étant pas certain que les noms dans les cadres apparaissent dans le référencement de la page une liste complète figure en blanc ci-dessous.

ABDELKADER   DE SMET épse PREENEN Marie Prudence GRANDJEAN Fernand MARTIN David-Ernest STÉVIGNY Emile-Joseph
ACHTERGAEL Albert DE TAYE Camille GRANDPREZ Constant MASSART Jean François SUCAUD Auguste
ADAM Léon DEBAVAY Henri GRANDPREZ Elise-Françoise-Cornélie MASSE Philippe SZÈK Alexandre-Gérard-Henri
ALEXANDRE Jules DEBONNET Julien GRAVET   MASSY François TASSET Jacques
ALGOET Alfred DEBRUXELLES Eugène GRÉGROIRE André MATON Alphonse THERY Paul Henri Théodore
ANCELET Oscar Hippolyte Hyacinthe Jérémie DECLERCQ Octaaf GRESSIER Emile MATTHYS Alphonse-Camille THIENNOT Robert Henri Jules
AUBRY Jules-Charles DECONINCK Ernest-Pierre GUENARD Aurèle Ulysse Eugène THOMPSON William
BAECKELMANS Joseph DECROIS Paul HANOT Louis MERJAY François THUILLEZ Pierre
BAIJOT Emile-Etienne DEFÊCHEREUX Henri HANQUART   MERTENS Emile-Dominique THUYN August
BALTHAZAR Félix-Alfred DEGUCHT Désiré HANSELAER Achille MERTENS Paul Louis TITECA Charles
BALTHAZART Céleste DELACROIX Louis HENROT Dieudonné-Camille MIGUET Armand Jean TOUCHARD Henri
BAR Jules-Henri DELAPLACE Jules HERBAUX Victor MOFFATT JAMES TOURNEUR  
BARBARE Albert DELBECQUE Abbé HERCK Constantin MOHR Jules TREDEZ Paul
BARTHELEMY François DELFOSSE François HERNALSTEENS Oscar MONIER Henri TREMBLOY -
BATJOENS J DELSAUT Joseph-Pierre (Louis ?) HESSE Amédée MONTFORT Cassian-Henri TRIQUENAUX Lucien
BAUCQ Philippe-François DEMONT - HICK Joseph-Jean MOONS Félix TROUILLET Anatole
BAX Pierre DEMOULIN Voltaire HOEGEN Arie MOREAUX Gustave TRULIN Léon
BEAUVOIS Nicolas DEMUER Théodore HOFMAN Auguste-Jean MURPHY TERENCE UYTTEBROECK Isidore
BEEK Jean-Leon Augustin DEMUNCK Arnold HOFMAN Maurice-Achille MUS François VALISSANT Albert
BÉGUIN Auguste-Joseph DENIS Paul HOGERHEYDE Pierre Eugène MUS Gustaaf VALLEYE Guillaume
BEN BRAHIM   DERACHE épse FRENAY Louise HONORÉ Edmond Alexis Joseph NAELAERTS Auguste-Charles VAN ANDRUELLE Fernand
BEN TUALI Ben Saïd Ould Abdelkader DERBOIS Auguste HORGAN Daniel NASH John VAN BERGEN Henri
BERNARD Alphonse-Désiré DESCAMPS Jules HOSTE Camiel NEUFEGLISE   VAN BORM Arthur-Emile
BEUTOM Eric DESCAMPS Lucien HOUGÉE Arie NEYTS Louis VAN BUYNDER Camille-Frédéric
BLONDIE(A)UX Achilles DESCATOIRE Jean-Baptiste HOWARD George NICOLAS Jules-Léon VAN CAENEGHEM Alphonse-Francois
BODSON Mathieu DESCHEUTTER Jules HUGUEVILLE Ernest NICOLAY Emile VAN DE VELDE Joannes
BOEL Ferdinand-Arthur DESLOOVERE Jules-Arrnand INNOCENT Frederick NOIRFALISE Henri-Joseph VAN DE VELDE Cyrille-Joseph
BOITEUX Léon-Joseph DESMOTTES Léon Ghislain JACMIN Jean OLIVIER Oscar VAN DE WOESTYNE Edgard-Joseph
BOIZARD Ernest DESMOULINS Clotaire JACOBS   OTTEVAERE Camille VAN DE WOESTYNE Edmond
BOURSEAUX Jean-Victor DESMOULINS Edouard JACOBY   OUDART Léon VAN DEN BOSSCHE Désiré
BRAECKMAN Gustaaf DESPRES Emile JACQUEMIN Paulin OUDELET André VAN DEN VOORDE Jacques
BRAET Joseph DEWISPELAERE Prudent-Richard JACQUET Eugène Camille OUILDALI Salem VAN DER CAMMEN Jean-Joseph
BRIL Louis D'HALLUIN Eugène JACQUET Léon-Joseph PAGNIEN Alfred-Emile VAN DER COILDEN Alphonse
BRION Léopold D'HELDT Louis JAVAUX Auguste Alexandre PAQUAY François-Adrien VAN DER MEEREN Joseph
BUCKLEY Denis D'HONDT Alfred JESPERS Joseph-Henri PARENT Léon VAN DER SNOECK Félix-Jean
BURY Germain DILLIE Albert JOLY Zephyrin PARENTÉ Charles-Gustave VAN EECKE Louis François
BUSIERE Paul DIMANCHE   JOPPART Joseph PARZY Louis VAN EECKE René
BUSIN Celestin DOBBELAERE Jérôme KEPPENS Louis PAYNJON Oscar VAN GHELUWE Aloïs-Emile
BYN Alphonse DOUCEDAME AchilIe KERF Joseph-Louis-Hubert PEIRS Kamiel-Gustaaf VAN HECKE Adolphe
BYN Macharius DUBOIS Arthur Joseph KRICKÉ Prosper-Pierre-Auguste PERDAEN Frans VAN HOFFELEN Liévin Constantin
BYTTEBIER Julien DUCHAMPS Michel KUGE Georges PETIT Gabrielle VAN KEIRSBILCK Aloïs-Joseph
CACHERON Raymond DUERLOO Henri François KUSTERS Henri PFEIFFER Pierre VAN QUICKELBORNE Pierre-François
CAIGNET Henri DUFRASNE Désiré-François LACROIX epse LAFRANCE Flore POELS Pierre-Jean VAN THIELEN Jules
CAILLAUX Gustave gaston DUROCHER Auguste LAMBRECHT Dieudonné POLLET Arthur-Joseph VAN VLAANDEREN Isidoor
CANONE Alfred DUTHOIT - LANCIAUX Amaury POPELARD Félix VANDERMEERSCH Charles
CARPENTIER Théophile DUVAL Sylvain Jules LAURENT Clément PRADESSUS Gabriel VANVEIRDEGHEM Emiel
CASTAIN - ERNST Willy LAVA Gustave-Emile RADAR Anna VAUTIER Louis-François
CAUDRY Paul Joseph Ignace Anaclès EVERAERTS Pierre LECAT Angèle RAES Mathilde VERDONCK Henri
CAVELL Edith EVERAERTS Théophile LECLERCQ François RAMET Alphonse-Mathieu VERGAUWEN François-Albert
CAZER Hérasse EVRARD Auguste LECOCQ Clément-Alphonse RAMMELOO Léonie-Pauline VERGEYLEN François-Jean
CHALANDRE Vincent EYKOLT Martinus LEEMANS Joseph RÉMY Georges-Thimoté VERHULST Sylvère Léon
CHEVALIER Gustave FAUCHEZ Edouard LEFEBVRE Louis-Alfred-Omer RESTOUX Victor VERMEERSCH Alphonse
CLAES Pierre Joseph FAUX Léon LEFÈVRE Edouard RICHTER Adrien VERMOERE Albert-Julien
CLAUS J. FERRANT Joseph LEGAY Jules RIVIÈRE Abel VERSCHRAEGEN Edmond
COIGNÉ Achille-Léon FONTORBES Henri LEGELS Léon ROCHON Camille VERSCHRAEGEN Karel
COLLARD Antony FRANCK Alexandre LEGRAND Henri ROELS Léonce VERSCHUERE Oscar-Achilles
COLLARD Louis FRANÇOIS Léon LEGRAND Jean ROLAND Arthur VERSCHUEREN Alphonse-François
COLON Adelin-Constant FRANÇOIS Lucien LEJEUNE Jean-Gérard-Joseph SABBE René WAEGENAER Karel-Louis
COOL Casimir FREAL Joseph Victor Henri LELARGE Jacques-Marie SACRÉ Oscar-Jean WAEGENAERE (DE) Karel-Léopold
CORBISIER Jean-Baptiste FRICOTTEAUX Aristide LELARGE Oscar-Noël SAMAIN Gaston WALSH John
COSSE Auguste FRYATT Charles LEMAR Arthur SCHATTEMAN Emilie WANTY Jérôme
COTTEAU Edmond GANSE René LEMOINE Charles-Victor-Joseph SCHWENK Alfred-Charles WARTELLE Georges
CUVELIER Henry GARBET René LEMOINE Felix SEGERS Jean Pierre WATHELET Henri-Hoseph
DANEL épse BOSSUYT Georgina GAROT Andrien-André LENDERS Justin-Jaques SERVAIS Arthur WATTIEZ Arthur-François
DAUBECHIES Jérôme GEHIN Marcel LENOIR Ferdinand SIMON Charles-Adam WAUTERS Célestin Ernest
DAUNE Auguste GHISLAIN Alfred LEROY Jacob-Jacques SIMON Orphal-Jean WAUTHY Jacques
DAVID Honoré GILBERT Charles LOGIEST Jean SIMONET Charles-Joseph WIERTZ Godefroid
DE BACKER AchilIe GILET   LONCKE Joseph-Camille SIQUET Henri-Laurent WILSON Matthew
DE BELVA Jan-Baptiste GILKINET Amédée-Clement LONGUET Isaïe Dié SLOCK Ferdinand WINDELS Aloïs
DE BETTIGNIES Louise GILLES Louis MAERTENS Georges Charles SMEESTERS Augustin XHONNEUX Guillaume
DE CABOOTER Maurice GILLET Charles-Lucien MAES Theo-Camille SMEESTERS Augustin (zoon) ZILLIOX Joseph
DE LOOZE Léon GILOT Joseph-Gabriel MARIÉ Joséphine SMEKENS Aimé    
DE MOLIN Joseph GOEDHUYS Théophile-Arthur MARIEN Edmond SOMERS Louis-Joseph    
DE RIDDER Jean-Baptiste GOULARD Charles MARLOT Léon François Florimond STENT John William    
DE RIDDER Théophile-François GOUT Auguste MARQUENIE Gustaaf STEVENS Pieter    

 

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7 février 2017

Léon Dreyfus : aide au passage en Hollande, arrestation, conséquences

     Dans le sujet sur les premiers mois de l'occupation est apparu le rôle de Léon DREYFUS, aidant les hommes mobilisables à s'échapper vers la zone libre tant que le front n'était pas continu de la mer à la Suisse. Le 20 octobre 1914 c'est malheureusement chose faite et le front est infranchissable. Une seule éventualité possible : fuir vers la Hollande, neutre et que les Allemands n'ont pas occupée, contrairement à la Belgique qu'il faut traverser. La frontière Belgo-Néerlandaise deviendra au fil du temps de plus en plus difficile à franchir, et l'occupant de plus en plus efficace dans la recherche et l'arrestation des passeurs et des espions.

Léon DREYFUS est né le 14 août 1859 à Valenciennes ; industriel, il est ancien maire de Lourches.

.... Les Allemands s'installaient plus que jamais dans la région, et leur force ne paraissait absolument pas diminuer.
En face de cette organisation notre pensée à tous était de lutter en secret, non plus par des actes isolés, mais avec méthode.

Les jours suivants, Léon Dreyfus, qui s'était mis à la disposition du Maire et de M.Dugardin, délégué Sous-Préfet, pour s'occuper de questions administratives, obtint un sauf-conduit pour Bruxelles et en profita pour demander à ses amis belges quelques renseignements sur les possibilités de passage des hommes à travers la frontière.

Il put se mettre en rapport avec des guides professionnels qui demandaient 30 francs par tête pour assurer la fuite par Quiévrain, Boussu, Lierre, Anvers, Liège, Maestrich. Dès lors l'organisation de passage était créée.

Val-Mastr


     Trois jeunes gens partirent avec un guide et notre ami reçut au Cécil-Hôtel une lettre de Hollande portant seulement les mots suivants : "Wagon pommes de terre est expédié". C'était l'annonce impatiemment attendue de l'arrivée à bon port des jeunes soldats.

     Peu à peu l'organisation se perfectionnant, les passages se multiplièrent. La confiance était née. M. Bataille, bourgmestre de Quiévrain, servait d'intermédiaire.
Un excellent passeur, en rapport avec Dreyfus réussit à apporter de Flessingue, des lettres pour Cambrai, Valenciennes et ses environs. Peu à peu la nouvelle du passage des hommes à la frontière se répandait dans la ville. De plus en plus les demandes affluaient.

     Bien souvent Léon Dreyfus donnait rendez-vous à la Mairie aux jeunes gens désireux de s'enfuir. Les appariteurs prirent même l'habitude, quand les hommes venaient demander des conseils, de leur dire : "Allez voir M. Delame ou M. Dreyfus". Ces renseignements étant donnés parfois sur le palier sur lequel s'ouvraient les bureaux de la commandature. Les jeunes gens ainsi envoyés étaient reçus par Dreyfus sans aucune précaution.
Inquiet de ces imprudences, je tentai de lui conseiller un peu plus de prudence. En particulier je l'avertis le 20 juillet 1915 de la nécessité de s'assurer de l'identité des jeunes gens avant de leur donner des renseignements et de les inscrire. Mais à cette époque, le bruit ayant couru en ville qu'il y aurait des sanctions contre ceux qui ne se seraient pas présentés au recrutement de France (suppression des droits électoraux, envoi aux colonies, etc...) les jeunes gens se présentèrent plus nombreux encore qu’habituellement et les précautions furent de nouveau moins strictement prises.

Le 31 juillet 1915, de nouvelles mesures de coercition furent établies par les Allemands.

     Un local au patronage Saint-Jean fut réquisitionné par eux afin d'aménager des prisons destinées aux notables de la ville. Je devais plus tard, faire connaissance avec certaines des cellules qu'ils y avaient aménagées.
Des agents de la police secrète multipliaient les recherches et essayaient par tous les moyens de surprendre les guides et les jeunes gens passant les lignes. Il y eut même des primes pour chaque arrestation ou chaque dénonciation. 40 francs pour une lettre, 100 francs pour un jeune homme, 500 francs pour un notable.

Un malaise général régnait en ville et la population s'inquiétait.

     Le même soir, vers quatre heures, un homme se présentait à Léon Dreyfus qui le reçut dans son cabinet. Il se disait guide belge et venait réclamer le salaire de 200 francs, prix du passage de dix hommes à travers les lignes. A l'appui de ces dires il montrait un fragment de billet qui avait été confié effectivement quelques jours auparavant à l'un des jeunes gens et que celui-ci devait remettre à son guide une fois en sûreté. Cette preuve, jointe à quelques lettres de France pour les habitants de Valenciennes inspira confiance à M. Dreyfus. A ce même moment on lui apportait un mot d'un M. Lenne, qui demandait à faire passer son fils et un de ses amis en France. Pensant dédommager le pseudo-guide, de sa perte de 200 francs tout en rendant un service à son compatriote, Léon mit les deux hommes en rapport et le lendemain matin à Sebourg, les jeunes gens ainsi guidés tombaient dans une souricière. En même temps, Léon Dreyfus arrêté à son domicile était emmené à la caserne Vincent où il devait être interrogé.

     Tout ce drame provenait de la trahison du guide Vaillant, arrêté par les Allemands. Il avait livré les preuves destinées à inspirer confiance à notre infortuné compatriote, déjà suspect à la Commandanture, mais qu'on n'avait pas osé inquiéter faute de faits précis à lui reprocher.
Je me trouvais sur la Grand'Place, quand je rencontrai Dreyfus en simple veston d'alpaga, qu'on emmenait sans l'avoir laissé prendre une valise, ni ses papiers.

     Dès son arrivée à la caserne Vincent, le premier interrogatoire eut lieu. Le commissaire Rutlingen lui annonça qu'il était accusé d'être à la tête d'une organisation de recrutement et le somma de lui livrer le nom de ses complices. Sur les dénégations de Dreyfus, affirmant qu'il ne comprenait rien à ces accusations, le commissaire changea de méthode et dès lors l’interrogatoire se poursuivit, employant vainement tous les procédés de chantage moral pendant plusieurs heures.
 

"Tous les noms sont connus dit Rutlingen, on va lire la liste et il suffira que vous incliniez la tête en entendant citer ceux que vous connaissez. " Après l'échec de cette manœuvre, une confrontation eut lieu avec Vaillant à qui le commissaire dit : " Vous pouvez parler devant M. Dreyfus, sans crainte de vengeance future, car c'est un homme mort et pratiquement vous pouvez le considérer comme fusillé. "

Voyant qu'il n'obtenait aucune réponse, Rutlingen se fâcha et insulta sa victime : " Vous paierez pour tous, lui dit-il, vous êtes un menteur et un juif, je vous ferai fusiller soyez-en certain. D'ailleurs j'exige que vous soyez respectueux, tenez-vous droit et enlevez vos mains de vos poches, comme il convient en présence d'un supérieur. " Léon protestant contre ce ton, Rutlingen termina enfin la séance en lui intimant l'ordre de se taire, et l'envoya dans sa cellule.

     Un deuxième interrogatoire eut lieu avant le départ de Valenciennes en présence du faux guide qui l'avait dénoncé.
Dreyfus fut de nouveau cuisiné ; on lui affirma que les jeunes gens qu'il avait cru sauvés avaient été livrés par leurs guides et le considéraient comme responsable de leur arrestation.

Déprimé physiquement et moralement par ces épreuves, le prisonnier fut transféré en secret à la prison de Saint-Gilles à Bruxelles où il resta pendant les trois mois que dura le procès du 4 août au 22 octobre 1915.

     Chargé par Arthur Vaillant qui espérait ainsi échapper à son sort, Léon Dreyfus fut condamné par le tribunal de campagne à trois ans de travaux forcés ; l'absence de preuves certaines, l'adroite défense de l'avocat belge Sadi Kirschen avaient évité à notre compatriote la peine de mort que Miss Cavell devait subir quelques jours après.

A cet arrêt, était jointe une amende de 1.000 Marks ou de soixante-six jours supplémentaires de réclusion pour transmission illicite de correspondance.
D'abord envoyé à la prison cellulaire de Reinbach (Prusse rhénane), notre ami fut transféré après un an, le 20 juin 1916 à la prison royale de Siegburg, à la suite d'une série de démarches tentées par sa famille qu'inquiétait son état de santé.

     Le 17 juillet 1916, Mme Léon Dreyfus qui avait fait faire une démarche par Mgr Ruch aumônier militaire, auprès du Saint Père, recevait du cardinal Gaspari les lettres suivantes :

Segretaria di Stato di Sua Santita, N° 18.551. dal Vaticano, le 17 juillet 1916.
" Madame,
" Dans sa tendresse pour ses enfants et dans sa souveraine sollicitude à adoucir, autant qu'il est en son pouvoir, les douloureuses conséquences de la guerre, le Saint-Père a daigné s'intéresser particulièrement au sort de votre mari, M. Léon Dreyfus, ancien Maire de Lourches, condamné à trois ans de réclusion et détenu à la prison cellulaire de Rheinbach.
" Des démarches et des instances ont été faites, par voie diplomatique auprès des autorités compétentes en vue d'obtenir la mise en liberté de M. Dreyfus ou au moins la commutation de la peine de réclusion en celle de prison ordinaire.
" Je m'empresse de vous prévenir que le Saint-Siège a été officiellement informé en date du 1er juillet 1916, que, la première faveur n'ayant pu être accordée, les autorités ont bien voulu, à la demande du Saint-Siège, commuer la peine de réclusion en celle de prison.
" Tout en regrettant que la demande d'élargissement pour votre mari n'ait pu être octroyée, j'ai le plaisir de vous faire part au moins de la concession de la seconde faveur, et je profite de l'occasion pour vous exprimer, Madame, mes sentiments distingués.
" Signé : P. Cardo GASPARI . "

    En juin 1917, après deux ans de réclusion, très fatigué et souffrant Léon Dreyfus put enfin être libéré sous caution de 100.000 Marks fournis par ses amis de Bruxelles le Baron Lambert et M. Gaston Périer. Il était placé sous la surveillance de la police allemande avec résidence officielle à Bruxelles.

     Après un court repos, Léon Dreyfus voulut de nouveau se rendre utile et il se mit à la disposition du comité national de secours et d'alimentation espagnol qui lui confia le bureau des réfugiés.
Ce rôle de charité entraînait parfois notre compatriote à quelques imprudences, mais la protection de l'ambassadeur d'Espagne, son Excellence le marquis de Villalobar, son répondant officiel, le couvrait. La police allemande, qui le surveillait de très près s’employa pour le faire arrêter à nouveau un subterfuge. .

En mai 1918, Léon Dreyfus se trouvant dans un théâtre, fut accusé par un soldat d'avoir tenu des propos anti-allemands.
Malgré ses dénégations et les témoignages de ses amis, il fut condamné pour ce fait à une peine légère mais qui entraînait le renvoi en prison pour y subir la fin de sa condamnation antérieure.

Ce n'est que le 8 novembre 1918 que les portes de la geôle allemande lui furent définitivement ouvertes par les soldats révolutionnaires et qu'il put enfin revoir son pays victorieux et sa famille.

En récompense de ses services et de sa captivité, le Gouvernement français le nomma dès l'armistice, Chevalier de Légion d’Honneur avec la citation suivante :

" Légion d'Honneur, au grade de chevalier, Dreyfus (Léon) industriel à Lourches (Nord), trente-trois ans de pratique industrielle. Pendant toute la durée de l'occupation, a montré l'attitude la plus digne et la plus énergique à l'égard de l'ennemi. A été condamné et déporté en Allemagne dans des conditions particulièrement pénibles. "

Le 18 septembre 1927,
[à Chatou, Yvelines] notre compatriote après quelques années de calme, s'éteignait entouré des siens, après une pénible maladie, suite des épreuves courageusement supportées.

René Delame : "Valenciennes Occupation allemande 1914-1918. Faits de guerre et souvenirs"
Hollande & Fils ed. 1933

 ServicesLH
extrait du dossier pour la Légion d'honneur

 

     Comme souvent, notamment quand il y avait de la famille en zone libre, des recherches ont été entreprises via la Croix-Rouge pour obtenir des nouvelles. On trouve donc dans les archives du CICR 5 cartes (du 8/9/1915 au 16/11/1918) à son nom :

 

C_G1_F_13_01_0055_0495_0     C_G1_F_13_01_0055_0498_0     C_G1_F_13_01_0055_0496_0
C_G1_F_13_01_0055_0497_0     C_G1_F_13_01_0055_0499_0

 

 Celles-ci renvoient vers 3 registres qui permettent de le situer :

  • le 11/10/1916 à la prison de Siegburg

    Siegburg 19161011

  • le 31/05/1917 au camp de Limbourg an der Lahn

    Limbourg an der Lahn 19170531

  • le 19/06/1916 au même camp de Limbourg a/Lahn

    Limbourg an der Lahn 19180619

 Selon les fiches du CICR il était toujours à Siegburg le 16/11/1918

 

On trouve dans la presse des échos de sa détention :

JdDPL 19170513
"Le Journal de Débats Politiques et Littéraires" du 13/05/1917
 

LeMatin 19170512
"Le Matin" du 12/05/1917
 

Univers Israelite 19170615
La rectification apportée par "Le Matin", reprise par "L'Univers Israélite" du 15/06/1917
 

BulRefNord 19181123
Le "Bulletin des réfugiés du département du Nord" du 23/11/1918

 

    Le bulletin, devenu journal, publiera le 1er janvier 1919 des nouvelles du 327e RI, régiment de Valenciennes, et de la famille Dreyfus-See. On sent que la guerre est finie .... :

BulRefNord 19190101

 

 

 

1 février 2017

Avant la fermeture totale du front

 

    Quand je dis simplement que Valenciennes a été occupée le 25 Août 1914 (soit 3 semaines après le début du conflit) et libérée le 2 novembre 1918 par les troupes Canadiennes, 4 ans, 2 mois et 8 jours plus tard soit après 1530 jours d'occupation, on pourrait imaginer une séparation des zones libre et occupée telle qu'on va la connaître ensuite, où de la mer du nord à la Suisse les tranchées se font face.

    Or dans les premiers temps, la situation n'est pas aussi figée qu'elle va le devenir : surgie du nord via la Belgique dont l'ennemi oublie qu'elle est neutre, la déferlante va s'étendre presque jusqu'à la capitale puis refluer quasiment à l'identique sur ce qui deviendra "le front", les deux adversaires découvrant ensuite qu'il reste une zone à combler à l'ouest, chacun tentant de déborder l'autre, dans ce qu'on appellera "la course à la mer". C'est alors seulement que le fameux front se révèle être une frontière infranchissable : il faudra attendre le 20 octobre 1914 soit quasiment deux mois pour que cette partie de France et de Belgique située globalement à l'ouest de Valenciennes subisse le même sort que les territoires déjà envahis et qui le sont restés.

    C'est ainsi que des villes comme Douai et Lille ont vu passer l'assaillant qui descendait du nord sur Paris, et ont ainsi eu l'impression d'être dans une zone épargnée par la guerre, puis l'ont vue revenir, avec une certaine incrédulité car les nouvelles qui leurs parvenaient de la capitale, propagande oblige, se voulaient rassurantes.

    J'ai décrit dans ce même blog l'odyssée et la fin tragique de l'abbé Augustin Delbecque, fusillé à Valenciennes le 17 septembre 1914, qui venait de faire -à vélo- l'aller-retour jusqu'à Dunkerque pour obtenir des consignes sur la conduite à tenir des hommes mobilisables qui se trouvaient en zone déjà occupée.

Source: Externe

    De même, l'odyssée du colonel Charlier, qui s'échappe de Maubeuge dont la place fortifiée capitule le 8 septembre 1914, lui permet de rejoindre Dunkerque le 11 septembre avec 300 hommes.

    On peut y ajouter le départ de mon grand-père maternel qui, "parti de Valenciennes le 21 Septembre 1914, a traversé les lignes allemandes pour se rendre à Beauvais (Oise) où il s'est présenté au Recrutement de cette ville le 2 octobre 1914. " Il est vrai qu'il avait à 37 ans reçu l'ordre ... d'attendre. Il sera absent 4 ans 3 mois 20 jours : il laisse sa femme et ses 4 filles nées en 1903, 1904, 1906 et le 25/06/1914.

    C'est donc bien qu'il y avait jusqu'à la fermeture complète de la ligne de front une toute relative possibilité de passage : en voici un autre exemple, raconté par René Delame.

     Dès les premiers jours de l'occupation, M. Léon Dreyfus, industriel, s'était mis à la disposition de M. Tauchon, Maire, pour s'occuper de diverses questions concernant, notamment, l'approvisionnement en farine.
Mais bientôt à ces occupations officielles, il allait en joindre d'autres d'un caractère différent.
Le 29 août 1914, circulant en ville il rencontra des jeunes gens, avenue de la Gare. Ceux-ci lui racontèrent qu'ils venaient de Lille et de Dunkerque, où on leur avait dit qu'ils pouvaient rentrer chez eux jusqu'à l'arrivée de leurs convocations militaires.
-Retournez là-bas de suite, leur dit Dreyfus, et prévenez vos camarades, car les Allemands arrêtent tous les jeunes gens et les enferment dans l'Église Notre-Dame en attendant de les envoyer en Allemagne.

Ce même jour, rentrant chez lui, il trouva une femme qui venait lui demander conseil.
Elle cachait son fils dans son grenier, de peur qu'il ne lui fût enlevé par les Allemands, mais elle craignait d'être dénoncée par une de ses voisines. Léon Dreyfus suivit la femme et s'efforça de convaincre sa voisine du danger de toute indiscrétion.
Puis il alla trouver le jeune homme dans sa cachette, rue de la Barre, et celui-ci lui exposa son désir de regagner la France non occupée. " Nous sommes, lui dit-il, plusieurs camarades dans le même cas, mais nous ne savons comment nous y prendre pour aller accomplir notre devoir en passant en France libre ".
Ému par cette situation, Léon Dreyfus lui promit de se renseigner sur les moyens de mettre ce projet de fuite à exécution.

Tandis que le jeune homme allait prévenir ses camarades et leur dire de se tenir prêts, Dreyfus se rendit chez le chef de gare des tramways de Saint-Amand à Hellemmes(1) . Là il apprit que le tramway qui partait à 13 heures chaque jour était exceptionnellement utilisé par les Allemands. Une seule fois il avait été arrêté par une patrouille qui avait interrogé les voyageurs, mais en général aucune enquête n'était faite pendant le trajet. Par contre le tramway de Valenciennes à Saint-Amand était très surveillé et seules les personnes munies d'un permis étaient autorisées à y monter.
Après avoir cherché les moyens les plus propres à éviter toute surprise, Léon Dreyfus et le chef de gare décidèrent de faire escorter le tramway d'Hellemmes par un cycliste qui le précéderait de 1 à 2 kilomètres et reviendrait alerter les voyageurs s'il apercevait une patrouille d'inspection.
Le dépôt de Lecelles fut chargé d'assurer ce service qui fonctionna régulièrement pendant tout le mois de septembre 1914.
Dès le lendemain de cette entrevue les jeunes protégés de Léon Dreyfus purent se mettre en route vers Saint-Vaast, Aubry, Wallers, Hasnon et Saint-Amand où un train leur permettrait de gagner Lille.

Telle fut la première évasion que favorisa Dreyfus.

(1) Cette ligne tramways à vapeur - ayant plutôt le caractère d'un chemin de fer départemental- à été exploitée par les Chemins de fer Economiques du Nord entre St Amand-les-Eaux et Hellemmes-lez-Lille de 1891 à 1933, longue de 32km, elle désservait :
la Gare de St Amand - Lecelles - Rumegies - Mouchin - Bachy - Cysoing - Bouvines - Sainghin - Lezennes - Hellemmes.

 Itinéraire

     Il n'était pas possible de sortir de Valenciennes sans autorisation, mais au-delà de St-Amand-les-Eaux (15 km), la surveillance était très relâchée (faute probablement de moyens humains), tandis que se déroulait la bataille de la Marne.

     Ainsi :

  • Douai, 35km à l'ouest de Valenciennes avait vu passer l'ennemi dans son mouvement vers Paris fin Août 1914, un petit nombre de soldats s'y étant installés pour un temps, mais ne sera occupé que lors de la retraite allemande, soit le 2 octobre 1914.
  • Lille, 50km au Nord-Ouest de Valenciennes, attaquée le 1er septembre 1914, sera une première fois investie la journée du 5, mais les Allemands continuent leur marche vers le sud, ceux-ci se représenteront comme pour Douai le 2 Septembre ; la ville sera sévèrement bombardée du 10 au 13 septembre, jour où l'ennemi entre dans la ville.
  • Dunkerque, où les autorités officielles avaient si peu conscience de la réalité au point de conseiller à des jeunes gens mobilisables de rentrer chez eux. Fin septembre, les ordres rapportés par l'abbé Delbecque et trouvés par les Allemands allaient dans le sens inverse.

     Pour bien marquer le niveau de méconnaissance, je reprend le récit de Delame au sujet de Léon Dreyfus :

Léon Dreyfus rencontrant M. Bouillon, conseiller municipal, apprit que trois artilleurs de Maubeuge étaient réfugiés rue Delsaux. Je me rendis avec eux à la cachette des soldats auxquels on procura des vêtements civils.
Mais sur ces entrefaites l'auto si utile aux transports en fraude des hommes avait été réquisitionnée ainsi que le chauffeur. Dreyfus obtint de Kintzel le 15 septembre, un laissez-passer pour Lille valable plusieurs jours, prétextant que la suppression de son auto rendait plus longues et plus difficiles les démarches nécessaires à l'approvisionnement de la ville.
   Et accompagné des artilleurs, il montait dans le tramway d'Hellemmes et débarquait le soir même à la Préfecture où M. Trépont, Préfet du Nord, sur les instances de notre concitoyen désireux de voir sa famille en France libre, l'autorisa à accompagner un courrier destiné au gouvernement Français, alors à Bordeaux.

     Le voyage devait se faire par Rouen et Le Mans. Ce trajet ne fut d'ailleurs pas sans incident. Signalés en cours de route nos voyageurs furent arrêtés à Mortain et obtinrent difficilement en pleine nuit d'être amenés devant un officier supérieur auquel ils purent montrer leurs papiers justificatifs et qui les relâcha avec excuses.

A Paris, Léon Dreyfus eut la surprise de constater que la population et même certains personnages officiels étaient dans une ignorance absolue de ce qui concernait les événements réels du front.
Ainsi, une personne à qui il parlait de la reddition de Maubeuge, lui conseilla avec indignation de s'abstenir de propager de fausses nouvelles. Même dans les milieux politiques les nouvelles arrivaient filtrées ; Dreyfus put le constater lors d'une visite à M. Mascuraud, récemment revenu de Bordeaux, dégoûté de la vie facile et scandaleuse qu'on y menait malgré la guerre.
Au cercle Républicain, où se trouvaient cependant quelques embusqués assez bien accueillis, notre concitoyen fut très froidement reçu, sa sortie des lignes ennemies demeurait incompréhensible aux Parisiens ignorant des conditions de la vie en France occupée.
Enfin, aux Invalides, où siégeaient les représentants du Gouvernement, l'optimisme régnait en maître. " Rentrez à Valenciennes, lui dit-on, dans trois jours les Français auront chassé les Boches " !
C'est une réponse analogue que m'avait faite le Préfet du Nord lorsque je lui avais conseillé de faire évacuer avant l'entrée des Allemands à Lille, les jeunes gens, les fonds de Banque, les autos, etc...

Heureux de ces nouvelles quasi officielles, Léon Dreyfus, joyeux, fit ses adieux à sa femme et à ses enfants, qu'il quitta pour retourner à Valenciennes "voir la rentrée triomphale de nos troupes ! ".
Grâce à un de ses amis, Ingénieur à la Compagnie du Nord, le voyage en France fut facile. Un train passant par Calais l'amenait à Lille, le 21 septembre, à une heure du matin. Tout le long de la route, la joie, l'enthousiasme des officiers et soldats français confirmaient les bonnes nouvelles données à Paris. Après quelques heures de repos à Lille, Léon repartait à 5 heures du matin pour Hellemmes où le tramway fonctionnait, toujours peu surveillé jusqu'à Saint-Amand.
Ce même jour à 16 heures, je me trouvais à Saint-Amand avec M.Turbot, qui y organisait le service postal, quand Dreyfus descendit du tramway tout heureux de nous annoncer les bonnes nouvelles de Paris.
Hélas ! Quelle désillusion pour notre ami, lorsque nous lui exposâmes les faits réels, bien différents des espérances gouvernementales.
Les Allemands s'installaient plus que jamais dans la région, et leur force ne paraissait absolument pas diminuer.

La suite de l'Histoire de Léon Dreyfus


     Dans un autre épisode, René Delame avait effectivement reçu de la part du Préfet du Nord à Lille une réponse montrant à quel point celui-ci méconnaissait la réalité :

     "En arrivant à Cysoing [le 15 septembre] la population nous regardait avec effroi, je m'aperçus seulement alors que j'avais oublié d'enlever le drapeau blanc et le drapeau allemand qu'avait exigé le Commandant Kintzel pour traverser les lignes.
Lille était en fête pour l'arrivée des Anglais. Dès notre arrivée nous nous rendons directement à la Préfecture où M. Trépont nous reçoit. Après l'avoir mis au courant de la situation, M. Durre [député du Nord] lui demande si nous pouvons compter sur la somme de 500.000 francs, pour sauver notre maire M. Tauchon.
Sa réponse ne se fit pas attendre, il refusait tout subside pour les Allemands, même s'ils devaient nous éviter les représailles.

     Ne pouvant rien obtenir, avant de le quitter, nous lui fîmes part de nos craintes, Lille devant bientôt avoir le même sort que Valenciennes. Nous lui conseillâmes de prendre ses dispositions pour faire partir les jeunes gens, les banques, les autos, etc...
Mais le préfet loin d'approuver ma manière de voir me dit:
«- Je vous défends de jeter la panique dans la population et de répandre ce bruit; dans 48 heures Valenciennes sera délivrée.
Je vais d'ailleurs faire démobiliser votre Sous-Préfet M. Cauwes pour qu'il reprenne son poste
«- Je souhaite que les circonstances vous donnent raison, lui répondis-je mais si vous aviez été témoin de l'invasion vous ne raisonneriez pas de la sorte" (voir cette page du blog)
Le sous-préfet Cauwes ne rejoindra Valenciennes qu'en décembre 1914, mais ne sera pas accepté par les autorités allemandes qui maintiendront le maire comme faisant-fonction ( il avait refusé la nomination).

 

     Pour illustrer les mouvements des deux belligérants, voici une animation pour la période du 25 août au 20 octobre 1914.
Elle a été réalisée à l'aide des cartes en grand format que vous retrouverez sur le site carto1418 qui positionne les unités combattantes sur le front jour par jour. La ville de Valenciennes est matérialisée par la tache sombre, et malgré les apparences n'a pas été abandonnée par la première armée allemande qui était intégrée au mouvement dirigé vers Paris. C'est ensuite la 6e armée située du coté de Sarrebourg et venue se joindre fin septembre au mouvement dit de "course à la mer", qui occupera définitivement ce secteur.

Cliquer sur l'image
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puis clic-droit pour taille réelle

Source: Externe

 

     La carte suivante présente les positions cumulées des armées allemandes du 25 août au 30 septembre, entre l'arrivée à Valenciennes et le retour sur les mêmes positions, avant la course à la mer.  La petite tache bleue à l'est de Valenciennes situe Maubeuge qui capitule le 8 septembre, et qui jusque-là retardait le 7e corps d'armée de réserve allemand..

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Merci à jmm pour ses cartes

 

    On comprend mieux le sentiment de sécurité qui prévalait à Lille,  ...... jusqu'au siège du 3 au 13 octobre 1914 et son intense bombardement.

 

    Dans le Journal Officiel du 27 Août 1914, la vie semble continuer normalement, puisque l'on y trouve les différentes subventions pour les consultations des nourrissons. Les sommes sont en francs 1914 (multiplier par 3,2 pour un équivalent en euros 2018). Les villes déjà occupées - dont Valenciennes- auraient bien eu besoin de ces subsides ....

JORF 19140827

 

 

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