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Les civils du Valenciennois dans la Grande Guerre 1914-1918
26 octobre 2013

Dr. Charles TAUCHON, Maire

 

 

     Le Docteur Charles Joseph Tauchon, né le 25 juin 1840 à Montigny-en-Gohelle (Pas-de-Calais) était maire de Valenciennes à la déclaration de guerre. Capitaine de Mobiles en 1869, volontaire en 1870, il a fait campagne et a été blessé à Pont-Noyelles à la tête de son bataillon, cité à l'ordre du jour de l'armée, prisonnier de guerre à Glogau pour avoir refusé de s'engager à ne plus servir, il a conservé son grade jusqu'à 65 ans, puis a été désigné comme Président de la commission de réception de vivres de Maubeuge, il y aurait été mobilisé à l'age de 74 ans s'il n'avait été en Mai 1912 élu maire de Valenciennes dont il était conseiller municipal depuis 35 ans.

   Le 28 octobre 1898, le Colonel du 127°RI : Fernand, Louis, Armand, Marie de Langle de Cary, futur général,  le fait Chevalier de la Légion d'Honneur. Il est vrai que la liste de ses états de service, tant civils que militaires dépeignent un homme au service des autres et de sa patrie. Il est à cette date chirurgien en chef de l'Hospice général de Valenciennes, aussi bien que Chef de bataillon territorial et président-fondateur de la société de tir à l'arme de guerre ainsi que le la société de gymnastique "La Vaillante".

           Même si l'on pouvait imaginer les difficultés d'être maire dans une ville de région envahie pour une durée indéterminée (Valenciennes le fut du 24 Août 1914 au 2 Novembre 1918), l'emprisonnement, la déportation puis l'exil n'étaient certainement pas envisagés par un septuagénaire.

 Dans" Par la trouée du Nord, La ruée sur Paris en 1914", Robert Corrnilleau raconte :

    Je me rendis, avec un grand nombre d`entre eux, [de Blanc-Misseron] à Valenciennes, où notre arrivée, le récit de ce que nous avions vu, causèrent une vive émotion.
     Le maire, M. le docteur Tauchon, qui, durant toute l'occupation, fit preuve d'une énergie et d'une dignité au-dessus de tout loge, rassura la population et recommanda le plus grand calme. Les troupes françaises ayant évacué la région, Valenciennes, ville ouverte, ne devait avoir rien a craindre... Deux jours après mon arrivée, les Allemands faisaient leur entrée à Valenciennes [le 25 août 1914]. Ils n'étaient guère qu'un millier environ, uhlans et fantassins. Ils occupèrent aussitôt la mairie, la sous-préfecture et la gare, où le drapeau allemand fut arboré et où s'installa le colonel. Auparavant, la Compagnie du Nord avait fait partir tout le matériel. Il ne restait pas une locomotive, pas un wagon en gare de Valenciennes. L'empressement avec lequel les Allemands s'assurèrent de la possession de ce nœud important de voies ferrées, le soin qu'ils mirent à inspecter les rails, les embranchements, le fonctionnement des aiguilles, ne nous furent que trop compréhensibles le lendemain. Nous vîmes, en effet, arriver une quantité de trains allemands qui déchargèrent des régiments entiers. Toutes ces troupes ne firent d'ailleurs que passer à Valenciennes, les unes poursuivant leur route par chemin de fer, les autres à pied. La ville restait complètement calme.      M. le docteur Tauchon avait répondu de sa tranquillité. Le premier, il s'offrit comme otage. Les autorités allemandes exigèrent une rançon d'un million, selon certains, davantage même selon d'autres, et des vivres. Puis tous les jours, ce furent des réquisitions. M. Tauchon protesta contre les exigences et les tracasseries allemandes et comme il tenait tête au colonel qui qui s'était institué commandant de la place, ce dernier lui dit un jour brutalement :
« Après tout, je commence à en avoir assez de votre ville de Valenciennes.
Le docteur-maire  répliqua :
« Il ne tient qu'à vous de déménager. Ce n'est pas moi qui vous retiens !...
Le docteur Tauchon donna la mesure de son courage, quand il refusa d'être complice du coup classique contre les hommes mobilisables. Le colonel présenta au maire l'affiche enjoignant à ceux-ci de venir faire leur déclaration, et lui demanda de la contresigner. M. Tauchon s'y refusa énergiquement :
« Fusillez-moi si vous voulez, mais je ne signerai pas cela...  On ne le fusilla pas, mais on apposa l'affiche sans sa signature et malgré ses protestations.

René Delame signale, entre autres :

     Les Allemands ne manquaient jamais d'humilier le Maire ou ses administrés. C'est ainsi que la Ville étant menacée de disette d'eau, dont les Allemands faisaient un usage exagéré, le Maire dut prendre un arrêté commençant ainsi :
« Nous, Maire de la Ville de Valenciennes, Chevalier de la Légion d'Honneur... »
Le Commandant Von Bernstorff, qui devait contresigner l'arrêté, fit supprimer « Chevalier de la Légion d'Honneur ».

    Les relations de la Ville et de la Commandature, à la tête de laquelle se trouvait le Comte Von Bernstorff, étaient très tendues. Les Allemands devenaient de plus en plus exigeants pour les réquisitions de tous genres. C'est ainsi que M. Tauchon reçut par deux fois l'ordre de livrer tous les fils de fer barbelés qui se trouvaient sur le territoire de Valenciennes, même ceux qui clôturaient les jardins et les prairies. M. le Maire ne répondit pas au premier ordre, mais à la seconde injonction, il adressa au Commandant la lettre suivante :
« Je reçois de la Gendarmerie l'ordre de faire enlever, rouler et livrer tous les fils de fer qui se trouvent actuellement dans les jardins et prairies de Saint-Vaast-là-Haut.
« Vous comprendrez, j'en suis persuadé, Monsieur le Comte, ce que peut avoir de pénible pour moi l'exécution d'un pareil ordre, et vous consentirez à m'en dispenser.
« Avec ce ferme espoir, je vous prie d'agréer, Monsieur le Comte, l'expression de mes salutations distinguées. »
     Cinq jours plus tard, le brigadier de gendarmerie demandait de faire prévenir par le garde les habitants de Saint-Vaast que l'autorité allemande leur donnait l'ordre d'enlever des pâtures les fils de fer barbelés, de les rouler et de les déposer à l'école pour le 27 juin.
Il ne devait rester que deux fils de fer unis en clôture.
     Le 6 juillet [1917], le Maire se trouvant dans le bureau du Commandant Von Bernstorff, celui-ci demanda brutalement :
- Allez-vous enfin livrer les fils de fer barbelés ?
Dignement, M. Tauchon lui répondit:
- Chaque fois que l'honneur de la Ville ne sera pas en jeu, j'obéirai. Je préfère être fusillé que vous obéir dans les circonstances actuelles; vous-même le feriez-vous?
Le Commandant s'étant gardé de répondre à cette apostrophe, ne sut que répéter à maintes reprises:
- Vous obéirez, je vous forcerai à obéir

puis l'auteur retrace l'annonce et le départ :

La séance du Conseil municipal du 18 juillet [1917] fut une des plus émouvantes de l'occupation. Le Maire ayant fait promettre à ses collègues de ne pas divulguer, du moins pour cette journée, ce qu'il allait leur dire, s'exprima en ces termes :

« Messieurs,
« Je pars demain matin en Allemagne, par ordre de l'autorité allemande.
« A onze heures, j'ai été appelé par le chef de la Commandature, le Comte Von Bernstorff, qui m'a simplement dit:
« - Vous prendrez demain matin le train pour l'Allemagné.
« - Pourquoi, pour quelles raisons ? J'ai tout au moins à vous poser cette question.
« Silence du Commandant.
« - Je suis âgé, mon état de santé laisse à désirer.
« Silence du Commandant.
« - Je n'ai cependant rien fait de grave? Je n'ai pas contredit vos ordonnances ?
« Haussement d'épaules du Commandant.

« Sans me prévenir, M. Billiet s'est rendu une heure après à la Commandature, mais n'a pas été reçu.
« Pourquoi suis-je devenu tout à coup indésirable?
« J'ai la certitude d'avoir fait mon devoir simplement, sans bravade, sans exagération, mais de l'avoir fait en toute circonstance, avec vous et en m'appuyant sur vous.
« Je suppose que l'ordre a pour cause quelques froissements survenus entre la Commandanture et la Mairie. D'abord, l'incident des fils de fer barbelés, puis celui des agents de police que la Commandature voulait transformer en auxiliaires de sa justice. Peut-être ma lettre écrite relativement au nouvel impôt exigé de la région y a-t-elle été pour quelque chose.
« Bref, demain, à 7 h. 45 du matin, je dois être à la Commandature. Sous la conduite et la garde d'un officier, je prendrai, quelques moments plus tard, le train pour l'Allemagne... »

Pendant quelques instants, les Conseillers restèrent muets d'accablement et de stupeur. M. Lajoie prit le premier la parole, disant que le Conseil ne pouvait laisser partir le Maire ainsi, et proposa. de renouveler la démarche qu'avait faite le matin M. Billiet.
M. le Maire répondit qu'il était très touché de ce sentiment généreux qui ne l'étonnait pas, mais que si une démarche était faite au nom du Conseil, le Commandant pourrait croire que c'était à son instigation.
Il ajouta qu'aujourd'hui moins que jamais, il ne voulait se mettre aux genoux de ces gens-là, et qu'il nous reverrait bientôt, mais qu'avant de nous quitter, il avait tenu à nous serrer la main dans le cercle de l'intimité que formait chacune de nos séances.
M. Mabille de Poncheville, à son tour, tint à dire combien les Conseillers étaient sensibles à l'acte de violence qui atteignait la Ville et le Conseil, autant que son Maire, mais que cet cte honorait grandement notre premier magistrat.

C'est alors que fut prise la délibération suivante:
« Le Conseil municipal de Valenciennes, réuni hors séance, douloureusement affecté de la mesure qui frappe M. le Maire, estime qu'il est de son devoir, et tient à l'honneur d'appeler l'attention de l'autorité allemande sur les graves conséquences que peut avoir dans l'administration de la Ville le départ de son Maire, avec lequel il était en si parfaite communauté d'idées et de sentiments.

« Étant donné, d'autre part, le grand âge de ce vieillard si loyal et si universellement estimé, il prie l'autorité allemande de vouloir bien revenir sur la décision prise, et accéder aux vœux unanimes de ses membres. »
La séance fut suspendue, afin de permettre à M. Billiet de partir immédiatement porter au Commandant cette délibération.
Ces quelques minutes d'attente nous parurent terriblement longues.

M. Billiet n'ayant pas été reçu par le Commandant, nous rendit compte, en ces termes, de son entrevue avec le Capitaine Adjudant de service :
« Toutes les instances en faveur de M. le Maire seraient vaines, car les ordres venaient du Grand Quartier Général.
« Le motif de la déportation était la résistance aux ordres donnés. Le Comte Von Bernstorff, partisan absolu de l'obéissance passive, avait fait lui-même la proposition de sévir. »
Tout en ne donnant aucun espoir, le Capitaine promit de présenter la délibération au Commandant, mais la réponse ne se fit pas attendre: le Commandant confirmait l'ordre donné à M. Tauchon de se trouver le lendemain matin, à 7 h. 3/4 à la Commandature.

Il y eut à ce moment une scène pathétique.
M. le Maire ayant demandé à M. Damien de le suppléer dans ses fonctions de Maire, ce dernier regretta de ne pouvoir accepter, ne se sentant pas les aptitudes nécessaires, ni une pratique suffisante de l'administration pour faire un Maire.
M. Tauchon, se retournant vers M. Billiet, lui demanda de bien vouloir assumer cette tâche.
Très modestement, M. Billiet lui répondit:
« Bien qu'elle soit excessivement lourde, je l'accepte, par déférence et affection pour vous, Monsieur le Maire, et par dévouement pour mes concitoyens. »
Puis le Maire, très ému, serra la main des Conseillers en adressant un mot très aimable à chacun d'eux.

Le jeudi 20 juillet, à l'heure indiquée, M. Billiet accompagna M. Tauchon à la Commandature ; on les fit entrer dans l'ancien cabinet de M. Thiroux, transformé en salle d'attente.
L'officier, qui parlait correctement le français, se présenta, et après s'être assuré de l'identité de M. Tauchon, demanda à M. Billiet s'il désirait se rendre avec M. Tauchon à la gare.
Mais M. Tauchon préféra faire de suite ses adieux, et embrassa M. Billiet.
L'officier fit alors monter M. le Maire dans la voiture du Commandant, et ils arrivèrent seuls à la gare, où on les fit monter dans un wagon-salon, sans que personne ne connût
encore ce départ.

La Commandature nous avait d'ailleurs prévenus qu'à la moindre manifestation, la Ville serait sérieusement punie.
Naturellement, après son départ, le bruit de cette arrestation se répandit comme une traînée de poudre, et ce fut une véritable consternation.

Puis, à dix heures, en ouvrant la séance du Conseil municipal, M. Damien, premier adjoint, s'exprima en ces termes:
« Notre première parole, comme notre première pensée, toute faite de respect, d'affection et de reconnaissance, sera pour notre cher Maire, le Docteur Tauchon, dont le départ si imprévu laisse parmi nous un vide douloureux. Si nous ne pouvons plus désormais nous inspirer de ses conseils et de sa direction, nous saurons néanmoins nous inspirer de ses exemples.
« Je dois vous faire une déclaration personnelle : si mes forces trahissent ma bonne volonté, je n'entends pas me dérober à aucune des responsabilités qui découlent des fonctions auxquelles votre confiance m'a appelé il y a cinq ans. Je signerai avec mon cher collègue et ami Billiet toutes les communications à l'autorité allemande. »
Puis, tous deux se serrèrent la main, se promettant une aide réciproque pour éviter le minimum de souffrances à la population valenciennoise.

Après la réunion du Conseil, M. Billiet porta à la Commandature le certificat délivré par le Docteur Mariage sur l'état de santé de M. Tauchon, et demanda au Capitaine adjoint de
bien vouloir le faire suivre au lieu d'internement du Maire.
Celui-ci répondit qu'il le ferait suivre à Holzminden. C'est ainsi que nous sûmes le nom du camp où il avait été envoyé.

Puis, M. Billiet ayant été introduit auprès du Commandant pour lui annoncer la prise de possession de ses fonctions, lui exprima l'espoir qu'il avait d'éviter tout dissentiment ou tout heurt avec l'autorité allemande.
Le Commandant lui répondit qu'il le souhaitait, et le pria de venir le trouver si quelque chose n'allait pas.
Ajoutons que M. Billiet, jusqu'à la fin des hostilités, se montra à hauteur de la lourde tâche qu'il avait assumée.

     Voici, vu par Lucien FERNEZ, qui parfois égratigne gentiment un certain nombre de Valenciennois dans ses opuscules intitulés "Souvenirs de l'invasion à Valenciennes 1914-1918", publiés dès 1919 où il relate des faits, marquants ou personnels, l'arrestation du Maire, ultime vexation après tant d'autres, comme celle subie dès l'invasion avec l'affaire du Testament de Guillaume .

 

Le Départ
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    La Mairie est située actuellement rue Capron, dans les bâtiments de la Caisse d’Épargne. C'est naturellement là que le Maire se tient à la disposition de ses concitoyens. M. Charles Tauchon était maire avant la guerre et était resté jusqu'à présent le grand manitou de la Mairie. Comme taille il dépasse l'ordinaire, comme âge il a soixante-dix-sept ans ; ses épaules ne sont pas courbées, il a conservé la verticale et malgré tout se porte comme un chêne. Comme physique, un front haut, un nez très accentué en hauteur et au sommet de son appendice nasal est accroché un lorgnon. Les pommettes sont plates, mais une grande moustache et une impériale toutes blanches donnent un certain relief à la physionomie. Figure peu banale, figure qui se maintient dans vos souvenirs et à la deuxième rencontre vous s'écriez tout de suite : c'est Tauchon. Vieux routier, ayant plus d'un tour dans son sac pour la riposte, mais ce qui ne l'a pas empêché un beau jour de recevoir une bombe sur la tête sous forme d'un ordre d'avoir à décamper de Valenciennes dans les douze heures et sans faire de rouspétance. Et voilà pourquoi Charles Tauchon, Maire de Valenciennes a rassemblé mercredi les derniers vestiges du Conseil Municipal. D'une voix grave, émue, émotionnante, il fit à ses chers amis et dévoués collaborateurs des adieux touchants et leur fit promettre de conserver le secret le plus absolu jusqu'à sa complète disparition. Et la simple, imposante, funèbre cérémonie des adieux commença. Ni cierges, si sarcophage, pas d'eau bénite, pas d'absoute. Il se plaça à la porte de sortie et les conseillers, graves et tristes comme le comportent les circonstances, marchant solennellement à la queue leu leu, s'inclinèrent profondément et serrèrent les phalanges de celui qui allait disparaitre.

    Le Jeudi 19 juillet, vers sept heures du matin, heure d'été, une voiture attelée de deux chevaux, débouchait de la Grand'Place, traversait la rue de Paris et s’arrêtait à la gare pour y laisser descendre un Monsieur accompagné d'un officier allemand qui s'engouffrèrent tous deux dans l'embarcadère.

    Et en cet instant précis, un bruit se précisait, courrait, volait de bouche en bouche : le maire de Valenciennes était parti pour l'Allemagne dans un camp d'internement.

    On l'a conduit à la gare : il a disparu simplement sans prendre congé, avec une simplicité spartiate : ni adieux, ni discours, ni fleurs, ni couronnes. C'est fini ! Il a disparu jusqu'au jour de sa résurrection ! Jusqu'au jour où il réapparaitra, lui vieux payen auréolé comme les saints et les martyrs.

Juillet 1917.

 

 

fiche croix rouge
La fiche de la Croix-Rouge

     Le désarroi des Valenciennois se ressent dans cette relation du départ du Maire, qui s'était tant battu pour sa ville. Ce que le narrateur ne sait pas encore, c'est qu'il s'agit d'une déportation de "représailles". Ceux qui iront à Holzminden, ceux qui seront  déporté jusqu'en Lithuanie, dans les camps abominables de Milejgany, Jewie, Roon, qu'on ne peut que comparer aux futurs camps d'extermination, "payent" comme le dit l'occupant, pour une France libre qui ferait à leurs dires subir des outrages équivalents à des ressortissants allemands :

«  Vous n'avez qu'à vous en prendre à la France ! »

     Même si en temps de guerre, il n'y a pas vraiment besoin de raison, l'occupant prétendait bel et bien en avoir une, qu'il avait exposé fin 1916 dans "La Gazette des Ardennes" et qui servit de prétexte aux déportations :

     A leur arrivée en Alsace en 1914, les troupes françaises ont emmené les fonctionnaires impériaux en poste dans les villes sous contrôle de l’armée française ainsi que leur famille. Ceux-ci ont été internés dans des camps en France et en Algérie. De longues tractations ont commencé entre la France et l’Allemagne pour régler leur sort. Afin de faire céder le gouvernement français, les Allemands décident en novembre 1916 de déporter 300 civils du Nord. Ces otages – hommes et femmes – sont choisis dans les mêmes catégories socioprofessionnelles que les Allemands emprisonnés. Parmi eux se trouvent de grands industriels (Prouvost, Pollet, Motte, Masurel, Tiberghien…), des élus, des juristes, des avocats, des médecins… Un début d’accord ayant été signé entre les gouvernements français et allemand, ces premiers otages sont rapatriés en avril 1917.

   Comme les négociations franco-allemandes piétinent, les Allemands procèdent à une deuxième déportation massive (600 personnes) en janvier 1918. Cette fois, seules les femmes sont internées à Holzminden. Les hommes sont déportés en Lituanie dans les camps de Jewie, Milejgany et Roon, dans des conditions bien plus dures : vingt-six d'entre eux y trouvent la mort.

(source : Holzminden: l'histoire par l'image)
 
    Dans le cas de Charles Tauchon, l’occupant prétextera qu'il n'a pas voulu donner les registres d'état-civil, une résistance de trop !
           Le départ du maire s'est fait dans la discrétion, mais on trouve cependant, 6 mois plus tard, des articles de presse qui relatent son séjour, son semi-retour en exil, puis son rapatriement .... manqué !
Extraits de journaux :
Le Petit Parisien du 11 Janvier 1918

Le petit parisien 19180111 p2

 On trouve le même article dans "Le Temps" du 12/01/1918

 

Le Petit Parisien du 1er Septembre 1918

Le petit parisien 19180901 p2

La dépêche de Brest du 4 Novembre 1918

depeche de brest 19181104

 article repris par "Le Cherbourg-Eclair" du 17 novembre 1918

 

Le Petit Parisien du 23 Novembre 1918

Le petit parisien 19181123 p2

 

Le Petit Parisien du 28 Novembre 1918

Le petit parisien 19181128 p2

 

La Presse, du 27 novembre 1918

La Presse 19181127

 

Il figure en couverture du Petit Journal du 17/11/1918, avec le général Horne. LPJ19181117b

PJ19181117

Le 1er Janvier 1919, le Journal des réfugiés du département du Nord, publiera sa lettre au comité central : il avait repris saplace à la Mairie.

Journal des Ref du Nord 19190101

 


 

  •  La tombe de Charles Tauchon au cimetière St Roch de Valenciennes :
P1460024

 

  • Hommage rendu par la municipalité lors des journées du patrimoine 2014 :

    P1030816

    buste
    Oeuvre du sculpteur valenciennois Félix Desruelles

 

. .

  • Le 3 novembre 1918, soit le lendemain de la libération de Valenciennes, paraissait dans "Le petit journal" du parti social français l'article ci-dessous, sous la plume de Jean Lecocq :

    Le Petit journal

 

 

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1 octobre 2013

Marguerite GIBLAT, Infirmière.

 

        Marguerite GIBLAT, Infirmière, qui a officié dans Valenciennes investie de fin août 1914 à fin février 1915 nous a laissé les quelques pages de son carnet de route, sans présentation (elle devait venir d'une autre région) ni information sur ce qu'elle devient en allant vers Mons avec intention de passer en Hollande puis de revenir en France non occupée.

        Son carnet donne des détails sur les premiers jours de l'occupation de Valenciennes, décrivant les peurs et espoirs des citoyens, et bien entendu les conditions de soins aux blessés :

 René Delame la signale parmi les infirmières venant de Paris :

Delame I-253

Elle était probablement l'une de celles citées dans "Le petit Parisien" du 12/08/1914 :

Le_Petit_Parisien_19140812

Depuis la première rédaction de cet article j'ai pu retrouver une partie de sa généalogie :

        Elle est née Marie Désirée Marguerite le 8 septembre 1880 à Chartres (Eure-et-Loir) de François Victor Arthur GIBLAT, Capitaine au 4e escadron du train des équipages militaires (TEM) et de Marie Estelle Léonie ROCHE. Elle décède le 16 novembre 1964 (84 ans) à Paris, 4e arrondissement, au 47 Boulevard de Latour-Maubourg quartier "Invalides" où elle résidait depuis au moins 1926 selon le recensement.

François Victor Arthur GIBLAT, né le 20 mai 1848 à Commercy (Meuse) et décédé à Sceaux le 24/01/1882 (Marguerite avait 15 mois) avait épousé le 5 Août 1879 à Chartres Marie Estelle Léonie ROCHE, née à Rambouillet (Seine-et-Oise) le 16 décembre 1856 et décédée à Paris le 04/08/1925.
François GIBLAT, engagé volontaire en 1865 au 6e Chasseurs, avait participé à la guerre de 1870. Fait prisonnier (à Sedan) le 01/09/1870, il s'évade le 26 septembre, sa fille l'évoque dans son journal (voir ci-dessous). Il quitte l'armée et le 10e escadron du train des équipages le 18/08/1881.

A Noter : Les 3 oncles paternels et un oncle maternel de Marguerite, son également militaires de carrière, 2 sont chevaliers de la Légion d'honneur et 2 ont fait la Campagne 1870-71.

        Un cousin de Marguerite, Arthur Pierre GIBLAT, engagé volontaire en 1899 à 17 ans, a à son actif les campagnes d'Algérie, Cochinchine, Madagascar et Maroc. Réengagé an 1912 au 1er régiment étranger, il fait 4 ans de guerre contre l'Allemagne. Blessé 2 fois, cité 4 fois, il est décoré de la Médaille coloniale avec agrafe Sahara, de la Médaille militaire et de la Croix de guerre avec palme, étoiles d'argent et de bronze.
Il est tué le 2 septembre 1918 à Laffaux.

Lien vers l'arbre généalogique (V.5 du 04/11/2022.)


 

24-8-14. - On entend la canonnade ; les gens filent, filent. Les Allemands sont à Quiévrain. Il paraît que nous avons une défaite à Mons...
On nous a amené 13 blessés à l'hôpital ; peu graves. L'un d'eux m'a tendu sa ceinture :

 Mon père... mon alliance... Si je meurs... la rendre...
Et il s'endort.

Midi... Le gouvernement militaire est parti ; les trains ne marchent plus.
1 heure de l'après-midi. En allant à l'hôpital, je rencontre un soldat cycliste qui a l'air d'un fou :
 Madame, madame, où est le magasin des vivres ; il nous faut des cartouches, ils sont près du pont d'Anzin ; ils vont entrer...
Dans la ville, on ne sait rien.

25-8-14. - 5 heures du matin. L'hôpital est tout sens dessus dessous. Les Allemands sont à Anzin ; dans une demi-heure ils seront ici... Attendons. Je ne quitterai pas mon service, le labora­toire, ni les blessés. Maman décide de rester, elle aussi à l'hôpital, avec moi. Les gens comprennent maintenant ; ils fuient en troupes lamentables ; que sera ce soir ? On dit que des régiments ont reculé en Lorraine. Mère et moi avons apporté nos affaires; il faudra peut-être rester ici ce soir.
10 heures du matin. Le gosse qui me sert arrive, tout pâle :
 M'dame, les Allemands sont à la porte...
 Dis une prière, mon petit, et tiens-toi tranquille... Il est déjà reparti. Il revient à 10 h. et demie :
 M'dame, y z'ont demandé à Léon (le concierge) le chemin de Famars... Monsieur le Supérieur était devant la porte, il leur a répondu qu'on ne savait pas, qu'on était la Croix-Rouge ...
 Alors? ..
 Alors, un chef a dit comme ça « En temps de guerre, y a pas de Croix Rouge ». Y crient comme j'ai pas encore entendu... Sûr que c'est des barbares...
11 heures. Un infirmier arrive de la ville, très pâle ; sa maison est criblée de balles, son plafond effondré, sa famille dans la cave... Il a vu passer les Allemands ; ils ont l'air solides et admirable­ment équipés ; ils paraissent sortir de la caserne : Nous sommes trahis; les blessés d'hier disent que les Allemands étaient cachés chez des habitants et les ont tirés à bout portant... Ils étaient pleins de sang...
Les Allemands ont enlevé les drapeaux français à l'Hôtel de Ville et arboré ceux de l'Alle­magne.

29-8-14. - Nous sommes «Ambulance Allemande» ; c'est affiché... Il y a 40 Allemands éclopés et blessés légers dans la cour ; ils ne veulent pas lâcher leur fusil... On les hospitalise armés, loin des nôtres.
Midi moins dix. Le Lt.Cl. Kinzel, commandant la place de Valenciennes, vient à l'hôpital :
- J'ai dit, hurle-t-il, de donner 2 bouteilles de votre vin par homme pour célébrer le Sedantag !...
Il ponctue chaque phrase d'un coup de cravache sur sa botte.
- C'est donc, dis-je à mi-voix, qu'ils n'ont rien d'autre à célébrer...
Le major Allée me tire par mon voile pour me faire taire :
- Voulez-vous être fusillée? ..

Les Boches ont trouvé à l'Hôtel de Ville un paquet de brochures : le testament de Guillaume, qu'on avait fait saisir sur le marché où je l'ai vu vendre il y a quinze jours ; le maire, le docteur Tauchon, a été condamné à mort ; on le fusillera après-demain si la ville ne verse pas 1 million de rançon demain. Valenciennes est pleine d'Alle­mands ; ils forcent les commerçants à ouvrir leurs boutiques. Les nouvelles sont affreuses : la Bel­gique est toute envahie ; les Zeppelins sur Paris, nos armées écrasées, les Allemands à Compiègne... et les miens? ..


5-9-14. – On reçoit les nouvelles les plus contradictoires: Berlin pris par les Russes, la reine de Hollande prise par les Anglais, les Allemands à Chantilly... Je ne sais que croire...
Ils ont repris leurs blessés pour les envoyer en Allemagne. Le gouverneur Kinzel s'est installé à la gare; il s'y trouve plus en sûreté qu'à l'Hôtel de Ville. C'est bon signe. Ce matin il a fait placarder une affiche: « Quiconque n'aura pas déclaré dans les trois jours les armes et les pigeons sera fusillé; quiconque n'aura pas fait dans les huit jours sa déclaration d'état civil sera fusillé; quiconque ne répondra pas à une sentinelle sera fusillé... »
Fusillé... Fusillé... Fusillé.., C'est un refrain, Le gouverneur est allé hier chez M. Thiroux, fondateur et secrétaire général de la S.S.B.M. (1) de Valenciennes, parce que le drapeau français flottait toujours sur sa maison. Il le questionne, puis :
– Mais, vous tremblez, monsieur!
– J'ai quatre-vingt-onze ans, monsieur. je n'ai jamais eu peur et ce n'est pas devant vous que je tremblerai...
Le gouverneur n'a pas insisté.

7-9-14. – Un soldat blessé est mort à l'hôpital; l'enterrement a eu lieu tout à l'heure; la foule est venue, à 2 heures précises à notre collège où l'on dit l'office. Vers la fin du service la porte s'ouvre à deux battants: en grande tenue, vraiment noble et élégant, affectant d'une manière excessive un profond respect, le colonel Kinzel entre. Il est suivi de deux officiers. Deux soldats allemands tirent d'un carton une couronne très verte à fleurs blanches et mauves. Les officiers sont sanglés dans leurs ceinturons d'or; je regarde le détail des sabres, les casques à pointe d'or avec l'aigle déployé. C'est lourd et splendide.
Au cimetière, Kinzel fait tirer à blanc sur le cercueil. Cabotin, va...

8-9-14. – Nous n'entendons plus le canon de Maubeuge. Que se passe-t-il? Maubeuge s'est rendue... Ce bruit court sur toutes les lèvres...
Midi. On raconte que les forts de Maubeuge ont été repris à la hache par les marsouins et par les zouaves... Oh! Joie! ...
2 heures, après-midi, Maubeuge s'est bien rendue... Alors, c'est vrai, c'est la défaite... Tous les miens, Paris ?.. Et ce Wacht am Rhein qu'ils chantent à longueur de journée... Et ces millions de roues et de bottes qui me passent sur le cœur... Mon Dieu, oh! mon Dieu! ...
5 h. 30. Le gouverneur est venu à l'hôpital; il jubilait ; d'un air épanoui, il a annoncé que quatre généraux et quarante mille hommes étaient pris à Maubeuge.
– Vous avez tout perdu, sauf l'honneur ! …
Idiot, va ! …

Mme Dallé est venue me chercher; c'est ma voisine; elle est délicieuse; elle me dit, avec son parler belge si amusant :
– Tous les hommes pleurent ; viens leur parler... Je suis moi-même toute désemparée, et je cherche à consoler les autres :
– Il ne faut pas pleurer !... Si les Allemands vous voyaient !...
Nous sommes fous de désespoir.

16-9-14. – On ne sait toujours rien. Hier, un avion a survolé Valenciennes, mais nous ignorions sa nationalité. La ville est en état de siège; ils ont placé des mitrailleuses dans tous les coins et placardé des affiches terrifiantes :

« Quiconque conservera chez soi des vêtements de soldats français sera fusillé; »
« Quiconque cachera un soldat français sera fusillé; sa maison sera brûlée. »

C'est la Terreur.

Il y a, pour garder l'Hôtel de Ville, un corps de soldats superbes habillés de vert avec baudriers d'or. Maman a vu passer un général de vingt ans habillé de gris pâle avec bandes groseille; il était entouré de cette garde ; on dit que c'est un fils de Guillaume.

 

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20-2-15. — Je n'écrirai plus rien! ... Prépare­-toi, maman; c'est à Paris que nous entendrons sonner les cloches de Pâques... Un immense colonel de la Kommandatur a dit à M. Paul Dupont:
Puisque la matâme est sehr krank, je donne passeport jusqu'à Mons... Nous n'aurons pas le droit de bouger de Mons... Comptez dessus... Pendant la guerre de 70, père a été fait prisonnier à Sedan. Il s'est évadé... Il est revenu prendre sa place.

— Maman, écoute-moi... Je veux rentrer en France... Je veux encore servir...
— Calme-toi, mon enfant...
— Quand nous serons à Mons, nous pourrons trouver le moyen de nous évader...
— Nous évader?.. Comment, nous évader?...
— Puisque nous ne pouvons pas avoir de passeports pour la France, nous irons franchir la frontière hollandaise. Il paraît qu'il y a des endroits moins gardés.
— Mais tu es folle; les réseaux de fils de fer sont électrifiés... Et puis, tu n'es pas en état de supporter cette fatigue... Il faut d'abord songer à te soigner...
— Maman, je veux m'évader... j'aime mieux une balle que cette agonie... Et puis...
— Et puis quoi?...
— Et puis, nous passerons les renseignements qu'on va nous donner...
— Mais, ma pauvre petite...
— Maman, mon père a été comme nous autrefois... Crois-tu qu'il accepterait de rester prisonnier?...
Maman me regardait, calme, toujours égale à elle-même:

— Ton père parlerait comme ça...

 

 

 

 


 

  •  Le Journal Officiel de la République Française du 18 février 1919 cite Margerite GIBLAT comme récipiendaire de la Médaille d'Honneur des Epidémies attribuée par le Ministère de la Guerre, Médaille d'argent :

médaille

 

 

 

  •  Le Journal Officiel de la République Française du 7 Mai 1920 donne davantage d'explication dans la citation qui accompagne la Médaille d'Argent de la Reconnaissance Française :

 

JO 19200507 p 6823 extrait

   Mlle Giblat (Marie-Désirée-Marguerite), à Paris : infirmière d'élite et d'un dévouement à toute épreuve, s'est consacrée, depuis le début des hostilités, à l'assistance de nos soldats malades ou blessés. A été attachée d'abord à l'hôpital 2 à Valenciennes où, pendant plus de six mois, au cours de l'invasion, elle a prodigué ses soins aux hospitalisés. Prisonnière en Allemagne, est parvenue à rentrer en France après dix-huit mois de captivité. Dès son retour, à repris son service dans les hôpitaux de Paris, donnant tout son temps au service des blessés au prix des plus dures fatigues. Titres exceptionnels.

Cette même citation a été reprise dans le "Bulletin de la Société de secours aux blessés militaires des armées de terre et de mer" du 1er janvier 1920, page 11.

 3mrf

 Médailles de la Reconnaissance Française

 

  • En Janvier 1916, le Bulletin trimestriel de l'Association mutuelle des infirmières de la Société de secours aux blessés militaires signalait :

AMI
sans encore savoir que la déportation attendait l'infirmière, dont le journal à Valenciennes s'arrête en février 1915.

     On peut tenter un décompte en combinant les informations :

  • Août 1914-Février 1915 : 6 mois de service à Valenciennes
  • Février 1915 - Janvier 1916 : 12 mois de déportation
    • En Janvier 1916 elle est rentrée d'Holzminden & Rastadt, le JO de 1920 comptant le séjour dans Valenciennes envahie dans la période de captivité.

 

 

 

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