Les chiens durant l'occupation
LES CHIENS, TAXES ET RÉQUISITIONS
Extraits du livre de René Delame : "Valenciennes Occupation allemande 1914-1918. Faits de guerre et souvenirs" Hollande & Fils ed. 1933
Les réquisitions et l'impôt sur les chiens jetèrent un grand trouble dans la population.
D'abord les Allemands qui étaient grands chasseurs réquisitionnèrent les chiens de chasse et les chiens bergers pour leurs gendarmes, en affichant l'avis suivant:
« Par ordre de la Commandanture, tous les chiens bergers, de garde, chiens-loups, de chasse, doivent immédiatement être déclarés à la Mairie, salle du Tribunal de simple police.
|
Le lendemain une nouvelle affiche paraissait ainsi conçue:
« Les chiens visés dans l'affiche d'hier, et déclarés à la. Mairie, devront être présentés par leurs propriétaires sur le Marché aux Bestiaux, le mercredi 29 septembre, à 10 heures du matin (heure allemande). |
Les Allemands purent ainsi faire leur choix et prendre les meilleures bêtes.
Nous ne pensions plus à ce nouvel ennui, quand l'arrêté suivant fut affiché sur les murs de la Ville, il s'agissait de la perception d'une taxe sur les chiens :
« Dans la région des opérations et des Etapes située en France en supprimant tous les décrets allemands et français relatifs à la taxe sur les chiens, et particulièrement les lois et décrets français du 2 mai 1885, 4 août 1885 et 3 août 1861, il est ordonné ce qui suit : « 1° Tout possesseur d'un chien devra payer annuellement avant le 1er avril 1916, une taxe à la Commandanture du lieu ou d'Etape ou à l'Autorité désignée par elle. « Sont exemptes de cette taxe les troupes, autorisées, et les personnes appartenant ou attachées à l'armée allemande. « 2° Les chiens imposables sont classés en deux catégories : Catégorie I, porte sur les chiens qui gardent les troupeaux, les chiens de trait et ceux de garde proprement dits. Catégorie II, porte sur tous les chiens qui ne sont pas compris dans les catégories suivantes (chiens d'agrément, ou servant à la chasse, etc.), Dans les cas douteux, les chiens sont rangés dans la deuxième catégorie. Les taxes seront fixées par les Commandants en chef des Armées. « 3° Jusqu'au 1er avril 1916, les possesseurs de chiens devront faire une déclaration à la Commandanture du lieu ou d'Etape, ou à l'Autorité désignée par elle. « 4° Le nom et la demeure des contribuables ainsi que le nombre et la catégorie des chiens doivent être inscrits sur un registre spécial de perception. « 5° Les Commandants du lieu ou d'Etape ordonneront la présentation et la visite des chiens pour faire constater qu'ils sont exempts de maladies contagieuses. Ils prendront également les mesures nécessaires pour la guérison ou la destruction des chiens malades. « 6° Dans le cas où les contribuables auraient déjà acquitté la taxe sur les chiens pour l'époque à partir du 1er janvier 1916, en vertu des prescriptions antérieures, il sera tenu compte comme suit des sommes perçues: « a) si la taxe a été perçue à la Commune française, elle sera remboursée par cette dernière. « b) si la taxe a été payée à l'Autorité allemande, elle sera déduite de la somme due en vertu du présent arrêté. « 7° Les Communes recevront un quart du produit des taxes perçues. « 8° Les prescriptions nécessaires à l'exécution du présent arrêté seront dictées par les Commandants en Chef des Armées. En ce qui concerne les territoires occupés de Longwy et Briay, le Gouverneur de Metz se substituera au Commandant en Chef de l'Armée. « 9° Toute contravention aux paragraphes 1 et 3 ainsi qu'aux prescriptions émises par les Commandants en Chef des Armées, le Gouverneur de Metz ou les Commandants de lieu ou d'Etapes, en vertu des paragraphes 5 et 8 sera punie d'une amende jusqu'à 1.500 marks ou de détention jusqu à six semaines ou d'emprisonnement jusqu'à six mois. « De plus le chien pour lequel les prescriptions concernant la taxe, la déclaration ou la présentation n'auraient pas été observées pourra être confisqué ou détruit.
|
« En vertu des paragraphes 2, titre 2 et titre 4, du décret précité, le Commandant supérieur de l'Armée ordonne ce qui suit, concernant le territoire de l'Armée : L'impôt s'élève à
« S'il y a deux chiens appartenant à différentes classes d'impôts, un chien de la première catégorie sera considéré comme premier chien. « Dans les localités ayant 3.000 habitants et au-dessous, une quittance sera délivrée aux contribuables contre paiement de l'impôt, dans les localités ayant plus de 3.000 habitants, les contribuables recevront en outre une plaque d'impôt, qui devra être fixée bien visiblement aux colliers des chiens. « En cas de perte, une nouvelle plaque sera demandée dans les 15 jours au bureau, où le paiement de l'impôt a été fait, en présentant la quittance; la plaque sera remise contre paiement de la somme de deux francs.
|
Cet arrêté fut bientôt suivi de l'avis suivant:
« Comme complément à l'ordre du Général en Chef de l'Armée en date du 7-11-17 il est ordonné ce qui suit : « Tous les Propriétaires de chiens ou personnes qui ont des chiens de garde, doivent pour le 8 mars 1916, déclarer tous leurs chiens en indiquant l'âge, le sexe, la race ainsi que l'usage.
|
Naturellement, cet impôt sur les chiens fut discuté à la séance du Conseil du 28 février 1916.
LE MAIRE. -Nous ne savons si nous pouvons accepter la part qu'il plaît aux Allemands d'attribuer à la Ville.
MABILLE DE PONCHEVILLE. -Le percepteur peut-il recevoir un impôt allemand?
J. BILLIET. -Peut-être s'il s 'agissait d 'un impôt français qu'ils percevaient à leur profit. Mais l'affiche commence par proclamer l'abrogation des lois françaises applicables à la matière.
Donc, c'est un impôt allemand.
M. DOUAY. -Cet impôt est contraire à la Convention de La Haye. Aux termes de l'annexe de cette Convention, l'occupant seulement a le droit de percevoir les impôts d’État et non ceux dus aux Communes.
M. DERRUDER. -Je prie M. le Maire de faire une démarche pour que la taxe ne soit pas exigée en monnaie d’État, mais en bons communaux. Cet impôt, ajoute-t-il, est l'arrêt de mort d'un grand nombre de nos toutous.
UN CONSEILLER. -Les Allemands préfèreront 30 marks à la mort d'un chien. Cependant la vie humaine ne comptant pas pour eux, pourquoi voulez-vous qu'ils ajoutent plus de prix à la vie d'un caniche?
Cependant la plupart de nos concitoyens préférait tuer les chiens plutôt que de verser de l'argent aux Allemands. Aussi, les vétérinaires eurent-ils fort à faire.
Comme l'en avait chargé le Conseil, M. le Maire avait adressé à la Commandanture la lettre suivante:
« Valenciennes, le 1er mars 1916, « Monsieur le Colonel,
|
La Commandanture envoya la lettre avec l'inscription suivante au dos:
« Retourné à la Mairie de Valenciennes, conformément à l'ordonnance de la VIe armée du 7 février 1916. Toutes les lois et ordonnances relatives à la taxe des chiens sont annulées. Il faut alors suivre exactement les prescriptions de la Commandanture.
|
L'abbé Eberlé, qui était officier avant d'être prêtre, logeait depuis un an chez ma sœur, Madame Delcourt, 50, rue de Paris. Il lui fit demander si l'acquisition d'un petit chien ne lui serait pas désagréable.
Comme elle était gravement souffrante, elle lui fit répondre que cela lui déplairait beaucoup. Mais l'abbé Eberlé d'ajouter: « Eh bien! à moi, cela me serait très agréable! »
Il se rendit chez le vétérinaire, M. Poutrain, pour faire son choix, mais les chiens manquaient, ils venaient d'être tués, il se rejeta sur le roquet jaune du gardien du square Watteau, lequel voulait s'en défaire, ne pouvant payer la taxe exorbitante de 30 marks. L'abbé Eberlé, en allant dire sa messe chaque matin à St-Géry, l'avait remarqué et pris en affection. C'est ainsi qu'il l'installa chez Mme Delcourt où il se comporta d'ailleurs très bien.
Au 10 mars, il restait dans le périmètre de Valenciennes 925 chiens qui avaient été déclarés, ce qui était encore beaucoup trop.
AVIS : DESTRUCTION DES CHIENS
« Il y a lieu de croire qu'à la suite de l'introduction de l'impôt des chiens, un certain nombre de propriétaires de chiens veulent se débarrasser de leurs chiens en les tuant.
« Signé: PRIESS ». |
A la séance du Conseil municipal du 17 mars 1916, le Maire nous dit qu'il a cru devoir faire un retour en arrière sur la taxe des chiens. Il est pénible, dit-il, à la Municipalité de faire percevoir cette contribution par les bureaux de l'Hôtel de Ville. Aussi, a-t-il adressé à la Commandanture une nouvelle note dont voici le texte :
« Valenciennes le 17 mars 1916
|
M. BOUILLON. -Il faudrait d'abord ne pas s'immiscer dans la perception. Il ne peut être question de toucher ce quart pour le remettre aux: propriétaires des chiens. Ceux qui ont fait passer leur amitié pour les chiens au-dessus de la haine pour l'Allemand ne sont pas intéressants.
M. DOUAY. -Encaisser une quotité quelconque de la taxe, ce serait ratifier l'abus commis. Il faut refuser, puisque la, taxe perçue, contrairement aux conventions internationales doit être pour le tout sujette à répétition.
Le Conseil, après en avoir délibéré, décida d'encaisser la part de la taxe mise à la disposition de la Ville par l'autorité allemande, pour la tenir aux ordres de l'Etat français.
Puis, comme pour les chevaux, il y eut la revue des chiens, comme l'indique l'affiche suivante ainsi conçue :
REVUE DES CHIENS
« Complément à l'ordonnance du 29 février 1916 « Etappen-Kommandantur 6/JIV 130. |
Ceci prouve que la Commandanture ne tint aucun compte de la lettre du Maire du 17 mars 1916.
Un ordre du 20 mars 1916 vint d'ailleurs confirmer l'établissement de la taxe, bien qu'elle fut contraire au droit international.
Ce qu'il y avait de plus pénible encore, c'est que les Mairies étaient tenues d'en assurer le recouvrement.
« Etappen-Kommandantur 6/JIV « PRIESS, |
Le 26 mars 1916, le capitaine Kolb parla à M. Billiet de la perception de cette-taxe; lui disant qu'il donnait ordre à la Mairie d'en faire le recouvrement.
M. J. BILLIET lui répondit que cela ne se faisait pas ailleurs. Le capitaine termina l'entretien en disant : « Trouvez un moyen, c'est à vous d'en faire la perception ».
M. le Maire en fut naturellement très ennuyé, ayant fait le nécessaire pour ne pas exécuter cet ordre. Mais sans se décourager il tenta une dernière démarche, à la suite de laquelle, il reçut la lettre suivante :
« Etappen-Kommandantur 6/XIV. « PRIESS. » |
En effet, à la suite de cette lettre, la Ville recevait de la Commandanture l'ordonnance suivante :
« Valenciennes, le 2 avril 1916. « KOLB, |
A la suite de cette lecture, le Maire nous dit:
« Nous avons résisté autant qu'il était possible de le faire :Nous avons la main forcée.
M. DERUDDER. -M. le Maire, vous avez fait votre devoir jusqu'au bout en protestant vivement contre cette taxe, mais puisqu'elle doit être perçue, je regrette que M. Fournier, notre receveur municipal qui a toujours bien mérité de la Ville et de la Patrie soit chargée de cette perception humiliante. J'estime qu'il faudrait lui épargner cette peine, et faire recevoir cet impôt allemand par quelqu'un de ceux qui n'ont pas assez compris leur devoir de citoyen. .
M. BILLIET. -L'ordre des Allemands est formel, la perception doit être faite par le fonctionnaire attribué.
C'est un petit employé, et non M. Fournier qui fera le service, mais la même obligation subsistera toujours d'effectuer ce service à la Mairie. Pour faire suite à la perception qui eut lieu dans la salle de simple police, la Commandanture faisait afficher l'avis suivant:
TAXE SUR LES CHIENS
« Les personnes qui ont acquitté l'impôt sur les chiens sont priées de se présenter à la Mairie (Tribunal de Simple police) munies de leurs quittances pour y prendre la plaque de contrôle.» |
Pour les personnes qui avaient conservé leur chien, n'ayant pas de monnaie d’État, la Commandanture fit paraître les deux avis suivants :
« Etappen-Kommandantur 6/XIV. « PRIESS. » |
Les propriétaires des chiens, qui n'ont pas encore acquitté l'impôt faute d'argent d'Etat sont exceptionnellement autorisés à effectuer le paiement en bons de ville, à condition de le faire avant le 29 avril 1916. |
Puis, les Allemands arrêtèrent tous les chiens qui n'avaient pas leur plaque pour les conduire en fourrière. Mais beaucoup de propriétaires, ne voulant pas s'acquitter de cette taxe, préférèrent les noyer. Aussi, la Commandanture adressa-t-elle à la Mairie, la lettre suivante :
« Etappen-Kommandantur 6/XIV. |
Cette dernière note mit fin à cette question des chiens, mais la perception continua à se faire régulièrement.
- On trouve un décret sur ce sujet dans le
du 16 Mars 1916.
- En Mai 1916, une affiche parut à Artres, on pouvait récupérer la peu de l'animal..... :