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Les civils du Valenciennois dans la Grande Guerre 1914-1918
5 mai 2011

Les fusillés du 327

LES FUSILLES DU 327° Régiment d'Infanterie

 

Une fois de plus je déroge à la règle des civils, mais il s'agit du régiment de réserve de Valenciennes :

Le JMO du 327° RI est muet sur ce sujet, par contre celui de la 51° Division situe l'action le 6 septembre 1914 :
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le 7 septembre 1914
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 L'inventaire de la BDIC permet de retrouver les noms des 7 condamnés, et les fiches MDH de compléter avec les prénoms ; depuis, le site mémorialGenWeb a mis en ligne pour chacun une fiche que je reprends ici avec leur aimable autorisation :
 

  • BARBIEUX Eugène :

 

  • CAFFIAUX Gabriel :

 

  • CLEMENT Palmyr :

 

  • DELSARTE Alfred :

 

  • DUFOUR Gaston :


de Lecelles,

son nom figure au monument aux morts, et sa photo est sur le mur de l'enclos funéraire de Lecelles :

murplan.jpg (961646 octets)
Cliquer sur l'image, puis sur chaque photo

 

GDUFOUR[1]


 

  • HUBERT Désiré :

 

  • WATERLOT François :

 


 

  • Il ne vous aura pas échappé deux dissonances dans les dates de décès : 
    • CLEMENT Palmyr, décédé le 9 septembre "de ses blessures", ce qui est peu habituel lors d'une exécution qui a eu lieu le 7 ! ( voir au bas de cette page)

    • WATERLOT François, décédé le 10 juin 1915 : surnommé "le fusillé vivant".

 
Voici l'extrait correspondant du livre du Gal BACH
Cliquez pour agrandir
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Quant à HUBERT Désiré, son nom figure sur le monument aux morts de la commune de Trith St-Léger(Nord),

Trith St Léger

Afficher l'image pour la taille réelle

Cité qui lui a rendu hommage dans la revue locale à partir des données du livre de Odette Hardy-Hemery.

HDTrith_1_

 
Cliquez pour agrandir

  • La carte du secteur , tirée du JMO de la 101e Brigade.(Zone Lachy-Les Essarts)

http://duboischoulik.free.fr/327RI/Sezanne101Bdet.gif(Click!)

  • Certains sont déclarés MPLF aux Essarts (B) pourquoi d'autres le sont au combat de Corfélix-Culot(s) (C) ????

http://duboischoulik.free.fr/327RI/lachyessartscorfelix.jpg
et aussi de Barbonne au sud de Sézanne cette fois.... Pour brouiller les pistes  :??:  ??
(Quant à Clément "hôpital mixte d'Orléans-Loiret" le 9, c'est logique, mais qu'était-il donc marqué sur sa fiche d'admission ???)

  • Général de brigade René-Auguste-Emile Boutegourd (1858-1932) : Chevalier puis Officier puis Commandeur puis Grand Officier (06/07/19), chef de la 51e division de réserve (I), puis chef de la subdivision de Châtellerault et de la subdivision de Tours (I) (III), puis chef de la brigade territoriale B du secteur Nord de la région fortifiée de Belfort puis devient 214e brigade (I). [Avant la guerre: 42e brigade d'infanterie et subdivisions de région de La Roche-sur-Yon et de Fontenay (09), 41e brigade d'infanterie et subdivisions de région de Nantes et d'Ancenis (10, 11, 12, 13, 14).] [Après la guerre: en réserve.] (d'après genealogie.free)

 

  • Le procès en réhabilitation s'est tenu en 1926, tous seront réhabilités le 22 décembre 1926 par un arrêt de la Cour d'Appel de Douai (réhabilitation des "Fusillés du 327e")

 

  • Références/sources : 
    "Triscope" N°6 , Trith St-Léger Décembre 2006 
    "Trith Saint Léger du premier âge industriel à nos jours" de Odette Hardy-Hemery. Editions Septentrion presses universitaires.
    "Fusillés pour l'exemple 1914-1915", Général André BACH edts Tallandier, pp 247&248

 

  • Fusillés de la Grande Guerre. Campagne de réhabilitation de la Ligue des Droits de l’Homme. 1914-1934 [F delta 1836] INVENTAIRE, Nicolas Veysset Nanterre B.D.I.C. Février 2005
  • SGA/Mémoire des hommes
          Il est à noter que seuls BARBIEUX, CAFFIAUX, CLEMENT, DELSARTE et HUBERT figurent dans la base des fusillés, il n'y a aucun dossier de jugement disponible et pour cause,  seulement une mention ""

  •  L'histoire des fusillés et principalement de WATERLOT est l'objet du livre d'Odette Hardy-Hemery "Fusillé Vivant"

9782070138111[1]

  • Un article, paru dans l'Humanité le 27/11/1921 :

L'HUMANITE 19211127 article 327(Cliquer pour agrandir, puis "afficher l'image")

  • Un second, toujours d'ans l'Huma, dans l'Humanité le 27/11/1921

 

Huma 19220510b

 

 

  • Au cimetière de Moeurs-verdey (Marne) une plaque rappelle leurs noms près du monument aux morts :

 

51-Moeurs Verdey plaque
(Photo J-F Python)

 

 

  •  Concernant CLEMENT Palmyre,  son décès (réel) a nécessité un jugment du Tribunal de Première Instance de Valenciennes le 19/09/1934, transcrit ensuite à Saint-Amand-les-Eaux :

    • Attendu qu'un acte de décès dressé par DELBECQUE Auguste officier de détail au 327eRI constate que le soldat CLEMENT Palmyre du 327e RI né le 23/02/1884 à Château l'Abbaye (Nord) (...) est décédé aux Essarts (Marne) le 7/09/1914. (...)
      Attendu qu'il résulte d'une enquête diligentée par M. le Ministre des Pensions que c'est à tort que cet ex-militaire fut porté décédé le 7/9/1914 aux Essarts. Qu'en réalité ce militaire ne fut que blessé à ces lieu et date ; transporté dans un train sanitaire, décéda en cours de route le 9/09 : son corps déposé à l'hôpital mixte d'Orléans fut inhumé au cimetière de cette ville, tombe 34. (...)
      Attendu que le soldat CLEMENT était encore vivant quand a été dressé le 7/09 l'acte de décès transcrit à St Amand
      .
      Qu'il y a lieu en conséquence de rectifier l'acte de décès .....

    La date du 7 septembre, et le lieu (Les Essarts), correspondent à l'exécution.

  •  Les Cahiers des droits de l'homme n° 16, du 10 juillet 1927, p. 372.
    Arrêt de la Cour de Douai.

    Rehab 01 Rehab 02

 

 

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19 avril 2011

Prisonniers Russes

Extraits du livre de René Delame : "Valenciennes Occupation allemande 1914-1918. Faits de guerre et souvenirs" Hollande & Fils ed. 1933

 

PRISONNIERS DE GUERRE



1er mai 1915. - Mille prisonniers Russes arrivent et sont logés à la caserne Vincent. Ce sont des hommes bien bâtis, qui viennent travailler à la démolition des usines, réparer les routes et s'occuper des travaux des champs.
D'autres arrivent à Trith pour charger les minerais qui sont expédiés à Hambourg.
Ceux-là sont dans un état pitoyable, les uns avec des manteaux anglais, d'autres avec des képis français : ils font peine à voir.
Ces malheureux meurent de faim et demandent : " Pain! Pain! " Sur la route, les braves gens qui veulent partager avec eux sont brutalement repoussés par les Allemands. On mettait parfois avec intention, dans les bacs à ordures, devant les portes, des morceaux de pain sur le passage de ces malheureux prisonniers ; mais dès qu'ils voulaient s'en emparer, les soldats allemands les repoussaient avec brutalité.

Le 22 Juin 1915. - Nous arrivent 1.500 prisonniers, dont la plupart sont Russes. Ils viennent faire la moisson, et sont, comme tous ceux que nous avons vus, dans un état lamentable.

Le dimanche 27 juin 1915. - Nous arrivent 250 prisonniers venus de Havelburg. La dévouée Mme Besnard passa la matinée avec ces malheureux, qui étaient dans un état pitoyable. Ils étaient partis du camp le lundi, s'étaient arrêtés deux jours à Malmédy, pendant lesquels ils n'eurent pour toute nourriture qu'un peu de café et un morceau de pain. Ils seraient morts de faim si ce séjour s'était prolongé.
Dans ce camp, ils étaient environ 7.000 : Russes, Polonais, Belges, Anglais. Ils n'y étaient pas trop maltraités, mais souffraient de la faim, étant trop faibles pour travailler.
Rien ne peut décrire l'état de saleté dans lequel ils se trouvaient. Chemise usée, sans couleur, vêtements déchirés, souliers éculés, enfin la misère la plus complète.

Le mardi 9 novembre 1915. - M. Guérin étant de passage à Valenciennes, nous dit qu'il rentrait de Berlin où il était allé traiter avec le Gouvernement allemand l'échange de prisonniers. Il avait pu visiter cinq camps, et avait trouvé nos compatriotes en assez bon état, mais seulement lorsqu'ils recevaient des colis, car la nourriture était insuffisante. Le ravitaillement des Anglais était, par contre, très bien organisé, les prisonniers étant nourris par le régiment auquel ils appartenaient. Par contre, les pauvres Russes n'étant aidés de personne, étaient dans un état lamentable. M. Guérin avait pu faire changer quelques chefs, vraiment trop durs avec leurs prisonniers.

Janvier 1916 -ENFANTS DE FRANCE


Voici une petite histoire qui mérite d'être contée : elle est bien française dans sa courageuse simplicité.
Un groupe de prisonniers russes, hâves, décharnés, misérables, traversait les rues de Vieux-Condé au moment où les garçons entraient à l'école, ayant presque tous leur goûter en mains.
Les pauvres prisonniers mourant de faim, en voyant leurs tartines, ne purent s'empêcher d'exprimer leur fringale par le geste. Il n'en fallut pas davantage pour toucher le bon cœur des petits écoliers. D'un élan spontané, tous ceux qui avaient des tartines se précipitèrent et les donnèrent aux prisonniers, bien que ce fût défendu. Les soldats de l'escorte les chassèrent et, comme une nuée de moineaux effarouchés, ils disparurent dans la cour de l'école.

A peine y étaient-ils entrés qu'un sous-officier allemand y fit irruption et, d'une voix terrifiante, leur cria en mauvais français : " Qui a donné du bain aux prisonniers? Lefez la main, ceux-là iront en prison ".
Sans hésiter, tous levèrent la main.
L'Allemand, un peu déconcerté par cette généreuse unanimité, hésita, puis, d'une plus forte voix encore, reprit : " Ah! fous avez tous tonné du bain ; levez la main ceux qui promettent de ne plus en tonner aux Russes, les autres iront trois jours en prison ".
Pas une main ne se leva.
L'Allemand, cette fois, fut stupéfait, et leur infligea à tous trois jours de prison dans l'école. Calmes comme de vieux braves, sans baisser la tête ni les yeux, un petit sourire bien français au coin des lèvres, tous les écoliers croisaient les bras sans plus attendre, et firent leur punition sans murmurer!

PRISONNIERS RUSSES -1916


Le 4 mars 1916, j'assistai à un bien triste spectacle sur la place des Tramways.
Trois cents prisonniers Russes qui, depuis trois jours, étaient enfermés dans nos Académies, mourant littéralement de faim, attendaient le tramway pour aller travailler à la démolition des usines dans les environs. Immédiatement, sans se préoccuper des représailles, les commerçants et les personnes présentes donnèrent ce qu'ils pouvaient à ces malheureux affamés qui se battaient pour ramasser ce qu'on pouvait leur jeter. Heureusement, aucun incident ne se produisit, tandis que la veille, à Saint-Saulve, en face de la propriété de M. Ch. Dubois, une femme ayant donné au passage un morceau de pain à un pauvre prisonnier, fut sur-le-champ rouée de coups, à la grande indignation des passants, qui ne purent intervenir.
Le lendemain, voulant voir ce qui s'y passait, je pus entrer aux Académies. Ces misérables Russes attendaient avec patience leur pauvre pitance. La cour était transformée en cuisine ; une grande chaudière étant enterrée dans le sol, le tirage se faisait par une cheminée improvisée.
Afin de ne rien perdre, le cuisinier, à plat ventre, ramassait le fond de cette chaudière crasseuse.
Dans les salles des Académies, de la mauvaise paille leur servait de litière. Aussi, vivaient-ils dans une saleté repoussante.
Le Maire, M. Tauchon, fit, à la suite de ces scènes déplorables, une démarche auprès de la Commandature, afin de permettre à la population de remettre des vivres aux Russes affamés.
Une jeune femme, causant le russe, put leur parler, et ces malheureux décrivirent la situation lamentable dans laquelle ils vivaient, ayant été quatre jours sans manger avant l'arrivée à Valenciennes.
Mais le commandant ne se laissa pas convaincre, et rien ne fut changé à la situation.
Ces prisonniers Russes furent employés par les Allemands pour abattre les arbres dans la forêt de Raismes. Sur l'ordre de la Commandature, à partir du lundi 20 mars, à midi, les prisonniers civils en détention préventive au patronage Saint-Nicolas et à l'Hôtel de Ville furent nourris aux frais de la Ville.

PRISONNIERS RUSSES -1917


Le lundi 23 janvier 1917, les écoles du faubourg de Lille furent réquisitionnées, après avoir licencié les élèves, pour recevoir quatre cents prisonniers Russes. Ils arrivèrent par un temps glacial, dans un état lamentable, pour travailler au quai d'embarquement de Saint-Saulve et à la nouvelle voie raccorl1ant la ligne de Quiévrain à celle de Maubeuge, sans passer par la gare de Valenciennes : ils devraient ensuite coopérer à la destruction des usines.
A Saint-Saulve, les écoles furent également licenciées pour en recevoir deux cents ; en même temps, arrivaient au Poirier deux cents ouvriers civils pour extraire du gravier.
Les prisonniers Russes de Saint-Saulve, sans feu et sans nourriture, furent très particulièrement éprouvés. Ils ramassaient les pommes de terre pourries et les tiges de choux en bordure des champs, car ils mouraient littéralement de faim.
Voyant M. Grosjean, mari de l'institutrice, couper une betterave pour ses lapins, ils la lui demandèrent pour la manger crue. Ils étaient en haillons, et la plupart les pieds nus dans des sabots. Malgré leur mauvais état de santé, ils devaient marcher, car les soldats qui les escortaient les frappaient avec leur sabre.
Indignée, une dame ne put s'empêcher de leur dire : " Sales bêtes ". Son nom fut relevé, et elle fut punie sévèrement.
Dans l'impuissance où nous étions de les soulager, et ne pouvant les approcher, quelques personnes compatissantes jetaient du pain sur leur passage, lorsqu'ils se rendaient au travail. Ce fut alors des scènes terribles : ces hommes se battaient comme des sauvages pour ramasser ces quelques morceaux de pain.
Dans la nuit du 26 janvier 1917, quelques-uns, mourant de faim, escaladèrent le mur de l'école du faubourg de Lille où ils étaient enfermés, et se battirent avec le poste qui, ayant reçu du renfort, les fit rentrer à coups de crosses.
Partis mille de Russie, ils n'étaient plus, quelques semaines plus tard, que six cents.
A la suite de ces privations, six moururent à l'école de Saint-Saulve, au milieu de leurs camarades, sans recevoir aucun soin : deux des cadavres restèrent toute la journée du dimanche 28 janvier 1917 dans le couloir de l'école, exposés sans cercueil.
Les membres de la Croix-Rouge française ayant été avertis qu'à quatre heures avait lieu l'enterrement des deux Russes, se rendirent à l'Hôpital ; mais il fut impossible de trouver les corps, et ils durent rentrer chez eux.
Ces prisonniers étaient dans un état lamentable ; leurs vêtements étaient en lambeaux, ils les raccommodaient comme ils pouvaient avec des morceaux de couvertures retenus avec des ficelles, qui laissaient voir leurs membres à nu.
A Denain, le commandant défendit également que la population leur vînt en aide, prétextant, ce qui était faux, que le gouvernement russe avait laissé mourir de faim mille sept cents officiers allemands.
Tous les jours je voyais passer devant moi ces malheureux Russes, se soutenant les uns les autres, alors qu'ils revenaient de Trith où ils travaillaient au démontage des usines du Nord et de l'Est, ce qui leur faisait chaque jour plus de 15 kilomètres de chemin. A les voir, on se serait cru au temps le plus reculé de l'esclavage. Il est impossible de décrire ce groupe d'infortunés, encadré de soldats allemands, suivis de gendarmes chargés de faire un procès à quiconque leur parlerait ou leur porterait secours.
En sortant, je rencontrai justement un agent de police portant des feuilles où étaient inscrites les condamnations de la justice allemande, car pour ménager leurs hommes, nos agents étaient obligés de faire signer aux intéressés les jugements qui les concernaient.
Sur l'une de ces feuilles, je lus : " Mme Derrenbourg, femme Lemaire, est condamnée à cent marks d'amende pour avoir voulu donner de l'argent aux prisonniers Russes qui passaient. "
Sur une autre :
" Mme Bare, Célestine, est condamnée à cent cinquante marks d'amende pour avoir donné un morceau de pain aux prisonniers Russes qui passaient. ".

Le 13 février 1917, sur le pont Jacob, passait un groupe de prisonniers Russes, encadrés de soldats allemands. Les regardant passer, la jeune Dufont, âgée de seize ans, habitant le coron Miroux, mangeait un morceau de pain, Les prisonniers, affamés, regardaient avec convoitise cette " tartine " La jeune fille s'en aperçut et voulut la leur donner, mais le gendarme l'en empêcha, lui disant :
" Prison ".
Elle lui répondit : " Égal ", et la leur donna quand même.
Elle fut condamnée à trois semaines de prison. Que de braves enfants comme elle auraient droit à la reconnaissance française!
Chaque fois que je voyais passer ces malheureux, j'avais l'âme remplie de tristesse. Il se forma alors un Comité pour essayer de les soulager et leur venir en aide.
Tout ceci prouve bien la lâcheté et la morgue du Haut Commandement allemand, qui n'eut jamais osé traiter pareillement des prisonniers français, anglais ou américains, ceux-ci auraient pu se défendre et agir de représailles, tandis que les Russes étaient abandonnés de tous.

PRISONNIERS MASSACRES


Les prisonniers Russes qui démontaient les usines étaient de plus en plus malmenés ; c'est ainsi que le 9 mars 1917, l'un d'eux se rendant à l'usine du Nord et de l'Est, s'étant écarté de son groupe d'une dizaine de mètres pour prendre un morceau de pain, fut appréhendé par la sentinelle. Le malheureux se mit à genoux pour s'en excuser et, au moment où il relevait la tête, Je soldat le mit en joue et le tua à bout portant. Il fut transporté à l'hôpital sur une brouette, sans même être recouvert.

RAVITAILLEMENT DES PRISONNIERS


Le 15 mars 1917, nous voyions arriver de Belgique quatre cents ouvriers civils qui venaient démonter les usines. Par ironie, ils avaient mis leur chapeau haut de forme : ils furent dirigés sur Marly, encadrés de soldats allemands. En juin, la ville recevait pétitions sur pétitions venant de différentes communes, demandant à ce que l'on secourût les prisonniers Russes et Anglais, qui étaient dans un état lamentable et que l'on ne pouvait approcher. A Condé, M. Pureur réclamait pour cent cinquante Russes qui étaient dans la misère la plus complète ; à Denain, trois cents Anglais mouraient de faim. Un jour, une femme mangeait un morceau de pain sur sa porte : un Anglais se précipita et le lui prit des mains pour le dévorer. La sentinelle roua de coups cette femme et la mit en prison. A Raismes, quatre cent soixante-huit Anglais étaient également dans la plus grande détresse. Les habitants essayèrent par tous les moyens possibles, au risque d'être mis en prison, de soulager ces martyrs, ce qui fut très difficile et périlleux.

Le 26 juin 1917, arrivaient à Saint-Saulve, cent cinquante Anglais mourant littéralement de faim. Ils furent logés dans les écoles, les maisons voisines ayant été évacuées afin d'empêcher toute communication. Une femme qui voulut leur passer un paquet de cigarettes fut mise en prison pour vingt-huit jours. Tous faisaient peine à voir ; les Anglais, avec leurs vêtements en lambeaux, ne se laissaient pas abattre comme les Russes, et ils relevaient la tête avec fierté lorsqu'ils se rendaient au travail, encadrés de soldats allemands. Nous les admirions, mais nous étions très attristés de ne pouvoir leur venir en aide.
A Saint-Amand, le jeune Lartoir, âgé de treize ans, fut condamné à vingt et un jours de cellule, au pain et à l'eau, pour avoir donné une cigarette à un prisonnier. Il fut si malmené dans son cachot, qu'il rentra chez lui dans un état lamentable.


A la réunion du Comité régional du 19 août 1917, la question du ravitaillement des prisonniers prit une telle proportion, MM. Turbot et Branquart durent intervenir, tout en nous laissant une grande latitude pour leur venir en aide.
M. Turbot avoua que la question était vraiment très difficile à résoudre.
M. Pureur ajouta qu'à Condé, les prisonniers Russes et Anglais étaient couchés sur des copeaux ou sur des lits de fer, dont les ressorts les martyrisaient les côtes. Deux cents vingt-cinq d'entre eux étaient déjà morts ; trois ou quatre succombent chaque jour d'inanition. Nous sommes obligés de leur venir en aide, en leur faisant une soupe dont les gardiens profitent. Nous ne pouvons cependant pas laisser mourir de faim tous ces malheureux qui se sont battus pour nous.
" Hier, ajouta-t-il, je me trouvais à la gare de Condé où les Russes embarquaient des chevaux. A proximité, se trouvait un champ de choux-navets, sur lequel ils se jetèrent comme des affamés. "
M. Davaine dit qu'à Maulde, les malheureux prisonniers avaient la dysenterie et qu'il y avait parmi eux une très grande mortalité.
M. Turbot termina la réunion en disant qu'il y avait là en effet une question d'humanité, que le Comité de district s'en rapporterait à la probité des Maires, qui établiraient une comptabilité régulière.

AMÉLIORATIONS DU STATUT DES PRISONNIERS


Le 15 novembre 1917
, les officiers qui nous arrivaient du front d'Ypres, nous apprirent que le nombre des morts était effrayant des deux côtés, mais que leur succès sur les Italiens et la révolution russe, leur avait rendu le courage et la confiance qui commençaient, avouaient-ils, à s'ébranler.

En effet, nous remarquons que les prisonniers Russes étaient désormais mieux nourris, et qu'on leur procurait des vêtements : on semblait en un mot, ne plus les considérer comme des prisonniers de guerre.
Par contre, nous voyons passer en gare les malheureux prisonniers anglais, à peine vêtus par ce grand froid, et sans chaussures. Ils allaient, paraît-il, en Allemagne, un accord étant survenu entre les puissantes belligérantes pour que les prisonniers ne soient plus envoyés sur le front.
 
 


 

  •  A ces témoignages je peux rajouter celui de ma mère qui habitait "La Briquette" avec ses 3 soeurs et leur mère, mon grand-père ayant choisi de traverser les lignes en septembre 1914 pour rejoindre les troupes françaises ; en 1916 un des camps de prisonniers devait être voisin de leur maison, car elle racontait avoir été leur porter un peu de nourriture, ma grand'mère ayant été mise en joue à cette occasion par une sentinelle.


  • Les prisonniers Russes ne disposaient, pour remercier ceux qui osaient leur venir en aide, que de menus objets de bois, réalisés au couteau à partir de morceaux de bois de petite taille. Ma famille a conservé ceux que ma mère et mes tantes ont reçus :

    oiseau

    crucifix_R__
      crucifix_V__
    Le verso porte la date : 1916 et le nom du prisonnier en cursives cyrilliques, qui pourrait être Костецкий Иван décédé le 29/03/1918 (seul le prénom est certain)

  • Un certain nombre de ces prisonniers sont inhumés au cimetière St Roch de Valenciennes entre le cimetière britannique et le carré français :
    p1060010_1_

    • Un monument est dédié à "CEUX QUI ONT DONNE LEUR VIE POUR LEURS AMIS 1914-1918" ; une plaque a été rajoutée en 2012
    P1010428

    P1460946

    • Il remplace un monument original, inauguré en 1927 avec participation du Metropolite Euloge et de l'Ataman Bogaewsky des Cosaques du Don, et dont on ne sait ce qu'il est devenu (détruit lors de la 2nde Guerre ?)
      sever01 sever02  sever03

    • Les 212 tombes du cimetière,  marquées "MORT POUR LA PATRIE"  de 3 Roumains et 207 Russes dont 3 sous-officiers, ainsi qu'1 Hongrois et 1 Serbe inhumés en 1943 (tombes 18bis et 36bis). (photos de l'auteur).

       tombes russes

    • Suit la liste selon les n°s de tombe : 17 d'entre eux n'ont pas de date de décès précise, l'un des soldats Roumains est inconnu. Les informations de la plaque tombale ont été recopiées à l'identique, j'y ai ajouté le nom en cyrillique tel que le donne le site russe mentionné plus bas. (photo sur demande)

    • A noter que 2 tombes ( la n°9 et la 204) portent strictement la même inscription : "MUSTEKISCH Joseph, SOLDAT RUSSE, 01/03/1917"
      Peut-être l'une des 2 contient-elle le corps du soldat qui figure seulement dans la liste russe "Круг Эмилий  : KRUG Emile 01.04.05 пленный" (captif)


    Nom Prénom ФИО Inscription Date de décès n° de tombe
    POLONSKI   Полонский SOLDAT RUSSE 1914-1918 1
    SIMACHER   Симахер SOLDAT RUSSE 1914-1918 2
    KOTOWITSCH Fr. Котович Фр. SOLDAT RUSSE 13/05/1916 3
    POLAKOW Gregori Полаков Григорий SOLDAT RUSSE 31/05/1916 4
    JAKOLOW Alexy Яколов Алексей SOLDAT RUSSE 25/03/1917 5
    SELEZNEOW Peter Селезнев Петр UTFFZ. RUSSE 1914-1918 6
    JAMENEKO Lymitri Яменеко Димиртий PRISONNIER GUERRE RUSSE 05/12/1916 7
    BARANZEWITSCH Semen Баранцевич Семен GEFR. RUSSE 14/03/1917 8
    MUSTEKISCH Josef Мустекич Иосиф SOLDAT RUSSE 01/03/1917 9
    SCHIPILOW Simon Шипилов Семен SOLDAT RUSSE 25/03/1917 10
    SIBIROW Iwan Сибиров Иван SOLDAT RUSSE 24/11/1917 11
    GLEISER Anton Глейцер Антон SOLDAT RUSSE 25/04/1917 12
    NAPORKA Theodor Напорка Федор SOLDAT RUSSE 09/05/1917 13
    ZIWINSKI Iwan Цивинский Иван SOLDAT RUSSE 09/05/1917 14
    KUSMENZUK Theodor Кузьменчук Федор SOLDAT RUSSE 1914-1918 15
    FOMENKO Pawel Фоменко Павел SOLDAT RUSSE 15/07/1918 16
    TOKOR Foma Токор Фома SOLDAT RUSSE 16/07/1918 17
    NAGORNY Alfanaey Нагорный Афанасий SOLDAT RUSSE 18/07/1918 18
    ANTIJ Ilija   HONGROIS 19/05/1943 18bis
    SIDOROW Dimitri Сидоров Дмитрий SOLDAT RUSSE 30/03/1917 19
    KALIMIN Iwan Калимин Иван SOLDAT RUSSE 26/03/1917 20
    GLODURAN Foror Глодуран Федор SOLDAT ROUMAIN 05/04/1917 21
    DERAWEZNIKO Nikolai Деревезнико Николай SOLDAT RUSSE 18/04/1917 22
    SILBER Leiba Сильбер Лейба SOLDAT RUSSE 17/04/1917 23
    DANILOW Daniel Данилов Даниил SOLDAT RUSSE 29/03/1917 24
    WJATSCHESLAW Anton Вячеслав Антон SOLDAT RUSSE 15/03/1917 25
    WJALKOW Iwan Вялков Иван SOLDAT RUSSE 23/03/1917 26
    BOZKAROW Wassili Бозкаров Василий SOLDAT RUSSE 23/03/1917 27
    MIESTALEWSKI Julian Месталевский Юлиан SOLDAT RUSSE 06/05/1917 28
    SARUBIN Iwan Зарубин Иван SOLDAT RUSSE 22/09/1917 29
    KARPIERKA Pieter Карперка Петр SOLDAT RUSSE 19/07/1918 30
    SELITZKI Feodor Селицкий Федор SOLDAT RUSSE 22/07/1918 31
    TSCHERNAUS Prokof Черноус Прокофий SOLDAT RUSSE 12/07/1917 32
    RISCHKOW Osig Рышков Осип SOLDAT RUSSE 06/04/1917 33
    KONOPLITZKI Timosei Коноплицкий Тимофей SOLDAT RUSSE 18/04/1917 34
    BULKA Cerasim Булка Герасим SOLDAT RUSSE 23/04/1917 35
    KIMTSCHIK Theodor Кимчик Федор SOLDAT RUSSE 29/04/1917 36
    VUJNOVIEU Mihajin   SERBE 13/02/1943 36bis
    KOTSCHERGIN Piotre Кочергин Петр SOLDAT RUSSE 08/05/1917 37
    SKOROCHODOW Iwan Скороходов Иван SOLDAT RUSSE 11/05/1917 38
    APTIKAJEM Chavafislam Артилажем Хавафислам SOLDAT RUSSE 19/03/1917 39
    SOSNOWOSKI Stanislaw Сосновский Станислав SOLDAT RUSSE 02/06/1917 40
    SCHLASIN Pawel Шлазин Павел SOLDAT RUSSE 02/06/1917 41
    TESCHELSKY Siegmund Тежельский Зигмунд SOLDAT RUSSE 03/06/1917 42
    LEBETJEW Nikolae Лебедев Николай SOLDAT RUSSE 17/04/1917 43
    BINECK Jan Бинек Ян SOLDAT RUSSE 26/02/1917 44
    TSCHURUM Karp Чурум Карп SOLDAT RUSSE 26/02/1917 45
    SUWAK Ludwig Сувак Людвиг UTFFZ. RUSSE 15/06/1917 46
    DOWSCHENKO Wassili Довженко Василий SOLDAT RUSSE 22/11/1917 47
    GERGELUK Peeter Гергелюк Петр SOLDAT RUSSE 29/04/1917 48
    KAIDA Trofim Кайда Трофим SOLDAT RUSSE 28/05/1917 49
    RISTOWSKI Vikenti Ристовский Викентий SOLDAT RUSSE 25/06/1917 50
    JASCHINSKY Josef Ящинский Иосиф SOLDAT RUSSE 14/05/1917 51
    BELAN Daniel Белан Даниил SOLDAT RUSSE 21/01/1918 52
    GORA Jurka Гора Юрка SOLDAT RUSSE 14/01/1918 53
    OLIFSENKO Iwan Олифсенко Иван SOLDAT RUSSE 04/01/1918 54
    KLEUFF Iwan Клюев Иван SOLDAT RUSSE 01/08/1917 55
    ROSIJEW Niken Росеев Никон SOLDAT RUSSE 09/02/1918 56
    BRUSCHIMIN Wassili Брушимин Василий SOLDAT RUSSE 25/08/1917 57
    KOSTEZKI Iwan Костецкий Иван SOLDAT RUSSE 29/03/1918 58
    POLTARAK Pjotz Полторак Петр SOLDAT RUSSE 13/12/1917 59
    CHANANOW Abdul Хананов Абдул SOLDAT RUSSE 12/03/1917 60
    SENTSCHENKO Nikita Сенченко Никита SOLDAT RUSSE 04/12/1917 61
    PASCHA Stephan Паша Степан SOLDAT RUSSE 09/03/1917 62
    SCHOLPOAKOW Michael Шолпоаков Михаил SOLDAT RUSSE 03/09/1917 63
    KRASSORA Semion Крассора Семен SOLDAT RUSSE 1914-1918 64
    NASAROW Wassili Назаров Василий SOLDAT RUSSE 27/09/1917 65
    PETROW Peter Петров Петр SOLDAT RUSSE 07/10/1917 66
    STRELNIKOW Wassili Стрельников Василий SOLDAT RUSSE 28/09/1917 67
    NELUBON Dimitri Нелюбон Дмитрий SOLDAT RUSSE 23/09/1917 68
    POPOW Michael Попов Михаил SOLDAT RUSSE 08/09/1917 69
    ALEXEJEW Luka Алексеев Лука SOLDAT RUSSE 25/09/1917 70
    BUJAKIN Wassili Бужакин Василий SOLDAT RUSSE 25/09/1917 71
    LOSCHKIN Gorde Лошкин Гордей SOLDAT RUSSE 24/09/1917 72
    DUNITSCHENKOW Nikolay Дунищенков Николай SOLDAT RUSSE 16/08/1917 73
    ANISKOWETZ Stephan Анисковец Степан SOLDAT RUSSE 30/06/1918 74
    RUKIN Stephan Рукин Степан SOLDAT RUSSE 16/05/1918 75
    PETROW Melashwai Петров Мелашвай SOLDAT RUSSE 04/04/1918 76
    TOLSTIAKOW Sergey Толстиков Сергей SOLDAT RUSSE 06/04/1918 77
    BUDAL   Будал SOLDAT RUSSE 1914-1918 78
    SCHEWTSCHENKE   Шевченко SOLDAT RUSSE 1914-1918 79
    DAMLJUK Nikolai Дамлюк Николай SOLDAT RUSSE 06/05/1918 80
    MANTSCHENKOW Stephan Манченков Степан SOLDAT RUSSE 30/05/1918 81
    JEGEROW Simon Егеров Семен SOLDAT RUSSE 09/10/1917 82
    SCHINKARENKO Jakob Шинкаренко Яков SOLDAT RUSSE 01/10/1917 83
    BASCHLIKOW Miron Башлыков Мирон SOLDAT RUSSE 28/09/1917 84
    SCHMATOW Feodor Шматов Федор SOLDAT RUSSE 01/10/1917 85
    TOLKATSCHOW Jakob Толкачев Яков SOLDAT RUSSE 10/09/1917 86
    MASUR Pawel Мазур Павел SOLDAT RUSSE 10/09/1917 87
    TSCHNIKOW Gregory Чников Григорий SOLDAT RUSSE 22/11/1917 88
    CHOMTSCHUK Hold Хомчук Мефодий SOLDAT RUSSE 08/09/1917 89
    KASPAROWISTH Joh Каспарович Иоганн SOLDAT RUSSE 28/11/1917 90
    KAMINSKI Vikenti Каминский Викентий SOLDAT RUSSE 05/02/1918 91
    DOLGALOW   Долгалов SOLDAT RUSSE 13/10/1917 92
    POMOTUCHIN Wassili Помотухин Василий SOLDAT RUSSE 09/10/1917 93
    LJURTSCHIK Damian Люрчик Демьян SOLDAT RUSSE 29/04/1918 94
    SOLOTUCHIN Teodor Золотухин Федор SOLDAT RUSSE 06/10/1917 95
    SCHPIRJUCK Iwan Шпирюк Иван SOLDAT RUSSE 02/06/1918 96
    SCHTSCHEPAHJAK   Щепаняк SOLDAT RUSSE 1914-1918 97
    DANILOW Dimitri Данилов Дмитрий SOLDAT RUSSE 09/03/1918 98
    SAPRUN Peter Сапрун Петр SOLDAT RUSSE 24/06/1918 99
    SEREDA Efim Середа Ефим SOLDAT RUSSE 22/03/1918 100
    GADOLOW Sergey Гадолов Сергей SOLDAT RUSSE 22/09/1917 101
    SACHAROW Jakob Сахаров Яков SOLDAT RUSSE 21/09/1917 102
    ANTIPENKO Dimitri Антипенко Дмитрий SOLDAT RUSSE 08/09/1917 103
    MALZEW Ossig Мальцев Осип SOLDAT RUSSE 05/09/1917 104
    GAWLOWSKY Peter Гавловский Петр SOLDAT RUSSE 14/09/1917 105
    ROMANOW Konstantin Романов Константин SOLDAT RUSSE 10/09/1917 106
    GUSSEW Demjam Гусев Демьян SOLDAT RUSSE 1914-1918 107
    BOGDANOW Dimitri Богданов Дмитрий SOLDAT RUSSE 19/10/1917 108
    ZYMBAL Tifano Цымбал Тимофей SOLDAT RUSSE 03/05/1917 109
    DAGEL Edouard Дагел Эдуард SOLDAT RUSSE 23/04/1917 110
    GRIGORIEW Nikolai Григорьев Николай SOLDAT RUSSE 27/05/1917 111
    GORDEJENKO Toma Гордеенко Фома SOLDAT RUSSE 29/04/1917 112
    IWANOW   Иванов SOLDAT RUSSE 1914-1918 113
    TRATSCHOW Wassili Трачов Василий SOLDAT RUSSE 04/05/1917 114
    KOSLOW Daniel Козлов Даниил SOLDAT RUSSE 01/05/1917 115
    ANDREEW Jedokin Андреев Евдоким SOLDAT RUSSE 16/10/1917 116
    DAYKON Nikolai Дайкон Николай SOLDAT RUSSE 02/05/1917 117
    KOSTSCHEJEW Prokofi Кощеев Прокофий SOLDAT RUSSE 14/10/1917 118
    ANDRJUSCHENKO   Андрющенко SOLDAT RUSSE 11/11/1917 119
    IWANOW Iwan Иванов Иван SOLDAT RUSSE 10/09/1917 120
    KOLESNIK Afanasi Колесник Афанасий SOLDAT RUSSE 05/09/1917 121
    WOROCHOBOW Iwan Ворохобов Иван SOLDAT RUSSE 15/11/1917 122
    PRATOSENKO Afanasi Пратосенко Афанасий SOLDAT RUSSE 02/05/1917 123
    MAJERENKO Iwan Мажеренко Иван SOLDAT RUSSE 15/09/1917 124
    ALIKIN Moisef Аликин Моисей SOLDAT RUSSE 30/10/1917 125
    MARUSSOW   Марусов SOLDAT RUSSE 08/11/1917 126
    SOLDAT INCONNU     ROUMAIN 08/11/1917 127
    BORMUTOW Peter Бормутов Петр SOLDAT RUSSE 1914-1918 128
    JEWTUSCHENKO Teodor Евтушенко Федор SOLDAT RUSSE 21/04/1917 129
    MACIKAWITSCH   Масикавич SOLDAT RUSSE 1914-1918 130
    LOKIN   Локин SOLDAT RUSSE 1914-1918 131
    BROWENKO Iwan Бровенко Иван SOLDAT RUSSE 02/06/1917 132
    PIROSCHKOW Iwan Пирожков Иван SOLDAT RUSSE 1914-1918 133
    FOMENKO Stephan Фоменко Степан SOLDAT RUSSE 1914-1918 134
    SCHESTER Iwan Шестер Иван SOLDAT RUSSE 19/05/1917 135
    DJAKOW Iwan Дьяков Иван SOLDAT RUSSE 23/04/1917 136
    MAKEWITSCH Jakob Макевич Яков SOLDAT RUSSE 29/05/1917 137
    SLONOW   Слонов SOLDAT RUSSE 29/05/1917 138
    IWANOW   Иванов SOLDAT RUSSE 29/05/1917 139
    KERELENKO Moissi Кириленко Моисей SOLDAT RUSSE 30/05/1917 140
    KURBATOW Sergei Курбатов Сергей SOLDAT RUSSE 26/04/1917 141
    POPENKO Abraham Попенко Абраам SOLDAT RUSSE 27/04/1917 142
    RUBIN Luka Рубин Лука SOLDAT RUSSE 27/05/1917 143
    PIENKO Trofim Пиенко Трофим SOLDAT RUSSE 30/04/1917 144
    MEDWEDOW Arefi Медведов Арефий SOLDAT RUSSE 21/05/1917 145
    TROFFINOW Timofe Трофинов Тимофей SOLDAT RUSSE 17/05/1917 146
    SSITNIK Iwan Сытник Иван SOLDAT RUSSE 22/04/1917 147
    DORAKOW Pietr Дораков Петр SOLDAT RUSSE 05/03/1917 148
    SKORIK Toma Скорик Фома SOLDAT RUSSE 16/03/1917 149
    PASCHELN Michay   SOLDAT ROUMAIN 19/03/1917 150
    ZATYSCHOW Rogin Затышов Родион SOLDAT RUSSE 18/03/1917 151
    HOLOBIN Sergei Холобин Сергей SOLDAT RUSSE 30/08/1917 152
    KOSTOLOMOW Iwan Костоломов Иван SOLDAT RUSSE 16/03/1917 153
    JAKONENKO Michael Яконенко Михаил SOLDAT RUSSE 09/03/1917 154
    BESTUSCHOW Iwan Бестужев Иван SOLDAT RUSSE 03/08/1917 155
    RATSCHOWSKI Konstantin Ратчовский Константин GEFR. RUSSE 04/03/1917 156
    PEREGRINOW Andrey Перегринов Андрей SOLDAT RUSSE 1914-1918 157
    PESSENKO Theodor Пессенко Фекдор SOLDAT RUSSE 23/05/1917 158
    IAGODIN Fedoro Ягодин Федор SOLDAT RUSSE 20/05/1917 159
    JUDIN Sergei Юдин Сергей SOLDAT RUSSE 1914-1918 160
    MAMAJEW Trofim Мамаев Трофим SOLDAT RUSSE 25/05/1917 161
    SWASKO Iwan Сваско Иван SOLDAT RUSSE 24/05/1917 162
    POPOW Iwan Попов Иван SOLDAT RUSSE 08/06/1917 163
    DEMJANOW Michaib Демьянов Михаил UTFFZ. RUSSE 11/06/1917 164
    MASTENKO Maxim Мастенко Максим SOLDAT RUSSE 06/06/1917 165
    LEPINO Neita Лепино Нейта SOLDAT RUSSE 05/06/1917 166
    SEROW Trofim Серов Трофим SOLDAT RUSSE 05/06/1917 167
    DELGIN Ingor Делгин Егор SOLDAT RUSSE 16/06/1917 168
    SMAGIN Iwan Смагин Иван SOLDAT RUSSE 16/06/1917 169
    TYRLOW Konstantin Тырлов Константин SOLDAT RUSSE 16/06/1917 170
    SOLOMKA Kirill Соломка Кирилл SOLDAT RUSSE 28/07/1917 171
    TURKIN Konstantin Туркин Константин SOLDAT RUSSE 29/07/1917 172
    KARPUNIN Friedrich Карпунин Фридрих SOLDAT RUSSE 22/03/1917 173
    SISOJEW Alex Сысоев Алекс SOLDAT RUSSE 22/03/1917 174
    KUJASEW Michael Кужасев Михаил SOLDAT RUSSE 18/06/1917 175
    GOLOWKA Peter Головка Петр SOLDAT RUSSE 18/06/1917 176
    TASCHKINOW David Ташкинов Давид SOLDAT RUSSE 20/06/1917 177
    KAZANZOW Stephan Казанцов Степан SOLDAT RUSSE 21/06/1917 178
    NIESTIEROW Iwan Нестеров Иван SOLDAT RUSSE 23/06/1917 179
    ISCHTYKOW Simon Иштыков Семен SOLDAT RUSSE 30/07/1917 180
    TURKIN Kulma Туркин Кузьма SOLDAT RUSSE 12/08/1917 181
    LEONTJEW Stefan Леонтьев Степан SOLDAT RUSSE 31/03/1917 182
    TSCHERNOLICHOW Natrofan Чернолихов Митрофан SOLDAT RUSSE 01/04/1917 183
    SMIRNOW Nikolei Смирнов Николай SOLDAT RUSSE 01/04/1917 184
    KOLITSCHROW Iwan Колышров Иван SOLDAT RUSSE 03/04/1917 185
    KROPATIOW Iwan Кропатев Иван SOLDAT RUSSE 12/04/1917 186
    KOHWELIS Stanislaus Кохвелис Станислав SOLDAT RUSSE 22/07/1917 187
    GOSTJEW Nikitri Гостев Никита SOLDAT RUSSE 23/07/1917 188
    MEMSER Raphaël Мемцер Рафаил SOLDAT RUSSE 28/07/1917 189
    MALAMUSCHOW Feodor Маламушов Федор SOLDAT RUSSE 27/08/1917 190
    OSTROWSKI Anton Островский Антон SOLDAT RUSSE 04/08/1917 191
    MOSKONZEW Iwan Москонцев Иван SOLDAT RUSSE 06/08/1917 192
    BOGATELOFF Iwan Богателов Иван SOLDAT RUSSE 09/08/1917 193
    FILIPKIN Dimitri Филипкин Дмитрий SOLDAT RUSSE 16/08/1917 194
    ISAKOW Timofe Исаков Тимофей SOLDAT RUSSE 17/08/1917 195
    ROMANOSKY Thomas Романовский Фома SOLDAT RUSSE 19/08/1917 196
    PODMARILOW J Подмарилов Я. SOLDAT RUSSE 02/07/1917 197
    SCHMUT Iwan Шмут Иван SOLDAT RUSSE 06/07/1917 198
    TEMTSCHUK Philipp Темчук Филипп SOLDAT RUSSE 06/07/1917 199
    INOSIENZOW Michael Иноземцев Михаил SOLDAT RUSSE 08/07/1917 200
    ILOUCHIN Iwan Илюхин Иван SOLDAT RUSSE 08/07/1917 201
    ROBROW Leon Робров Леон SOLDAT RUSSE 21/07/1917 202
    KARASIWITSCH Franz Карасивич Франц SOLDAT RUSSE 20/07/1917 203
    MUSTEKISCH Joseph Мустекич Иосиф SOLDAT RUSSE 01/03/1917 204
    SSANNASENKO Gregori Санасенко Григорий SOLDAT RUSSE 01/03/1917 205
    MINDOROSC Willi Миндороц Уильям SOLDAT RUSSE 03/03/1917 206
    SERELNAKOW Jakob Серельняков Яков SOLDAT RUSSE 11/04/1917 207
    SCHOLTUNOW Luka Шолтунов Лука SOLDAT RUSSE 12/04/1917 208
    FUROW Mark Фуров Марк SOLDAT RUSSE 06/04/1917 209
    BERENATZKI Jacob Березнатский Яков SOLDAT RUSSE 01/08/1917 210

 

 Le site  в 1914-1918 гг., военнопленных Русского  regroupe les noms de soldats et prisonniers Russes inhumés en France.
Rechercher Валансьен pour Valenciennes (208 occurences) et Фраснуа (1 occurence, un inconnu) pour Frasnoy. La dernière mise à jour de ce site date du 11/04/2012.

 

  •        De très nombreux noms à consonance russe apparaissent dans les registres de décès de Condé-sur-l'Escaut, notamment en 1917.  La transcription souvent phonétique rend très difficile la localisation de leurs tombes, si tant est qu'elles aient été conservées.
  •       5 soldats russes sont inhumés au cimetière militaire allemand "Deutscher Soldatenfriedhof" de Frasnoy (Nord-France) ; leur croix (latine) en béton se distingue aisément des croix en fer des Allemands (et des quelques stèles juives), il s'agit des mêmes croix que celles du carré russe du cimetière St-Roch de Valenciennes, où ces 5 hommes devraient se trouver.

    2020-02-05_174340 2020-02-05_174358 2020-02-05_174418 2020-02-05_174432 2020-02-05_174457
    FIRJEW Pawel
    Soldat Russe
    2-11-1917
    SOMELECKIN Iwan
    Soldat Russe
    21-5-1917
    MELNIKOW Iwan
    Soldat Russe
    20-2-1918
    SPIRANSKI Nicolaï
    Soldat Russe
    Le 28.03.1917
    DORESPIHEFF Batag
    Soldat Russe
    23-4-1918
  • De nombreux Russes sont portés décédés dans les actes d'état-civils de la vile de Denain en 1917 (la Kommandantur gérant les inscriptions qui n'apparaisent plus ensuite). Parmi ceux-ci, à titre d'exemple Pawel SSYTSCHOW(sic), peut-être СЫЩЕВ Павел de Самсоново, les retranscriptions en cyrilliques restant hasardeuses, dont l'acte a été également transcrit à Trith-St-Léger où il est décédé.

    SSYTSCHOW Pawel 19170314 Denain


     
  •  Sur la photo ci-dessous, extraite d'une carte postale montant une partie du cimetière allemand de Valenciennes durant la guerre (coll. perso.), on distingue quelques noms  sur la tombe située derrière celle du Français Marcel DORIZON,
    Boris GOD??, ?(Pa)?wel RASPOPOW, ??isch GA??, William ??, Iwan ??, qualifiés chacun de "russ. K.G." (Russische KriegsGefangene : prisonnier de guerre russe).

    Tombes St Roch

 

11 février 2011

Le Colonel CHARLIER

Cet extrait du livre de René Delame : "Valenciennes Occupation allemande 1914-1918. Faits de guerre et souvenirs" (Hollande & Fils ed. 1933) traite principalement d'un militaire, mais il met en évidence les premiers actes de résistance de civils qui seraient incompréhensibles  sans les rattacher aux faits qui les ont motivés :

 

L'ODYSSÉE DU COLONEL CHARLIER.
Extrait des notes du colonel Charlier, aujourd'hui déposées au Musée de la guerre.

 

Le commandant Charlier, officier colonial, était sur le point de rejoindre son poste au Congo quand la guerre éclata. Il obtint une lettre de mobilisation pour servir en France et fut envoyé à Maubeuge où il fut chargé de l'arsenal de Falize situé à deux kilomètres en dehors des murailles de la ville, admirablement placé en temps de paix, mais très exposé en temps de guerre, aussi fut-il complètement détruit le 30 août au début du bombardement.
Le dimanche 6 septembre, la situation devenait critique, les convois de munitions revenaient tous sans avoir été déchargés et le colonel recevait le dimanche matin de la Réserve généra1e une note disant de ne plus envoyer de munitions.

Il apprenait que le matin à 6 heures, ordre avait été donné de brûler les étendards. Un avion allemand avait survolé la ville lançant un message qui sommait la ville de se rendre. Toutes communications étant coupées, le colonel, alors commandant Charlier, se rendit auprès de son chef direct, le colonel Duchesne, Commandant d'artillerie pour lui demander des ordres.

La route était battue par le bombardement et il trouva les ponts-levis fermés. Enfin ayant fait le tour de la ville, la sentinelle de la porte de Mons lui apprit que la population civile avait été évacuée et que nul ne pouvait entrer dans Maubeuge. Il rencontra enfin le colonel Duchesne qui fut surpris de le voir, le croyant au courant de la mise en vigueur de la nouvelle organisation et le mit à la disposition du commandant Caillot qui lui commanda de faire sauter l'arsenal de Falise à l'heure qui lui serait fixée par son nouveau chef. Cet ordre fut exécuté à 7 heures du soir.
Quand le colonel Charlier arriva à Hautmont, vers la fin de l'après-midi du 6 septembre, il y trouva les divers services évacués de Maubeuge, des détachements y venaient cantonner donnant l'impression qu'il s'agissait d'un plan bien arrêté.

Aucun ordre ne parvenait plus à Hautmont, on ne savait ce qui se passait, les bruits les plus contradictoires circulant. L'arrivée successive des troupes faisait penser qu'il se préparait une vigoureuse percée.
Le lendemain matin, lundi 7 septembre, il tut étonné de ne pas avoir reçu d'instructions pendant la nuit.
La ville présentait le spectacle d'une confusion indescriptible, trente à quarante mille individus, soldats, civils, hommes, femmes, enfants, voitures, grouillant à l'aventure tourbillonnaient dans la ville. L'atmosphère de débâcle et de catastrophe pesait sur cette foule, on croisait des hommes las, à bout de ressort, courbés sous la fatalité, d'autres, moins exténués et plus vigoureux, frémissaient de tout leur être à la perspective d'une captivité, se demandant comment sortir du filet dont on sentait les mailles se resserrer de minutes en minutes.
Cette foule toute entière était irrémédiablement condamnée à la captivité, personne ne sachant ce qui se passait à Maubeuge. Le commandant Charlier finit par franchir cette cohue pour rejoindre le commandant Caillot qui considérait comme tous, ce spectacle, atterré et le cœur serré. Il lui demanda des ordres, le Ct Caillot n'en avait pas et ne savait que faire. Aussi alla-t-il au fort du Bourdiau pensant y l'en contrer le Gouverneur, mais Il ne put le joindre, non plus que le général Peyrecave, commandant la section de Hautmont.

La conviction du Ct Charlier devenait de plus eu plus nette, devant le désordre croissant, Maubeuge était incapable de réagir, ce n'était plus qu'un moribond, dont l'agonie touchait à son terme.
Sur un des côtés de la place de Hautmont, un petit groupe d'hommes d'environ deux cents, était rassemblé en ordre avec les officiers, auprès de quelques véhicules chargés la veille.

C'était tout ce qui restait du parc d'artillerie. A sa vue une délégation de quelques sous-officiers et de quelques hommes vint à sa rencontre et lui dit :
- Mon Commandant, nous sommes chargés par nos camarades de vous dire que nous vous suivrons partout ou vous voudrez nous conduire.
Il ne put que leur répondre, très ému de leur démarche :
- Mes pauvres amis, je suis touché de votre confiance, puisque vous voulez venir avec moi, nous essaierons de passer, je ne sais d'ailleurs pas comment. Mais je dois vous avertir qu'avant que nous ayons fait quatre kilomètres nous serons probablement tous tués, aussi je ne force personne à me suivre, je ne veux que des volontaires.
A quoi l'un d'eux répondit :
- Ça vaudra mieux que d'être prisonnier! Et aucun ne quitta les rangs.
Il fit alors distribuer des cartouches et des armes nouveau modèle, puis alla à la recherche du Ct Caillot qu'il ne put rencontrer.

Le temps pressait, les minutes étaient précieuses, aussi la petite troupe se mit en route sur Neuf-Mesnil dominant la cuvette de Hautmont entre 8 heures et 9 heures du matin, le lundi 7 septembre, elle comptait un effectif de 300 hommes.
Le Commandant envoya des bicyclistes en reconnaissance et alla seul sur la route de La Longueville voir l'aspect de la région qu'il ne connaissait pas. A quelques kilomètres de là, il trouva le bois des Hoyaux et rencontra quelques artilleurs revenant sur Hautmont et qui étaient exténués. Le capitaine Parasol qui les commandait, était grièvement blessé ayant rencontré l'ennemi près de la forêt de Mormal, il ne tarda pas à mourir, et ses hommes suivirent le Ct Charlier.
Au fur et à mesure qu'ils approchaient de Feignies, ils rencontraient de plus en plus d'isolés. Ils y arrivèrent vers midi. La petite troupe put alors se ravitailler, car elle n'avait rien pris depuis vingt-quatre heures. Le Commandant mit un peu d'ordre dans les nouveaux éléments recrutés en cours de route.

La chaleur était écrasante, à la sortie du village il rencontra un détachement de soixante-sept fantassins du 145e conduits par deux sergents qui se trouvaient séparés de leur bataillon par suite de la destruction d'un pont que l'on avait fait sauter.
Les hommes confirmèrent que le drapeau blanc avait été hissé sur Maubeuge et que la sonnerie " Cessez le feu " avait retenti. Il leur fit les mêmes recommandations qu'à ses hommes et après s'être concertés revinrent cinq minutes après, lui dire simplement: " Nous partons avec vous ".

La moitié de ces fantassins prit la tête du détachement, l'antre moitié marcha derrière la colonne. Le Ct Charlier se dirigea ainsi vers le bois de la Lasnière ayant comme objectif Lille, mais avant de partir tous regardaient Maubeuge les larmes dans les yeux.

C'est bien sur cette petite troupe que les uhlans tiraient lorsque je [René Delame, l'auteur] fus arrêté et fouillé à Tasnières-sur-Hon avec M. Gravis et l'infirmière Cheval. Peut-être notre présence a-t-elle fait diversion et a-t-elle permis au Ct Charlier de franchir la route avec ses hommes pendant que l'officier examinait mes papiers.
L'intention du Ct Charlier était de gagner le plus rapidement possible un couvert afin de dissimuler sa marche en se dirigeant sur Malplaquet que les renseignements des cyclistes représentaient comme le plus faiblement défendu et ensuite profiter de la nuit pour avancer le plus rapidement possible sur Lille à marches forcées.

En sortant de Feignies il trouva un grand nombre d'hommes isolés parmi lesquels le capitaine Magniers, Ingénieur des Tabacs, dont la conduite pendant le siège du fort des Sarts, avait été héroïque : Il réorganisait sa troupe en vue d'une troisième tentative.
Parti de Hautmont à deux heures du matin avec trois cents hommes, le détachement en comptait plus de douze cents à deux heures de l'après-midi sans compter la batterie Magniers, dont l'itinéraire différa au sortir du bois de la Lasnière.

Afin d'alléger une colonne aussi nombreuse le Commandant fit détruire tout le matériel, camions, voitures, chevaux, projecteurs, qui alourdissaient la marche.
Elle s'enfonça dans le bois sans rencontrer d'obstacles jusqu'à la lisière Nord où elle se heurta à une résistance allemande. Le détachement riposta avec intensité ce qui inquiéta le Commandant vu son faible approvisionnement de munitions. Il n'y eut heureusement qu'un tué. Les Allemands ayant cru à une grosse attaque, vu l'intensité de la riposte, s'étaient prudemment repliés. C'est à la suite de cette escarmouche que le groupe Magniers se sépara du précédent. Un cuisinier, nommé Gras, qui connaissait le pays, demanda au Commandant la permission de se mettre en civil afin de se renseigner sur les positions allemandes.

Pendant que le Commandant était occupé à mettre un peu de cohésion dans sa colonne et à l'encadrer, il fut accosté par un paysan à la face réjouie, un gros panier d'œufs sous le bras qui l'interpella joyeusement:
- Mon Commandant, voulez-vous des œufs ?
C'était le cuisinier Gras, de retour de Malplaquet, où il avait été vendre des œufs au poste allemand. Leur situation étant repérée, un canonnier vint dire au Commandant :
- Pourquoi passer par Malplaquet, je puis vous conduire à Lille sans qu'on nous voie. Je connais le chemin des bois, nous pouvons passer.
Le Commandant se décida pour cette solution et la colonne se mit en marche sous la conduite de son guide, marchant à travers bois.

Elle avait marché longtemps quand la nuit vint. A la clarté de la lune, elle entra dans une ferme pour se ravitailler. Après avoir marché toute la nuit, on aperçut enfin les lumières indiquant une agglomération. Le guide déclara qu'il ne connaissait plus le pays; la petite troupe se trouvait en Belgique, à Bougnies.
Le Ct Charlier y alla seul, revolver en main et frappa au hasard à la première porte ne sachant qui allait lui ouvrir.
Un homme parut, il lui demanda s'il y avait encore des Allemands dans le pays. Il lui répondit que depuis quelques jours il n 'y en avait plus et lui apprit où il se trouvait. Mais vous êtes Français lui dit-il; il lui répondit qu'en effet il était Français et avait avec lui une colonne voulant gagner Lille et ne connaissant ni le pays ni la route.
Il passa aussitôt un veston et dit :

- Je vais vous conduire jusqu'à Dour et là vous trouverez un autre guide. Il prit la tête de la colonne et ainsi, toute la nuit, cheminant au travers des troupes allemandes, de nouveaux guides les conduisirent, au péril de leur vie à Baisieux où ils arrivèrent à trois heures du matin. Voulant faire dormir ses hommes afin de continuer la nuit suivante sur Lille, le Commandant lui demanda de les conduire dans un bois ou dans une carrière.

- J'ai votre affaire dit le guide, je vais vous conduire à la mine où je travaille.

C'est ainsi qu'une heure plus tard, le mardi 8 septembre, vers quatre heures du matin, le Commandant venait demander à M. Leharle, Ingénieur en chef des mines de Crespin, à Quiévrechain, des vivres et l 'hospitalité pour sa troupe. Sans s'inquiéter du danger qu'il courait il les fit entrer dans le carreau de la fosse N° 2 assez vaste, entouré de murs où il était possible de les cacher. Les batteries de fours à coke étant arrêtées, il installa tout ce monde sous les voûtes de ces batteries.
M. Leharle annonça au Commandant que Lille était aux mains des Allemands. Le dernier espoir du Commandant s'évanouissait. Après Valenciennes, où il avait espéré trouver l'armée française, il fallait maintenant renoncer à Lille.

-Vous ne pouvez passer, dit M. Leharle, avant quelques heures vous allez être cernés de tous côtés et avoir devant vous des forces supérieures, il ne vous reste qu'un moyen de vous en tirer, d'ici· deux heures vos hommes auront eu la soupe et je vais rassembler des vêtements de mineurs, vous me donnez tout votre équipement armes et munitions, je cache le tout. Vous déguisez vos hommes en mineurs, ils disparaissent et vous les retrouvez à Dunkerque.

Le Commandant remercia M. Leharle de sa proposition, qui n'était pas sans un gros danger pour lui, ayant déjà dans son personnel quelques soldats anglais, il était familiarisé avec l'idée d'être fusillé un jour ou l'autre.
Le Commandant alla jeter un coup d'œil sur ses hommes qui s'étaient écroulés sous la fatigue et dormaient, sac au dos, à l'endroit même, où dans l'obscurité le hasard les avait placés. Lui-même s'étendit, ayant à ses côtés les lieutenants Gohon et Audoyer. Après avoir dormi une heure environ, vers 6 heures du matin il alla retrouver l'Ingénieur Leharle qui lui confirma les conversations de la veille lui disant que les Allemands envahissaient la région.

Le détachement avait un aspect lamentable et paraissait considérablement réduit, il manquait trois officiers et trois cent hommes, toute l'arrière-garde qu'il avait abandonnée chez le garde champêtre de Dours, le capitaine Charpentier, épuisé, ne pouvant plus marcher.

Voyant l'état de fatigue de ses hommes, après mûre réflexion le Ct Charlier estima que le plus sage était de se rallier à l'idée de M. Leharle. Il réunit ses hommes et leur dit qu'il avait espéré les ramener en armes à Lille, à l'armée française, mais que les renseignements qu'il venait de recueillir lui laissaient peu d'espoir, il allait ramasser fusils, équipements, effets, livrets militaires et leur distribuer des vêtements de mineurs, qu'ils se rendraient ensuite individuellement, le plus rapidement possible sans se grouper leur donnant rendez-vous à Dunkerque.

La plupart de ces hommes étant du Nord, connaissaient la région. Transformés en mineurs ils n'avaient, ni l'air emprunté, ni dépaysés.

Toutes ces opérations se déroulaient avec le concours de M. Leharle ( Nous dirons plus loin ce qu'eut à souffrir le bon patriote qu'était l'ingénieur Leharle, pour avoir agi en bon Français), quand arriva à la mine un garçonnet demandant à parler au Commandant. Un millier d'hommes, disait-il, étaient à quatre kilomètres de là, ayant appris la présence d'un Commandant à Quiévrechain, demandaient à se joindre à lui.

Pensant qu 'il s'agissait de son arrière-garde, il se fit guider par ce garçonnet, et alla les rejoindre.
Il rencontra le Lieutenant Darvogne de la territoriale et deux jeunes officiers, il était 9 heures du matin. Il avait fait une bonne partie du trajet, et n'avait plus guère qu'un kilomètre et demi à faire pour les rejoindre, lorsque tout à coup, à un coude de la route, éclatait une vive fusillade, et il vit à moins d'un kilomètre, des voitures de tramway qui traversaient la route, et d'où descendaient des Allemands, tirant sur le détachement qu'il voulait rejoindre.

  • Je[René Delame, l'auteur] me fais un devoir, dans cette affaire, de signaler la belle conduite des employés du tramway et un plaisir de. reproduire le rapport que me fit son dévoué directeur, M. Guillaume.

 

NOS TRAMWAYS ET LA GUERRE
( Extrait des notes de M. Guillaume, directeur des Chemins de fer Economiques du Nord, Réseau de Valenciennes.)


Dès le premier jour de la mobilisation le service dut être fortement réduit sur chacune des quatre lignes composant le réseau de Valenciennes, par suite du départ d'un grand nombre d'agents mobilisés.
Sur la ligne de Saint-Amand à Hellemmes, le service resta à peu près normal.

Pendant les premiers jours, les trains servirent surtout pour les hommes qui se rendaient à la destination de leur ordre d'appel. La région de Valenciennes fut envahie le 25 août 1914. par une armée allemande, qui, partie de Bruxelles dans la direction de Tournai, descendait vers le sud et cherchait à envelopper l'armée anglaise qui s'étaient établie suivant une ligne Biache-Mons-Condé.

Des troupes allemandes sillonnaient toute la région comprisr entre Lille, Valenciennes et Maubeuge.
Sur les lignes de Saint-Amand à Hellemmes et du réseau de Valenciennes, les trains qui avaient été réquisitionnés par l'autorité militaire française pour le transport des troupes, furent attaqués par des uhlans, à Planard (ligne de St-Amand à Hellemmes), et à Blanc-Misseron (réseau de Valenciennes).

Ils purent échapper en forçant la vitesse, après avoir été criblés de balles. Malheureusement sur la ligne de Saint-Amand à Hellemmes, le chauffeur, Payen Constant, eut un genou broyé d'un coup de feu qui lui fut tiré à bout portant par un uhlan qui galopait à côté de la locomotive.
Le service dut être complètement interrompu sur la ligne de Saint-Amand à Hellemmes et sur le réseau de Valenciennes.

Les Allemands ne continuèrent pas à occuper complètement la région desservie par la ligne de Saint-Amand à Hellemmes, ils restèrent sur la rive droite de la Scarpe.
Après quelques jours d'occupation, ils donnèrent l'ordre à la Compagnie de reprendre le service sur le réseau de Valenciennes, dans une certaine limite d'heures, avec l'obligation de transporter gratuitement les militaires allemands de tous grades.

Cependant comme les chemins de fer avaient cessé tout service, on réorganisa clandestinement celui de la ligne de Saint-Amand à Hellemmes qui constituait alors le seul moyen de communication entre Valenciennes et Lille, afin de faciliter le départ de tous les hommes mobilisables non encore convoqués qui restaient dans la région de Valenciennes, ainsi qu'un certain nombre de militaires évadés de Maubeuge qui s'étaient réfugiés dans nos environs.

Un incident, survenu le 12 septembre, mérite d'être signalé:
Vers 8 heures du matin, le colonel Kintzel, commandant de place de Valenciennes, réquisitionne trois trains électriques pour conduire des troupes à Blanc-Misseron afin de capturer un groupe d'environ cent cinquante soldats français, artilleurs et fantassins, qui, évadés de Maubeuge, cherchaient à gagner Lille en suivant la frontière franco-belge. Le watman Bronsart de service sur la ligne de Blanc-Misseron avait vu ces soldats aux Quatre Pavés de Blanc-Misseron et avait causé avec le lieutenant d'artillerie, commandant du groupe, auquel il avait fourni des indications sur la route qu'il était préférable de suivre.

Ces soldats français venaient de détruire trois automobiles et leurs occupants, chargées de soldats allemands, que le Commandant de Valenciennes avait lancées à leur poursuite.
Revenant vers Valenciennes. Bronsart rencontra vers Onnaing les trois tramways chargés de troupes conduits par ses collègues Wannepain, Lenoir et Van Overvelde, et devina aussitôt la mission confiée à ces troupes. Pour retarder leur arrivée à Blanc-Misseron il arrêta son train, bloqua ses freins et mit brusquement sa manivelle de commande à fond de parallèle. Il provoqua ainsi un appel considérable de courant et fit déclancher les appareils automatiques de la sous-station.

Les quatre trains restèrent en détresse faute de courant. Les collègues de Bronsart comprenant la manœuvre, l'imitèrent et chaque fois que le courant était remis démarrèrent ensemble avec les freins serrés pour provoquer un nouveau déclanchement à la sous-station. Cette manœuvre ayant été répétée plusieurs fois, il en résulta un long retard dans l'arrivée des trains à Blanc-Misseron, ce qui avait permis aux soldats français de prendre une grande avance et de s'échapper. Les watmans conduisant les trains de troupes furent menacés d'être fusillés. Heureusement pour eux, les Allemands ne purent établir qu'ils avaient provoqué ces interruptions de courant, sans quoi la menace eut été mise à exécution immédiatement.

Les Allemands ne s'aperçurent que tardivement du départ des hommes de la région par le tramway de Valenciennes-Saint-Amand-Hellemmes. Pour enrayer l'exode, le 21 septembre à. 11 heures, le Commandant interdit à la compagnie tout service et convoqua le personnel à son bureau. Après lui avoir fait des menaces pour avoir fait fonctionner la ligne de Saint-Amand à Hellemmes sans son autorisation, il voulut retenir prisonniers, tous les employés, mais il ne donna pas suite à cette menace.

Le service de Saint-Amand à Hellemmes permit à plus de 15.000 hommes mobilisables de gagner Lille et Dunkerque. L'invasion s'étant étendue vers le nord, ce service fut supprimé, et tout le matériel roulant enlevé.
Après de nombreuses démarches, les Allemands consentirent cependant à laisser la compagnie reprendre un service réduit sur une partie du réseau de Valenciennes, mais après quelques alternatives d'arrêt et de remise en marche, tout service public fut interdit à partir du 15 mai 1915, mais les trains continuèrent à circuler uniquement pour les besoins de l'armée d'occupation.

  • Nous reprenons maintenant la suite de l'odyssée du colonel Charlier.

Après avoir assisté à l'échauffourée des Allemands venus en tramway pour barrer la route aux évadés de Maubeuge, le Commandant vit le détachement français disparaître derrière le village de Blanc-Misseron. Dans l 'impossibilité de le rejoindre il retourna en hâte à la mine pour s'y déguiser en mineur et revenir prendre des renseignements sur le second détachement, qui continuant sa route, arriva assez à temps pour sauter dans le dernier train partant de Péruwelz ; le mécanicien ayant arrêté sa machine pour leur laisser le temps de monter.
Comme il venait de se promener seul et en uniforme pendant une heure dans la région, malgré son déguisement il ne voulut pas exposer plus longtemps M. Leharle qui lui avait donné les vêtements d'un maître porion plus maigre que lui.

Les effets des soldats français furent brûlés dans les fourneaux à coke qui, bien qu'arrêtés depuis le 28 juillet 1914, contenaient encore du coke en ignition. Les armes furent dissimulées en plusieurs endroits du carreau de la fosse.
Après avoir remercié M. Leharle, à qui il laissa son sabre et son revolver, il disparut dans les champs comme un vieux chemineau. Ne connaissant pas le pays, il erra un moment et vit une plaque indiquant "Onnaing : 4 kilomètres."
Ce fut un trait de lumière et un rappel de souvenir.

Le capitaine Carpentier lui avait dit un jour: " Si le hasard vous amène du côté d'Onnaing, allez de ma part trouver le curé de l'endroit, c'est un de mes amis, homme débrouillard, il trouvera bien le moyen de vous aider." Le hasard l'amenait justement à côté d'Onnaing. Toute la nuit, conduit par des guides successifs et par des chemins qu'il ignorait, il erra, et finit par trouver le presbytère.
Un laïc ouvrit l'air soupçonneux et rébarbatif.

-Je viens chercher, dit le Commandant, le curé pour un de mes parents qui est gravement malade à Dours.
Le regard du portier devint de plus en plus soupçonneux.
- Le curé n'est pas là, répondit-il, s'apprêtant à fermer la porte.
- Eh bien! Je l'attendrai, répondit le Commandant.

Après un quart d'heure, la porte grinça, le brave curé à la figure ouverte et joviale le pria d'entrer dans son bureau.
- Vous venez me chercher pour un malade, dit le curé en l'examinant et sur sa réponse négative ajouta:
- N'êtes-vous pas le chef du détachement qui est arrivé cette nuit à la mine?
Le Commandant fit signe que oui.

- Vite donnez-moi votre bague et votre alliance, elles vous trahiraient ainsi que votre portefeuille et filez, il y a des perquisitions dans le village. Je vais vous conduire par le jardin à un dédale de ruelles conduisant à la campagne.
Arrivés au sortir de ces ruelles le curé lui dit :
- Disparaissez dans les champs, et quand il n 'y aura plus de danger je viendrai dire mon bréviaire sur la route. Quand vous m'apercevrez, suivez-moi à distance et vous reviendrez chez moi.

Le Commandant avait aperçu, en venant à Onnaing une briqueterie déserte, et il s'étendit et se dissimula sous les paillassons. Comme depuis une dizaine de jours il n'avait pu se reposer, il ne tarda pas à s'endormir.
La route était pavée, il entendit résonner le pas des chevaux d'une patrouille allemande.
Ne voyant personne, il risqua un œil et quitta sa cachette en apercevant le curé qui inlassablement lisait son bréviaire. Conformément à ses conseils il se dirigea vers lui dans la direction de la ruelle où le curé l'attendit et le fit entrer chez lui disant:
-Il n'y a plus de danger, les Allemands sont partis et on nous préviendra s'ils reviennent. Vous allez manger et passer la nuit ici, je vais vous montrer votre chambre.

Le Commandant se récria disant qu'il était indésirable.
- Vous êtes fatigué répondit-il. Je vous donnerai un guide demain au point du jour quand vous aurez dormi et il ajouta avec simplicité:
- Ma peau vaut la vôtre, et si vous êtes fusillé je le serai avec vous. Je vous montrerai d'ailleurs une surprise tout à l'heure, quand vous aurez vu votre chambre.
Puis le curé lui donna quelques renseignements sur les Allemands, dont les tramways venaient de retourner à Valenciennes, abandonnant la poursuite semblait-il.

Après lui avoir montré sa chambre le curé ouvrant la chambre voisine lui dit :
- Regardez.
Quelle ne fut pas la stupéfaction du commandant Charlier, de voir étendu sur lit, blanc comme un mort, avec une soutane et des vêtements de prêtre à côté de lui, le capitaine Charpentier qu'il avait abandonné à Dours la nuit précédente. Après s'y être reposé un peu il avait trouvé un voiturier qui, malgré les interdictions de circuler l'avait amené de nuit à Onnaing, où le curé le soignait comme un confrère de passage.

Le curé garda quelque temps le capitaine Charpentier, dont la santé nécessitait de grands ménagements, et celui-ci put vers la fin de septembre repasser les lignes et reprendre du service pendant toute la durée de la guerre. Le lendemain, 9 septembre 1914, au point du jour, n'ayant pas eu le courage de refuser le repos et la cordiale hospitalité qu'avait offerte si crânement l'abbé Lequin, le commandant Charlier continua sa route vers Lille accompagné d'un guide qui devait lui faire traverser la forêt de Raismes.

La veille un détachement allemand y était venu pour couper la route à une troupe française. Le Commandant continua donc sa route sur le Rosult où le curé d'Onnaing l'avait envoyé chez un de ses amis horloger qui devait lui fournir des renseignements sur la région, Ce dernier l'adressa au curé du village voisin, qui l'envoya chez les parents de sa bonne à Bouvines.

C'est chemin faisant que le Commandant apprit par des travailleurs des champs qui prenaient leur repas, qu'on le croyait mort. L'un d'eux, parlant du détachement de Quiévrechain qui s'était caché dans la mine, racontait que tous les hommes avaient pu s'échapper sauf le Commandant qui avait été surpris et fusillé ce matin!
Quand il quitta Bouvines, le 10 septembre dans la matinée, tous les gens du pays étaient convaincus que Lille était occupée par les Allemands, aussi ne fut-il pas peu surpris en arrivant à 4 kilomètres d'entendre des cyclistes annonçant les journaux français : tout réconforté il se hâta de se diriger vers la ville.

Son premier soin fut de se rendre à la Préfecture, pour informer le préfet de la chute de Maubeuge. Le Préfet vint aussitôt à lui, disant :
-Je vous attendais.
Le Commandant lui raconta la capture de Maubeuge, avec 4 généraux, 400 officiers, 40.000 hommes et 400 canons.
En effet, le 7 septembre, le Préfet avait connu le nom du Commandant Charlier par sa troupe qui avait pû prendre le dernier train à Camelle. ce qui avait permis à ses soldats de rentrer en armes à Dunkerque, la nuit suivante.
Pendant que le préfet, M. Trépont, racontait les brutalités qu'il avait subies de la part des Allemands pendant leur pré-occupation, un agent de renseignements entra précipitamment, disant au Préfet: "Un corps d'armée descend sur Lille, il est actuellement à Menin" C'était cet agent qui avait procuré au détachement des lieutenants Darvogne, Morin et Binoche, le moyen de s'embarquer à la gare de Camelle.

Le Préfet envoya le Commandant prendre un train à Hazebrouck, mais la gare était déjà fermée, il lui fallut donc pour· suivre cette longue route à pied. Le hasard le fit rencontrer son camarade Thiéry, qu'il avait laissé dans le bois de La Lanière. M. Thiéry, chef de l'arsenal de Maubeuge était repassé par Valenciennes, où il avait appris pourquoi les Allemands les avaient poursuivis avec si peu de vigueur: C'est qu'ils expédiaient en hâte, des renforts sur la Marne. De Valenciennes, étaient seulement partis deux forts détachements d'hommes, car l'on n'osait trop dégarnir cette ville importante.

Le commandant Charlier, et le lieutenant Thiéry poursuivaient leur route, lorsqu'ils aperçurent qu'un train se formait à Saint-André. Ils s'approchèrent, et trouvèrent sur le quai trois cents mineurs, qui s'écrièrent: "Voilà le Commandant. "

Ce lui fut une grande joie de retrouver ses hommes qui, fidèles au rendez-vous rejoignaient Dunkerque.
Le Commandant ressemblait à un véritable mendiant avec les vêtements usés, salis par la poussière des longues routes. Il apprit donc que le train se dirigeait sur le Crotoy, et donna à un employé un mot pour sa femme et ses enfants, qui s'y trouvaient. Il arriva à Dunkerque le 11 septembre, et reprit son service.

  • Après l'armistice, l'abbé Lequin, curé d'Onnaing, reçut la Croix de Guerre pour sa conduite pleine de dignité et de dévouement pendant l'occupation. Comme félicitations après un si courageux exploit, le commandant Charlier fut accusé, six ans après, de capitulation et d'abandon de poste. Aussi, écrivit-il de Bucarest, où il apprit par les journaux cette triste accusation, une énergique protestation.

 

  • Le journal "Le Petit Parisien" rend compte du procès devant le 2e conseil de guerre qui a débuté le 12 avril : le général Fournier, gouverneur de Maubeuge en 1914, comparait devant le 2° conseil de guerre, présidé par le général de Maistre.  Aux côtés du général prendront place cinq officiers qui commandaient les forts de la place et qui sont inculpés de capitulation et d'abandon de poste.
    •  le 27/04/1920 :
      La reddition de
      Maubeuge
      La lenteur des débats a dépassé toute prévision. Au début, on avait espéré pouvoir commencer, pour cette sixième audience, le défilé des témoins, et quelques-uns avaient été convoqués à cet effet.

      (..... .....)

      C'est maintenant l'interrogatoire du colonel Charlier.

      Sans attendre les questions du président il proteste vivement contre l'inculpation d'abandon de poste devant l'ennemi.

      C'est peut-être, dit-il, le qualificatif juridique de mon acte mais dans le bon sens populaire, cela s'appelle une évasion.

           C'est, en effet, une évasion que, le 7 septembre, le colonel alors commandant, convaincu que lui et ses hommes allaient être faits prisonniers, entreprit, à travers les lignes ennemies, avec tant de bonheur et d'habileté, qu'il réussit à conduire toute sa troupe à Dunkerque.

  • L'attaque de Maubeuge et de ses forts

    Maubeuge 1914

 

  • Le fort (devenu arsenal) et la redoute de Falise en 1844

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(extrait du cadastre disponible sur le site des Archives Départementales du Nord)

 

  • L'itinéraire de Rousies à St André-lez-Lille

itin_raireitin_raire_noms

Soit près de 120 Km
 

 

  • La fosse de Quiévrechain ( le puits N°2 était alors en fonçage)

    qui_vrechain_Mine

 

 

 

  • CHARLIER Achille Philadelphe
    né le 28 Décembre 1872 à Chauny (Aisne)

    Elève de l'école Polytechnique 1892-1894
    Sous-Lieutenant élève de l'école d'application de l'Artillerie et du Génie 1894-1896
    Lieutenant en 2d au 1er régiment d'Artillerie de Marine 1896-1897 puis à Madagascar (Colonie en guerre) jusqu'en 1900. Il y passe Lieutenant en 1er puis Capitaine en 2nd.
    En poste ensuite au 2nd Régiment d'Artillerie de Marine puis à la Fonderie de Ruelle  du 1er juin 1900 jusqu'en 1903
    -1905 à 1907: Service des constructions d'artillerie en Cochinchine.
    -1907 à 1908: 3e Régiment d'Artillerie Coloniale à Toulon.
    -1908 à 1914: Congo, hors-cadre.
    Fait Fonction de chef du cabinet militaire du gouverneur général de l'Afrique Equatoriale Française (A.E.F)
    Promu chef d'escadron le 23 décembre 1912
    En congé en métropole à l'été 1914 choisit d'être affecté au parc d'artillerie de Maubeuge

    Colonel commandant le 3° Régiment d'Artillerie Coloniale en  1921

    Chevalier de la Légion d'Honneur par arrêté du 11 Juillet 1899
    Officier le 13 Juillet 1915
    Commandeur par arrêté du 15 Mars 1921
    Croix de Guerre 1914-1918
    Officier de l'Ordre Royal de Léopold de Belgique

    Décédé à Paris le 27 Janvier 1956
    Inhumé au cimetière du Père-Lachaise

    • Une photo montrant le Colonel lors du conseil de guerre sur la capitulation de Maubeuge, qui s'est tenu en avril 1920 :

      LaCroix19200421_photo("La Croix" du 21/04/1920 source Gallica)

       

 

 

 


13 janvier 2011

DORISON Marcel

 

Dorison M

 

     René Delame, auteur de  "Valenciennes Occupation allemande 1914-1918. Faits de guerre et souvenirs" Hollande & Fils ed. 1933, raconte les obsèques de ce soldat du 27e Régiment d'Infanterie Territoriale en citant l'allocution prononcée le 29 avril 1915 par l'aumônier allemand sur la tombe d'un soldat français :

    " Je me permets d'adresser un dernier souvenir à la dépouille mortelle du soldat Marcel Dorizon, décédé le 27 avril 1915, à l'hôpital du collège des jeunes filles, à la suite de ses blessures.
" La mort passe dans tous les rangs; elle est le grand neutre et ne connaît ni amis, ni ennemis.  En présence de la mort, nous nous inclinons tous avec respect.  Devant elle, la haine, ou pour parler plus exactement, la colère guerrière s'évanouit.
" Un soldat qui risque sa vie, et qui verse son sang pour sa patrie, mérite notre vénération et le soldat qui ne consentirait pas à saluer un adversaire tombé au service de son pays, non seulement ne serait pas un bon patriote, mais il mériterait le nom de barbare.
" La guerre, d'ailleurs, n'est pas une lutte contre les hommes considérés comme tels, c'est un combat contre les défenseurs d'une autre nation, contre les représentants d'une autre mentalité,
" Que celui qui a fait son devoir jouisse de l'éternel repos, et que la Croix-Rouge garde sa tombe.
" Au nom de la Kommandatur des Etapes de Valenciennes, je dépose cette couronne. Camarade, nous saluons une dernière fois le soldat français que nous considérons maintenant comme notre frère.
" Et moi, au bord de cette tombe, je donne à celui qui part ce que j'ai de meilleur pour l'accompagner dans le grand voyage vers l'éternité. Je lui donne ma bénédiction de prêtre.
" Au nom du Père, du Fils et du Saint.Esprit, Amen. "

 De telles paroles, un tel exemple, furent hélas! bien rares.


    On trouve également  la relation de cet enterrement dans le livre de Gabriel Pierard " La Croix-Rouge dans l'arrondissement de Valenciennes " de 1870 à nos jours -1963.

A l'occasion des funérailles militaires, les Allemands s'efforcent de prouver leur esprit chevaleresque.
(........)
Les Membres du Comité
[de la Croix-Rouge] ayant des fils sous les drapeaux ne peuvent s'empêcher d'être émus par ces adieux même s'ils viennent de ceux ayant causé la mort de leur compatriote.
Ils le sont encore davantage lors des funérailles du soldat Marcel Dorizon, brave territorial, grièvement blessé le 25 août à Haspres d'une balle à la colonne vertébrale. Totalement paralysé, le dos à vif il s'est éteint après huit mois de souffrance. Ce modeste ouvrier originaire de la Sarthe laisse une femme et six enfants.
Le Commandant de place prévenu du décès à tenu à compléter le piquet d'honneur par une section de musiciens. Il se range d'office en tête du cortège aux côtés du Maire, du président de la Croix-Rouge, M. Paul Dupont et de ses vices-présidents, MM. Achille Lajoie et Henri Mabille de Poncheville.
(....)
Après les trois salves habituelles au bord de la tombe, l'aumônier allemand prononce une allocution empreinte de charité chrétienne.

 
Au bas de la page  de son exemplaire personnel, mon père a indiqué :
J'ai assisté comme  enfant de chœur au Faubourg de Paris à un nombre important de funérailles de soldats de toutes nationalités . (Nous ramassions les douilles)

 

064a Dorizon
     Comme on peut le constater, il avait 6 enfants. Après la guerre son épouse (née Marie GALLET le 3/05/1880 à Issy-les-Moulineaux ; le mariage a lieu le 19/11/1902 à Arcueil) recevra la médaille de bronze de la famille française

JORF 19230811
(Journal Officiel du 11/08/1923)

 

  • Sa fiche sur le site Mémoire des Hommes :

DORISONMDH

        La ville de naissance de DORISON Marcel est CHALLES (Sarthe) authentifiée par le registre d'état-civil de naisssance et les parents le 25 Septembre 1880, alors que l'acte de décès Valenciennois et la transcription du jugement s'obstinent à le déclarer né à Chatte en Isère !

EC ESS

 

    Matricule 399 classe 1900, il effectue un service militaire d'un an (dispensé article 21 comme ainé de 8 enfants) en 1901-02 au 115e RI, puis 1 période d'exercices en 1907, et une autre au 27e RIT en 1911

Il est rappelé au 27e RIT le 4 août 1914.

Il apparaît comme "mort de maladie" sur la fiche MdH, alors qu'il s'agit des suites de ses blessures reçues le 25 Août 1914, le jour même où les Allemands pénétraient à Valenciennes.
L'hopital auxiliaire n°2 où il est décédé était situé dans le collège de jeunes filles, Boulevard Pater, actuel Lycée Watteau.

Il a été déclaré Mort pour la France.

MPLF DORISON Marcel

  •  Comme toujours en pareil cas, la famille qui est en zone libre demande des informations auprès de la Croix-Rouge. Il existe deux fiches renvoyant au même registre, l'une rendant compte en détail de l'enquête réalisée : la famille ne sera avertie qu'en juillet 1917 !

    Fiche

    Les pages 7008 et 7009 du registre de décès, très semblables, n'apportent pas d'information supplémentaire, hormis le n° de la tombe individuelle (et donc du cercueil) :

    7008

    7009

  • Sa tombe au cimetière St Roch de Valenciennes : l'occupant avait créé à l'extrémité du terrain, dans une partie encore non exploitée le long du mur jouxtant les dernières maisons de Valenciennes avant St Saulve, un cimetière militaire, (Ehrenfriedhof, cimetière d'honneur) où furent enterrés soldats Allemands et Alliés décédés à Valenciennes. Sa tombe est la première, on distingue au fond à droite de la photo le monument aux soldats allemands.

    Dorizon tombe



  • Sa tombe actuelle, toujours au Cimetière St-Roch :

        La date initialement inscrite n'était pas celle de son décès, mais la date à laquelle il avait été blessé. La même date figurait sur le site Sépultures de Guerre auprès duquel une demande de rectification a été déposée et effectuée.

      Les modifications ont été réalisées en 2014 et voici la nouvelle plaque, un grand merci au Pôle des sépultures de guerre de la Somme :

DMSTROCH2b

 

  •  La même erreur de lieu de naissance (qu'on ne pourra rectifier) est reprise par le Livre d'Or du Ministère des Pensions :

    LO YlM

  •  Son nom figure au monument aux morts d'Issy-le-Moulineaux (Hauts-de-Seine), son dernier domicile :

    MaM IlM
    Source photo : Thierry Dehesdin

    et sur le monument commémoratif au cimetière de Tresson (Sarthe) où il résidait à son recrutement.

    MaM Tresson
    Contribution photo: Patrick BOUJU 15/07/2016
    Cette photographie est sous licence d'usage CC BY-NC-SA 2.0

 

12 janvier 2011

MOHR Jules Arthur

Il ne s'agit pas d'un civil, mais du fils de Jules MOHR fusillé par les allemands le 19 avril 1916 au Tir National à Bruxelles. (voir sa page dans ce blog)

  • Le 6 juillet 1885 à Douilly ( Somme) naît MOHR Jules Arthur, à la déclaration de guerre il est adjudant au 4° Régiment de Tirailleurs; il est basé à Bizerte, il s'agit donc du 6° Bataillon du 4° Régiment de Tirailleurs Indigènes (sic le Journal de Marche et Opérations, JMO). Il est affecté à la 24° Compagnie commandée par le Capitaine Aufrès.

(......)

  • Le 24 Juin 1916 il est blessé par obus sur le plateau "cote 80" entre Proyart et Chuignes dans la Somme

4_RTA_6_BAT_24_juin_1916

 

  • Probablement au lieu-dit "Les grands Champs":

Proyart_Chuignes_cote_80_IGN

  • Sa fiche de décès sur le site mémoire des Hommes le déclare décédé à Villers-Bretonneux, à une dizaine de km de là, 2 jours plus tard, certainement l'hôpital où le blessé a été amené.

 

 

  • Son état Signalétique et des Services précise le lieu de décès : Ambulance 3/22

    engagement



  • Il est inhumé avec ses parents dans le cimetière St Roch de Valenciennes, la pierre de la tombe 83, section I1 3° droite porte le prénom de Raphaël, comme le précise l'état signalétique "Jules Arthur dit Raphaël" :

FAMILLE
MOHR - BACQUET
JULES 1858 - 1916
FUSILLE PAR LES ALLEMANDS
VALERIE 1859- 1923
RAPHAEL 1885 - 1916
MORT POUR LA PATRIE
YVETTE 1897 - 1966

StRoch

 

  • Il figure sur le monument aux morts de Valenciennes, avec également le prénom de Raphaël

MaMVals

 

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